«
Dark Moor » nous avait laissé quelques années auparavant avec les plus grands espoirs, ceux de voir un jour un groupe de power metal espagnol traité parmi l’élite du genre. Leur œuvre si singulière et romantique de 2010, bien que plombée par quelques titres passables, mettait à jour une alchimie complète, l’aboutissement de plusieurs années de travail et de tergiversations. Il n’y avait qu’à entendre des titres comme « Mio Cid » ou « A Music in My Soul » pour se convaincre de la maturité trouvée d’un groupe dont on avait longtemps reproché son manque. C’est donc avec attente et envie que nous nous attaquerons à «
Ars Musica ». Nombreux sont ceux qui ont été interpellés par la couverture de l’album. L’imagerie attachée au monde de l’enfance reprend quasiment celle d’un très fameux «
Nightwish », d’autant plus que la présence d’un enfant jouant d’un violon nous indiquerait d’ores et déjà que la formation madrilène s’intéresserait à la musique classique. Pour le moment, tout n’est que supposition. Mais il ne faudrait pas grand-chose à ce stade pour se convaincre que la pièce serait une sorte de redite symphonique à leur «
Autumnal ». Une œuvre qui n’avait pas su faire l’unanimité malgré ses qualités avérées. Un souhait est survenu en écoutant ce nouvel album tant attendu ; celui de réhabiliter l’album contesté de 2009. «
Dark Moor » savait alors faire du bon metal symphonique, en comparaison.
Il est plus qu’envisageable que l’œuvre s’inscrira dans la symphonie si on croit seulement l’introduction, en plus des divers éléments laissés, tout en délicatesse, en légèreté, puis surmontée à grands renforts de cuivres. L’innocence attachée à l’enfance se voit confrontée au monde sans pitié des adultes. Le rêve s’efface devant la réalité. Ces cuivres vous ne les entendrez pas uniquement sur l’éponyme «
Ars Musica », mais aussi sur une majeure partie de l’opus. On pourrait dès lors se dire que la grandiloquence va sublimer les différentes pistes à parcourir. Cette idée est encore bien vivante sur « First Lance of Spain », qui rappelle dans le style et dans la dualité de chants entre Alfred Romero et Bérénice Musa (soprano), l’album «
Autumnal ». Le titre est beau, cependant les sons s’accumulent de sorte que la piste paraitrait obstruée. Le ton est à la fois empressé et peu sûr. On retient forcément ce qu’ils ont fait quelques années avant, mais dans une moindre mesure qualitative. La suite évanouira complétement nos espérances.
On touchera le bout du pompon rose bonbon avec le très kitch « It Is My Way ». Nous nous rappellerons alors qu’un musée dédié au groupe « Abba » avait fraichement été inauguré à Stockholm. «
Dark Moor » s’en serait, semble-t-il inspiré (pas du musée, mais de la formation suédoise. Bien que ça se vaut). Autre chanson digne de figurer dans une sélection de l’Eurovision (pour finir à une bonne place de 19ème ou 20ème), « Gara and Jonay » est une ballade très suave. J’irais jusqu‘à employer le mot "niais". Avec un esprit tordu mais néanmoins réaliste, on s’imaginerait Alfred Romero en chemise à jabot colorée sur scène, tentant de conquérir un public d’anciennes minettes. Frédéric François a enfin trouvé sa relève. Notre chanteur aura meilleure fortune sur « El Ultimo Rey », entièrement en langue castillane. Don Romero fait là un gros effort vocal, tout en imposant une certaine prestance. La latinité du titre ressort également dans la grâce musicale. Et on se réfèrera de nouveau à l’Espagne avec la reprise instrumentale de « Spanish Suite » d’Isaac Albéniz. Electrique, frémissante, quoiqu’un peu artificielle sur les bords.
Oui ! Occasionnellement on retrouve un «
Dark Moor » plutôt inspiré et dynamique, comme c’est le cas avec un «
The Road Again » particulièrement incisif et généreux. Son rythme tonifiant, cet esprit combatif que l’on retrouve chez le couple de chanteurs, mais aussi chez les musiciens, rappellerait l’élan ayant irrigué le déjà prometteur «
Tarot ». Il est curieux que le groupe ait prévu une autre version du titre «
The Road Again », une version acoustique, d’une mélancolie abusive, sans réel intérêt. Il est à observer que ce choix de doubler de version a aussi été prévu pour « Living in a
Nightmare ». Pour ce dernier, nous avons l’original extrêmement intense, peut-être un peu redondant malgré ses tumultes, et une version orchestrale où n’officie l’orchestre et que l’orchestre. Cette dernière version se révèle assez impressionnante, oppressante si on tient compte de ses vagues agissant par fracas.
La symphonie a ses hauts et ses bas, apparemment. Utilisée avec parcimonie, elle se révèle bénéfique comme c’est le cas avec « Saint James Way ». Un morceau à cheval entre «
Tarot » et «
Autumnal », qui jouit d’une pointe d’originalité, malgré des chants sans véritable conviction. Ils seront également mal utilisés dans un morceau qui aurait pu devenir magistral avec un apport de puissance vocale. Il est bien entendu question de « The City of Peace », dont les sons cristallins ne sont pas sans rappeler les débuts idylliques de «
Sonata Arctica ». Ces airs classieux et une surabondance de sonorités harmonieuses poussées à l’excès donneraient la nausée sur « Togrther as
Ever », plus proche d’un style propre à «
Dark Moor » cette fois. Ce paradis en carton fait de fleurs en papier dégouline encore de sa peinture. On ne comprend pas trop ce que l’équipe d’Enrique Garcia a souhaité réaliser. Il y aurait un goût d’inachevé qui se dégagerait de «
Together as
Ever », comme de la plupart des autres titres.
L’art est plus qu’un exercice, c’est un métier. Cela requiert patience et méthode. Pour ce qui concerne «
Dark Moor », l’art est une recherche insoluble. Tant de fois, on s’est dit « ça y est ! Le groupe va enfin trouver la voie. » Après coup, rien ne se concrétise. Le groupe ne parvient à peine à profiter de ses précédents acquis. Tout est pour ainsi dire un éternel recommencement, un travail maintes fois exécuté, maintes fois défait, pour être ensuite recommencé de nouveau, tel la toile de Penelope dans l’Odyssée. Il faudra plus que de la patience et de la méthode pour nos espagnols. «
Ars Musica » est clairement une déception, un retour à la période symphonique d’«
Autumnal », illustré par le retour en grandes pompes du duo chant masculin/chant féminin. Mais la magie, l’élégance de l’automne n’opèrent plus vraiment ici. Il y a bien sûr quelques éclats qui raviront aux fans de ces orfèvres du power metal romantique. On aurait aimé que ces éclats irriguent l’œuvre. Après un automne plus ou moins apprécié, un printemps fructueux, voilà que l’été s’annonce couvert et pluvieux. Gare aux inondations!
13/20
L'album commence de fort belle manière avec l'intro éponyme "Ars Musica" et le dynamique "First Lance Of Spain", la production est parfaite et chaque instrument est à sa place.
Malheureusement, la première déception arrive avec "This Is My Way", le plus mauvais titre de l'album, le stéréotype même du morceau bouche trou.
Pour un groupe de la trempe de Dark Moor c'est tout de même affligeant...
Heureusement, les Espagnols reviennent de suite dans la partie avec "The Road Again" et "The City Of Peace", deux titres aux superbes mélodies, avec des solos vraiment excellents et un Alfred Romero impérial au chant.
Après la très moyenne ballade "Gora Et Jonay" le groupe confirme toute sa puissance sur le phénoménale "Living In A Nightmare" et son originalité latine avec le fabuleux "El Ultimo Rey".
La fin de l'album est à mon grand regret beaucoup plus timide, "Saint James Way" peine à convaincre, tandis que l'instrumentale "Asturias" ne décolle à aucun moment...
Note: 14/20
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire