Encouragé par la découverte de leur tout dernier album en date, l’excellent "
Rainier Fog", paru en 2018, j’avais pris la résolution de me procurer, sans trop tarder, l’album qui avait vu
Alice in Chains se réactiver, en dépit de l’absence de son chanteur emblématique, le torturé et ô combien tourmenté Layne Staley (R.I.P).
N’ayant nulle envie de refaire ici l’historique du groupe, je me contenterai de dire que "
Black Gives Way to Blue" s’inscrit dans une veine beaucoup plus sombre, triste et dépressive que ne le sera "
Rainier Fog" quelque 10 années plus tard. N’oublions pas qu’entre ces deux albums,
Alice in Chains aura aussi enregistré un autre album, "
The Devil Put Dinosaurs Here". Mais ne nous égarons pas.
Quoi qu’il en soit, dès l’ouverture de "All
Secrets Known", avec l’épaisseur de son riff lancinant tout comme sa puissante rythmique, voilà déjà matière à rassurer le premier carré des fans inconditionnels du groupe, le cœur d’
Alice in Chains semblant battre comme au premier jour… Lourdement. Car de toute évidence, c’est bien au Heavy le plus lourd et le plus noir auquel nous convient les quatre Américains durant ces quelque 50 minutes.
Le "nirvanesque" "
Your Decision" et ses belles guitares acoustiques, tout comme le très
Unplugged "When the Sun
Rose Again" permettent fort heureusement de reprendre un peu d’oxygène au milieu des rouleaux compresseurs et autres hauts fourneaux que sont "Last of My Kind" et son refrain des plus vindicatifs ou les 7 minutes d’un "
A Looking in View" particulièrement assassin. L’éprouvant "Acide Bubble" et ses deux cassures rythmiques pour le moins déstabilisantes, les guitares dissonantes de "
Check My Brain", tout comme l’imparable "Take Her Out" ne sont pas non plus en reste pour nous y asséner d’autres semblables coups de massue.
En matière de martelage justement… Ce qui « frappe » d’emblée, c’est ce son concocté par un certain Nick Raskulinecz (
Deftones,
Rush,
Mastodon, etc), qui avait notamment et triplement été récompensé quelques années auparavant pour son travail avec les Foo Fighters. Quel son phénoménal que celui là !!! Brillant, clair et massif tout à la foi. Et si tous les instruments sont ici mis sur un même pied d’égalité dans le mix, les batteurs n’auront certainement pas fini de s’extasier face au rendu batterie du toujours excellent Sean Kinney. Écoutez-moi un peu cette caisse claire sur "
A Looking in View"… Un très grand producteur, digne des Andy Johns, Bob Ezrin, Bob Clearmountain et autres Robert "Mute" Lange.
Pour autant, "
Black Gives Way to Blue" ne s’appréhende pas aussi facilement qu’on pourrait le croire. Et j’avoue toujours lui préférer assez largement le beaucoup plus varié "
Rainier Fog" cité plus haut. Pour ma part, je pense que l’unique défaut de "
Black Gives Way to Blue" est qu’il verse trop dans cette presque constance de titres lents. Sachant aussi que
Jerry Cantrell et William Duvall égrainent constamment leurs impeccables litanies en prenant toujours soin de les étirer, comme pour nous conduire sciemment au bord de l’asphyxie ; le cœur servant d’illustration prenant de suite un ton particulier dans de telles conditions. Mais sur 50 minutes faites de ce matériaux là, il se peut tout à fait que certains d’entre vous préféreront s’en échapper de peur de ne pas tenir sur la distance (la longueur) de ce trop plein de noirceur.
Toujours à propos de Cantrell et de son nouveau compagnon d’écriture, il est aussi à souligner tout le travail fait autour des guitares. Car en plus de leur merveilleuse expressivité vocale, les deux hommes ne sont pour le coup pas à la traîne quand il s’agit de vous dresser les poils au détour d’un solo distillé ici ou là. Dans ce domaine précisément, "Private
Hell" se pose tout bonnement en Maître, et comme LA pièce incontournable de ce disque du retour. Et puis comme
Alice in Chains ne semble décidément pas un groupe comme les autres,
Jerry Cantrell clôt cet album par ce titre éponyme tout en retenue, hommage évident autant que bouleversant à l’égard de l’ami disparu, épaulé pour l’occasion par le piano discret d’un certain Elton John.
Voilà donc un album qui ne manque clairement pas de personnalité.
Si globalement « Black give to blue » est plutôt inégal et n’atteint pas le degré d’émotion et de classe que pouvait générer Alice in Chains dans les années 90, il contient d’excellents passages tout en subtilité et en grâce qui évoquent subrepticement la gloire passée du groupe.
Sans être aussi émouvant et torturé que Staley, William Duvall se montre un excellent chanteur.
Inscrit dans son époque, « Black give to blue » fera passer un très bon moment principalement à cause de ses ballades de grande qualité, pareilles à de purs rayons de soleil crevant timidement un ciel triste chargé de lourds nuages gris.
On saluera donc cet album faisant figure de renaissance pour un groupe maudit et convalescent sortant de plusieurs années d’enfer.
Plus sur ce lien : https://lediscoursdharnois.blogspot.com/2021/04/black-gives-way-to-blue-alice-in-chains.html
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