Commençons par la fin... le dernier morceau de l’album
Anomalies de
Cephalic Carnage «
Ontogeny of
Behavior» est tout simplement grandiose et résume à lui seul la complexité de ce groupe et l’impossibilité de lui accoler une seule étiquette. Eux disent être un groupe de «Rocky
Mountain hydro-grind» et si ces montagnes représentent l’espace, la liberté, la volonté de ne pas être catalogué, quitte à froisser les puristes, alors oui ils en sont l’incarnation. Quoiqu’il en soit,
Cephalic Carnage est un groupe dont la symbiose transparait du début à la fin de l'album Anamolies avec une réelle connivence entre les membres et un apparent désir de pousser encore plus loin les limites de leur mélange unique de grind, death, doom, black, rock, punk, prog et jazz...
Au fait, je ne connaissais pas le mot «ontogeny » alors j’ai cherché dans le dico, l’ontogenèse est le développement d’un individu depuis sa conception jusqu'à l’état adulte (merci Larousse) et avec
Anomalies je pense qu’on peut aisément parler de la pleine maturité de ce quintette créé en 1992 et originaire de Denver dans le Colorado. Une maturité qui se confirmera d’ailleurs deux ans plus tard en 2007 avec l’album
Xenosapien.
Mais revenons d’abord à «
Ontogeny of
Behavior». Je pourrais faire un parallèle facile avec l’acte sexuel, mais je préfère faire une analogie encore moins recherchée avec les montagnes russes ! Le début des 9 minutes 49 de
Ontogeny est lent, presque berçant, le chanteur Lenzig Leal, avec une voix grave synthétisée, continue l’histoire du Enviovore qui s’est installé sur terre il y a des millions d’années après l’annihilation de sa propre planète (on comprendra que l’Enviovore c’est nous…). On est bien installé dans notre petite voiture de manège, on serre la barre, on se sent en sécurité, on écoute la petite histoire. Puis, les choses se corsent. Les guitares deviennent plus persistantes, on accélère progressivement, et l’on se retrouve, à un peu plus de la moitié du morceau, la tête a l’envers, le cœur battant, la double pédale du batteur John Merryman nous donnant l’impression d’être violentés, secoués et que ça ne terminera jamais. Et puis l’on ralentit subitement, il y a un dernier looping, on reprend notre souffle. Haletants, on médite sur ce qu’on vient de vivre et on rachète un ticket parce qu’on a envie de recommencer tout de suite.
Je ne suis pas spécialiste du death ou du grind, je ne veux donc pas faire de comparaisons savantes avec d’autres groupes, mais j’ai acheté cet album parce que j’ai une confiance quasi aveugle dans le label Relapse Records qui ne m’a encore jamais déçu et grâce auquel j’ai vastement élargi mes horizons metalleux. Cela dit, d’après ce que je sais du grind, les quatre premiers morceaux de
Anomalies en sont emblématiques avec blast beats, riffs très rapides, tempo saccadé et vocaux gutturaux. Certains noms respectés de la scène deathgrind font des apparitions sur cet album: Travis Ryan de
Cattle Decapitation,
Barney Greenway de
Napalm Death et John Gallagher de
Dying Fetus – les deux derniers groupes sont aussi sur Relapse.
Les quatre premiers titres sont courts, brutaux, s’enchainent vite, mais à partir de «Piecemaker» on change complètement de registre et
Cephalic Carnage nous offre plus de 5 minutes de sludge psychédélique teinté de southern rock rappelant
Yob ou Melvins avec la basse puissante de Josh Mullen et le jeu de guitare de Zac Joe et Steve Goldberg. John Merryman impressionne encore sur «Enviovore», morceau curieux qu’on a parfois l’impression d’entendre jouer comme un disque a l’envers. Là, Lenzig explique que l’Enviovore squatte la terre, la sur-peuple, la pollue, la bousille jusqu’à l’extermination de la race humaine… Le message d’Enviovore est en cohérence avec les thématiques du grindcore, mais on ne sait jamais si c’est du lard ou du cochon avec CC. Sur
Anomalies ils renouent d’ailleurs avec une tradition présente sur les précédents albums de parodier d’autres styles de métal et de ne jamais se prendre trop au sérieux. «
Dying will be the
Death of Me» (Mourir sera ma mort) par le style et les paroles se moque gentiment du metalcore américain avec ses thématiques de mort, de souffrance et de nihilisme et «
Kill for Weed» est une parodie d’une parodie, c’est à dire une parodie de Cannibas
Corpse parodiant
Cannibal Corpse.
Certains diront que trop c’est trop, qu’à force de brasser tout les styles de metal
Cephalic Carnage perd de son intégrité, je pense que ça dépend largement de l’ouverture d’esprit de l’auditeur.. Pour ma part, je dirais que le magazine
Revolver, qui a qualifié cet album de «progressif et pulvérisant» a vu juste. Il y a de tout, de la technicité, de l’originalité, de l’humour et tout simplement un très bon rythme porté par la voix toujours changeante de Leal. C’est un coup de pied dans la fourmilière parfois trop rigide du metal et c’est tant mieux.
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