On pourra toujours me dire le contraire, m’avancer que chaque époque a généré son lot de groupes talentueux et créatifs. Egalement souligner –assez justement- que ce début des nineties a forcément marqué au fer rouge une génération de jeunes trentenaires qui s’immergea dans le metal avec passion. Il n’empêche qu’au delà des figures de proues et des groupes emblématiques jalonnant cette période, on trouve toujours des pépites insuffisamment reconnues.
Celle-ci est italienne. Sa naissance a lieu en 1991, sous l’impulsion d’un leader charismatique et talentueux au possible, Tommaso Talamanca. Associé au batteur Peso et au bassiste/chanteur Andy, le groupe se taille rapidement une solide réputation dans l’underground européen, ce qui lui permet de se faire signer par
Nosferatu pour deux albums.
Above the Light sort en 1993. A vrai dire, tel un œnologue de talent qui saurait dater un Saint Emilion sans coup férir, le fan de metal qui connait bien l’époque en question est sans doute capable de faire la même chose avec ce premier
Sadist, à la seule écoute de quelques compositions...
Etudions en détail le premier vrai morceau du disque (après la magnifique introduction instrumentale
Nadir), Breathin’
Cancer, et vous allez comprendre où je veux en venir. Premières notes acoustiques en arpège, premier riff inquiétant et vicieux, avec une influence
Coroner évidente. L’atmosphère est déjà pleine de personnalité, l’immersion immédiate. On accélère, pour un passage à la
Leprosy, furia death//thrash, riff acéré, batterie lancée comme une balle, et le growl rugueux d’Andy parachevant le tout. Break improbable, aérien au possible, où tout le toucher de Tommy se révèle : solo de guitare éloquent, nappes de claviers d’une finesse absolue...un break digne du Focus de
Cynic...le metal de
Sadist se déverse ainsi pendant plus de sept minutes, dans un mouvement fluide et souple, alternant le mordant et la finesse au travers d’un enchaînement désarmant, touchant dans la précision de la forme, incroyable de profondeur dans son ambiance et son fond artistique. Les différentes comparaisons – flatteuses mais pas audacieuses – vous font maintenant comprendre pourquoi
Above the Light ne peut cacher son année de naissance. D’abord l’héritage marqué du techno-thrash de
Coroner, qui transpire plus ou moins ouvertement à longueur de disque, dans la construction des compositions jusqu’au jeu très similaire entre les deux Tommy (Talamanca versus Vetterli). Pour ceux qui connaissent le génie du guitariste des Suisses, cela est assez évocateur. Ensuite par l’influence du death technique alors en vigueur en cette année 93, du mordant d’un Death à la subtilité progressive d’un
Cynic.
Cependant, n’allez pas croire que
Sadist fait uniquement dans le copier/coller.
Above the Light a une vraie personnalité et une grande cohérence. Capable de se montrer à la fois très nerveux (Enslaver Of
Lies), touchant (l’émotion heavy/thrash du superbe Sometimes They Come Back), ou simplement déroutant (Happiness N’
Sorrow), le style
Sadist jongle merveilleusement bien entre son assise thrash/death musclée et ses penchants progressifs magnifiés par la flamboyance complice de claviers très présents et d’envolées guitaristiques à couper le souffle. Le détail qui confirme le génie de la composition est sans doute la capacité à canaliser une créativité débordante, sans jamais tomber dans le piège de la surenchère et de la surcharge alambiquée (peut-être à l’exception de la dispensable instrumentale
Sadist). A ce stade on peut se poser la question du manque de reconnaissance de ce disque au travers des années. Certes, le disque déplore tout de même quelques faiblesses. Pour poursuivre le parallèle, la production mise à disposition de
Sadist n’est pas sans rappeler les limites du son de
Coroner à ses débuts, le point faible résidant surtout dans cet affreux bruit de grosse caisse, souffreteux au possible, qui se révèle un peu handicapant dans les passages les plus brutaux. Mais la richesse des compositions et l’inspiration bluffante des mélodies s’accomodent largement de ce point faible.
Plus handicapant, le fait que le disque fasse son âge. Je l’ai dit plus haut,
Above the Light est un disque de son temps, se posant à la fois en héritier de
Coroner tout en lorgnant franchement vers le death technique et progressif alors au firmament. De ce fait, en affichant trop ouvertement ses influences, à plusieurs reprises l’impression de déjà entendu peut pointer, ce qui s’avère préjudiciable à la personnalité propre des Italiens. Sans parler d’anachronisme, on peut concevoir qu’à l’époque de sa sortie,
Above the Light ait eu un peu trop recours à des référentiels en bout de course (le techno-thrash classique en premier chef).
Toutefois, ces considérations ne sont plus d’actualité. Il est largement temps de réhabiliter ce chef d’œuvre injustement resté dans l’ombre de certains de ses contemporains. Symbole d’une époque tout en affichant un caractère prononcé, ce disque de rupture, à la croisée des styles, peut toucher des publics variés mais ravira en premier chef ceux qui se sont passionnés pour cette période bénie ou le metal extrême cohabitait pour la première fois avec une sensibilité mélodique et progressive.
Quelques années plus tard,
Sadist parviendra à couper définitivement le cordon et à affirmer sa personnalité fantasque sur
Tribe, définitivement plus moderne.
Le trou du cul qui a chroniqué ce disque à 45% sur Metal Archives n'a rien capté. Cet album est grandement avantgardiste, du Opeth avant l'heure mixé à des accélérations Death / Thrash digne de Kreator.
Above the Light c'est l'exemple type qui démontre que subtilité et
technique ne sont pas forcément incompatibles avec l'agressivité.
Je garde peut-être simplement une légère préférence pour les atmosphères de Tribe.
RaZieL_88: non je t'assure, si tu aimes above the light, un jour tu adoreras Tribe aussi ;)
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