L’automne, une période de l’année, un instant de notre vie que l’on considère trop souvent comme un intermédiaire entre la chaleur incorrigible de l’été, et le froid digne, sobre de l’hiver. Une saison qui est souvent délaissée, livrée à elle-même, dans sa triste solitude. Les arbres partagent avec elles la même douleur en pleurant leurs feuilles rougeâtres, comme de vraies larmes de sang. «
Dark Moor », l’une des formations espagnoles les plus en vogue dans l’univers du metal, pourrait parvenir à combler cette injustice, et faire de l’automne l’une des périodes les plus marquantes de sa discographie.
Un air de ballet bien connu ouvre « Automnal », celle d’un certain Tchaikovsky, compositeur russe génial du 19ème siècle, réarrangé et revitalisé par les soins de «
Dark Moor ». «
Swan Lake » revisite un grand moment de la musique classique tout en imposant un style à la pointe du metal symphonique. La voix d’Alfred Romero en fait véritablement quelque chose de transcendant, grâce en partie au soutien de la voix ensorcelante d’Inea Benedicto, chanteuse du groupe «
Niobeth ». Le son symphonique emporte toute la piste. Il se conjugue parfois avec un jeu de batterie rigoureux et appuyé. La guitare, elle, sur cet album n’interviendra réellement que sur des parties instrumentales préalablement situées. Sur «
Swan Lake » elle y fait une apparition furtive et craintive comme si elle était devenue l’incarnation d’une bête des bois.
Autre impression de l’album que l’on soulève de manière évidente, sur « On the Hills of Dreams », c’est une entame qui commence pratiquement toujours par quelque chose de fort, d’imprégnant, avant d’ensuite se laisser cajoler par les mélodies et la douceur enivrante de la symphonie. Sur ce titre les sons vont tout en scintillant, nous faisant vivre un vrai moment de plénitude. Quelques riffs apportent cependant une certaine constance, et permettent aux passages de s’enchainer sur un développement en continuel mouvement. Comme si on assistait à des variations de climat sans pour autant que l’on constate de pause. «
Phantom Queen » et « Faustus » apporteront une ambiance plus haletante dans un registre toujours aussi symphonique. On imagine facilement un chariot cavalé à vive allure sous le rythme de cette musique. Les sonorités de violon seront sur ces titres, totalement affranchies et sans la moindre complaisance. De nombreux breaks et de vifs redémarrages offrent une petite sensation de tournis. On passe du chaud au froid presque en un seul coup.
Le grand moment de l’album, parce qu’il y a toujours un titre que l’on retiendra plus que les autres, est sans nul doute « Don’t Look Back ». Des sons de clavecin nous accompagne à l’entrée, puis les sons harmonieux de la symphonie nous soufflent, ouvrant un net passage pour M.Romero. Son chant est ici entrecoupé par une voix féminine qui finit de nous achever, produisant d’intenses moments d’émotions. Le clavecin interviendra à nouveau pour relancer la machine, puis pour clore la scène. Ce titre est à couper le souffle, plus extraordinaire que les autres qui pèchent d’un certain manque d’engagement, utilisant bien trop souvent la même méthode, qui consiste à produire un son doux sur les couplets et à intensifier tout cela jusqu’à le porter aux nues sur les refrains avec la dualité Romero-Benedicto.
On retrouve néanmoins une certaine variation entre les pistes dans la 2ème partie de l’album. « When the Sun is Gone » se base sur une approche bien plus tortueuse. Le chant est aspiré et adopte un caractère intimidant sur les couplets. La guitare est aussi un peu plus mis en avant qu’à l’accoutumé. Elle aura même droit à une grosse partie instrumentale qui lui sera quasiment entièrement consacrée. L’instrument sera encore plus présent sur « The Enchanted
Forest », mais se contentera trop souvent de suivre de prêt le rythme balayé de la symphonie.
« For Her » est à l’opposé de « When the Sun Is Gone ». On sent par ici la grande épopée, l’aventure chevaleresque. Cette solide impression est en grande partie due aux sons des cuivres qui tonnent parfois la piste et au chant plus impliqué encore. A la simple écoute on se sent revigorer, prêt à partir à cheval pour conquérir le cœur de la belle décrite dans la chanson. Un album ayant autant puisé dans la source de la musique classique, n’aurait pas pu terminer en beauté sans un titre instrumental d’orchestre symphonique. C’est ici chose faite avec la majestueux «
Fallen Leaves Waltz ».
«
Autumnal » révèle toute la beauté d’une saison qui cache sa splendeur. Une musique, certes un peu linéaire par endroits, peu électrisante, peu aguichante dans sa façon d’être, mais puissante, d’une complète maîtrise, offrant de purs instants de bonheur. Un instant magique que «
Dark Moor » offre à Dame Automne et à ses fans.
16/20
Celà s'écrit différement selon les langues si tu note bien. Mais je préfère avec un "y", la terminaison en "ski" détermine plus souvent une origine polonaise, en "sky" une origine ukrainienne ou russe.
On pourait buzzer tout ce tralala, mais un polonais m'avait bien fait observer que ce genre de petites choses avaient son importance, et que les russes et les polonais ne supportaient pas qu'on les confondent.
(fin de la parenthèse qui frise l'insanité pour une chronique consacrée à du metal).
Assez étrange en effet qu'en partant de metal on en arrive à discuter de l'orthographe du nom d'un compositeur russe... :)
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