Within Destruction est un groupe slovène qui s’est petit à petit imposé comme l’un des projets les plus audacieux et polarisants de la scène metal extrême moderne. Né dans les entrailles du slam deathcore le plus brutal, le groupe s’est rapidement démarqué par une technicité redoutable et une énergie viscérale. Leur deux premiers opus,
From the Dephts et
Void, témoignaient déjà d’un règne surprenant de la violence sonore. Mais c’est avec
Deathwish (2018) que la formation a frappé un premier grand coup, une œuvre qui a propulsé l’ex-quintet en première ligne du paysage international. Grâce à un mélange des fondations deathcore avec des éléments brutal slam ainsi que des breakdowns abyssaux, l’ouvrage fut une véritable démonstration de puissance, malgré une production hasardeuse et une personnalité encore inexistante.
L’arrivée de Yokai en 2020 a permis au collectif de démarrer une mutation assez radicale, un virage risqué vers un mélange de deathcore, de trap metal et de culture japonaise, une transition qui a énormément divisé leur fanbase. Si l’intention artistique, à savoir vouloir repousser les limites d’un genre souvent figé, mérite le respect, le résultat a parfois laissé un goût d’inachevé. En effet, l’équilibre entre les sonorités trap et la lourdeur du deathcore semblait forcé et certaines compositions ont peiné à trouver de la cohérence. Le concept visuel inspiré de l’univers manga/anime fut séduisant sur le papier mais l’exécution musicale a sérieusement manqué de profondeur ou de liant entre les styles, rendant Yokai comme une expérience plus qu’un aboutissement.
Nos Slovènes sont finalement parvenus à sublimer leur volonté de fusionner le metal à la musique urbaine par le biais de
Lotus (2022). Loin de la maladresse expérimentale de Yokai, ce cinquième essai a réussi à trouver une identité claire, riche et étonnamment séduisante. Les morceaux furent davantage accrocheurs et surtout ont assumé pleinement l’hybridité du son. Par le biais de refrains mémorables et d’instrumentalisations fines, l’ensemble a dégagé une superbe maturité artistique. Sans forcément renier la violence de ses débuts, le disque a ouvert une porte vers une musique contemporaine, hétéroclite et accessible, une consécration amplement mérité et un avenir des plus radieux.
Pourtant, après cet élan créatif qui laissait espérer une véritable mue réussie de la part de notre désormais trio vers un metal futuriste, l’arrivée d’
Animetal incarne le crash d’un envol prometteur. Cette sixième offrande qui s’annonçait comme l’aboutissement de leur fusion trap/metal/anime tombe malheureusement dans des travers qui avaient été jusqu’à présent évités. Bien loin de l’audace de
Lotus et de Yokai, l’opus donne souvent l’impression d’un patchwork sonore désuet, où l’énergie s'amenuise à vitesse grand V, les idées sont recyclées d’un morceau à l’autre et les prestations vocales usent d’un autotune peu reluisantes. Les titres enchaînent les gimmicks numériques sans construction solide et les influences otaku autrefois rafraîchissantes, deviennent ici caricaturales.
Certaines compositions illustrent parfaitement cette immense désillusion comme l’ouverture éponyme qui, au lieu de poser les bases d’un univers affirmé, propage davantage une forme de malaise. On y décèle une tentative de pastiche anime metal qui tombe à plat à cause de nappes synthétiques exagérées et de refrains surjoués qui donnent à la mélodie des airs de générique des
Power Rangers sans l’ironie ou la maîtrise. Plutôt que d’embrasser un second degré assumé, le titre verse surtout dans la parodie involontaire que dans une vraie proposition musicale.
Kanashibari tente une intensité plus directe, une sorte de retour à l’animosité brute. Pourtant, l’agressivité y paraît artificielle, forcée, dénuée de dynamique ou de progression. Le morceau matraque sans direction claire et échoue à capturer l’intensité organique que le groupe maîtrisait jadis. On entend plus une crise d’identité qu’un cri de rage.
Le final A Love
That Slowly Died laisse un constat d’autant plus amer puisque la formation tente une atmosphère plus sombre et mélancolique mais se perd dans un riffing d’une pauvreté étonnante ainsi que dans une utilisation d’autotune franchement envahissante. L’émotion paraît mécanique, désincarnée et là où la sensibilité aurait pu émerger, on ne retient qu’une boucle mélodique élémentaire et un traitement vocal qui étouffe toute authenticité.
Heureusement, quelques rayons de soleil émanent de ce sixième tableau. Cybergirl fait partie des rares moments où l’alchimie fonctionne réellement. Si la structure reste conventionnelle, le morceau brille par un magnifique solo de guitare, fluide et expressif. Pour une fois, le groupe parvient à équilibrer l’hybridité du son sans sombrer dans l'excès.
Dans le même esprit, Incomplete propose une approche plus posée, presque vulnérable. Balade inattendue, le morceau réussit à se démarquer grâce à une exploitation de l’autotune non plus comme un effet tape-à-l’œil mais comme un vecteur d’émotion digitale. On y trouve une sensibilité rare, une volonté de casser le masque pour un instant plus sincère, une prise de risque qui, cette fois-ci, touche en plein cœur.
Hide & Sick amène quant à lui une bouffée d’air plus brut et directe. Véritable retour aux sonorités deathcore, le morceau retrouve un grain plus rugueux, des riffs mieux construits, et une structure plus organique. Sans être révolutionnaire, c’est l’un des seuls titres qui rappelle avec efficacité l’
ADN initial du groupe, comme un appel lointain à ce qu’il fut autrefois.
Animetal est un album tiré vers le bas par ses excès esthétiques, ses errances de production et une identité sonore devenue floue, presque factice. Malgré quelques rares sursauts de créativité, le disque peine à convaincre tant il semble prisonnier de ses automatismes, d’une forme de conventionnalité et d’une obsession sur son image. Là où
Lotus ouvrait une voie extravagante et ambitieuse,
Animetal incarne le contresens, une tentative de prolongement artistique qui s'effondre sous le poids de sa superficialité.
Within Destruction reste un groupe au potentiel certain, mais cette sixième toile témoigne d’une absence flagrante de progression et de sincérité. Pour retrouver sa pertinence d’antan, le trio devra impérativement revenir à sa rigueur de composition, éviter diverses fioritures et surtout croire davantage en l’émotion brute qu’à des artifices.
L'album est à l'image de la cover; grossier
Il n'est jamais facile de chroniquer un disque lorsque l'on met une note en dessous de la moyenne car l'argumentaire se doit d'être parfait au risque d'en choquer plus d'un (j'en ai fais les frais avec ce qui est désormais l'avant dernier Alestorm).
Ce faisant, je dois dire que ta chronique est sublime car cet exercice reste difficile! Tu as su mettre les mots sur ce qui n'allait pas, et ce, sans choquer les fans qui pourraient lire ta missive!
Comme d'habitude, chapeau bas! C'est toujours un plaisir de te lire
malgré le fait que ce style (comme tu le sais) n'est pas du tout la came!
Bravo et merci pour la chro!
Je n'avais pas encore pris le temps de te répondre mais merci encore une fois Jo pour tes compliments qui me vont vraiment droit au coeur. Comme d'habitude, même si je n'aime pas un album, il y a tout de même des artistes derrière cette création. De plus, tout le monde n'aura pas le même avis que le mien, d'où l'importance d'utiliser un ton qui ne soit pas trop cinglant non plus et même si je demeure incroyablement frustré par cet opus après un précédent album qui présageait le meilleur pour Within Destruction.
Mais de rien l'ami. Avec plaisir.
Je te rejoins sur le fait qu'utiliser un ton qui ne soit pas cinglant reste le plus difficile. J'espère que le prochain opus sera meilleur. Un plantage cela arrive malheureusement. Le tout est que ce groupe ne continue pas dans la même voie sinon... Attention à la chute qui sera lourde de conséquence.
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