De l'eau aura coulé sous les ponts pour le quartet étasunien depuis sa sortie de terre, en 2013, à
Boston, sous l'impulsion commune du guitariste
Jack Kosto (Threads Of
Fate) et de l'auteure/interprète et claviériste Adrienne Cowan (Light
And Shade,
Winds Of Plague,
Avantasia...)...
Déjà à la tête de trois albums full length (dont l'encourageant «
Solveig », sorti en 2017, suivi de l'ensorcelant «
Emerald Seas », en 2020, auquel succédera le dantesque «
Gods of Debauchery », un an plus tard), d'un album live («
Live at Progpower USA XXI » (2023)), d'un EP («
The Cabaret of Dreams » (2014)) et de 6 singles, le prolifique combo complètera ce solide capital studio d'un foisonnant background live, avec de significatives prestations à la clé au ''Awaken the World Tour 2024'', en Amérique du Nord, aux côtés de
Kamelot et Ad
Infinitum, ou encore au ''Ydalir European Tour 2024'', partageant alors l'affiche avec Atavistia et Skálmöld, pour ne citer que quelques-unes des dates les plus récentes. Mais le collectif bostonnien en veut plus, beaucoup plus. Aussi, les douze pistes de son quatrième opus, «
A Fortress Called Home », signé comme ses plus proches aînés chez le puissant label italien Frontiers Records, lui permettront-elles de rejoindre les valeurs de référence du si convoité registre metal symphonique à chant féminin ?
Dans cette nouvelle aventure, nous embarque l'équipage de la précédente traversée au grand complet, le bassiste et choriste Peter de Reyna (ex-Firewing, ex-Aversed, ex-Unflesh...) et le batteur Chris Dovas (Dovas, Firewing, Evulsion, ex-FirstBourne, ex-Unflesh...) continuant d'escorter nos deux maîtres d'œuvre dans leurs pérégrinations. De cette indéfectible collaboration naît un propos rock'n'metal symphonique gothique, opératique et cinématique, mâtiné de heavy, power et death mélodique, soit, dans la lignée du précédent effort. Aussi, ses sources d'influence sont-elles à puiser à nouveau dans le patrimoine compositionnel de
Nightwish,
Xandria,
Tristania,
Draconian,
Ancient Bards,
Delain et Ad
Infinitum. Est-ce à dire que les quelque 64 minutes que compte la galette nous mèneraient à un bis repetita à l'exclusion de tout autre alternative qui, précisément, conférerait à ce méfait toute sa singularité, voire son originalité ?
Pas tout à fait...
A l'instar du précédent effort, la formation nord-américaine a requis les apports de vocalistes d'expérience et/ou de talent afin de conférer davantage de relief à son corps oratoire. Ainsi, ont été sollicitées les empreintes vocales de : David Åkesson (ex-
Qantice, feu-
Moonlight Agony, membre live de
Symphonity, guest chez
Vivaldi Metal Project,
Seven Spires...) ;
Angelica Åkesson, fille de David Åkesson ; Alessandro Conti (
Trick Or Treat,
Twilight Force, Lione-Conti, ex-
Luca Turilli's Rhapsody...) ; Kristin Starkey (
Temperance, guest chez
Twilight Force...) ; Tyler Christian (
Lords Of The Trident,
Raptor Command, guest chez
Thor, Eunomia...). Un prestigieux parterre d'invités auquel s'adjoint la participation de la violoniste
Jason Anick sur l'une des pistes de la rondelle. Produit, mixé et mastérisé, à son tour, par
Jack Kosto, ce quatrième set de compositions n'accuse pas l'once d'une sonorité parasite tout en recelant un mixage parfaitement ajusté entre lignes de chant et instrumentation ainsi qu'une saisissante profondeur de champ acoustique. Mais embarquons plutôt à bord du navire pour une traversée que l'on espère ponctuée de terres d'abondance...
Comme il nous y avait accoutumés, le groupe interpelle, tout d'abord, par sa faculté à nous bousculer pour mieux nous retenir, in fine. Ce qu'attestent, en premier lieu, ses passages les plus enfiévrés, à commencer par «
Architect of Creation », sanguin et démoniaque effort power symphonique et death, à mi-chemin entre
Tristania et Ad
Infinitum. C'est alors au cœur d'un étourdissant bal des vampires qu'évoluent les growls coupants comme les limpides oscillations de la princesse. Et la sauce, prend, sans tarder. Le tempétueux et invitant « No Place for Us », pour sa part, conjugue habilement couplets ténébreux et refrains rayonnants, tout en dispensant un flamboyant solo de guitare, et sans relâcher son étreinte d'un iota. Mais le magicien aurait encore quelques tours dans sa manche, et des meilleurs...
Quand ils réfrènent un tantinet leurs ardeurs, nos acolytes parviennent non moins à nous prendre dans leurs filets. Ce que prouvent, en premier lieu, «
Almosttown » et «
Portrait of Us » , mid/up tempi aux relents power, à la croisée des chemins entre
Delain et Ad
Infinitum. Pourvus de riffs crochetés et d'une basse vrombissante, ces deux ''tubesques'' mouvements se parent également d'un refrain catchy mis en exergue par les angéliques impulsions d'une sirène bien inspirée, muée en une redoutable ''screameuse'' à ses heures. Chapeau bas. Dans une dynamique un zeste plus mesurée, on ne saurait davantage éluder « Where Sorrows
Bear My Name », mid tempo syncopé aux riffs émoussés, dans la veine du précédent effort. Un romanesque, énigmatique et ''symphonisant'' élan, doté d'un frissonnant refrain où les chatoyantes empreintes vocales de la frontwoman, de David et d'
Angelica Åkesson évoluent à l'unisson. Enfin, voguant sur une grisante sente mélodique et pourvu à son tour d'un refrain immersif à souhait, sur lequel la belle s'autorise à tutoyer, et sans trembler, les notes les plus haut perchées, le félin « House of
Lies » pourra non moins se jouer de toute tentative de résistance à son assimilation.
Et si nos compères n'y ont pas misé tous leurs espoirs de l'emporter, les instants d'apaisement que ce manifeste recèle pourraient bien avoir raison des âmes les plus rétives. Ce qu'illustre, d'une part, «
Emerald Necklace », ballade atmosphérique aux relents folk, ''nightwishienne'' en l'âme ; au regard de l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'elle nous invite à suivre, de son fringant solo de guitare à mi-morceau décoché, et mise en habits de soie par les fluides ondulations de la maîtresse de cérémonie, la troublante aubade comblera assurément les attentes de l'aficionado du genre intimiste. Dans une ambiance alternative, on pourra également retenir « Impossible
Tower », low tempo gothico-symphonique un poil ''gorgonesque'', au carrefour entre
Tristania et
Draconian, qu'enorgueillissent les growls ombrageux, un poil tranchants, de l'insatiable prédatrice ; en dépit d'une sente mélodique en proie à quelque linéarité, l'atmosphère suffocante qui y règne doublée d'anxiogènes mesures contribuent à nous happer, un peu malgré nous. Mais là n'est pas l'arme ultime de nos gladiateurs pour asseoir leur défense, et se jouer des nôtres...
Aussi, ce serait à la lumière de ses pièces en actes symphonico-progressives que la troupe nous dévoilerait ses plus beaux atours. Ainsi, par un fondu enchaîné finement esquissé, la brève et cinématique entame aux airs d'un générique d'une grande production hollywoodienne, «
A Fortress Called Home », alors corroborée de chœurs en faction, de délicates gammes pianistiques et recelant de puissants et métronomiques roulements de tambour, se verra relayée par une fresque aux accents death mélodiques, dénommée « Songs upon Wine-Stained Tongues » ; non sans renvoyer aux vibes du précédent opus, les 7:46 minutes de l'épique et romanesque manifeste offre de saisissants contrastes atmosphériques, rythmiques et vocaux, les chatoyantes modulations de David Åkesson et d' Alessandro Conti, auxquelles s'unissent les growls glaçants comme les claires inflexions de la belle, offrant une poignante triangulation. Et ce n'est pas le vibrant solo de guitare en bout de course qui démentira l'agréable sentiment de se trouver aux prises avec l'une des gemmes de l'album. Dans ce sillage se place le pulsionnel «
The Old Hurt of Being Left Behind », qui, au regard de son fringant solo de basse, de ses galvanisantes montées en puissance et de ses chœurs enveloppants, unifiant les voix d' Alessandro Conti, de David et
Angelica Åkesson, ne se quittera que pour mieux y revenir. On ne saurait davantage se soustraire à la vague de submersion qui va s'abattre sur nous sous l'impact de «
Love's Souvenir », opulent mid tempo progressif, opératique et death, où s'invitent d'inattendus relents jazzy, soulignés par de suaves arpèges d'accords au piano ; recelant quelques incursions du violon libertaire de
Jason Anick ainsi qu'un fin legato à la lead guitare, ce rageur et néanmoins élégant propos met également en regard les voix de David Åkesson, Kristin Starkey, Tyler Christian et de la vocaliste patentée. Et la magie opère, une fois encore.
Au terme d'un voyage aussi palpitant qu'enivrant, on ressent l'irrépressible envie de remettre le couvert sitôt l'ultime mesure du brûlot envolée. Nous octroyant un propos à la fois éruptif, épique, un brin crépusculaire et romantique, le quartet nord-américain l'a assorti d'inédites sonorités, le rendant particulièrement liant. A l'instar du précédent effort, les arpèges d'accords distillés s'avèrent aussi minutieusement élaborés et poignants que personnels, quand les sillons mélodiques se font des plus accrocheurs ; une technicité instrumentale bien huilée mais nullement ostentatoire complète un tableau déjà richement orné. Diversifiant ses atmosphères et ses séquences rythmiques à l'envi tout comme ses joutes oratoires et ses exercices de style, cet orgiaque opus se drape également de quelques prises de risques. Etat de fait contribuant à singulariser le trait artistique comme les vibes de la prolifique troupe de ceux de ses homologues.
Doté d'une ingénierie du son rutilante et ne concédant pas l'ombre d'un bémol harmonique ou d'une frustrante zone de remplissage, le message musical délivré se suit de bout en bout sans encombre. Dans la veine atmosphérique de son galvanisant aîné, sans s'y réduire exclusivement, toutefois, cet élan recèle de louables moments de bravoure sans pour autant occulter les fondamentaux du groupe. On comprend qu'à la lumière de ce troisième masterpiece, quelque 11 années suite à sa création, le groupe serait en mesure de rejoindre le cercle très fermé des valeurs de référence de ce registre metal. Bref, un quatrième mouvement aussi sensible que démoniaque, amenant le combo étasunien encore un peu plus près des étoiles...
Je sais que ce n'est pas trop un genre que tu écoutes, mais en découvrant l'album j'ai été frappé par la ressemblance stylistique entre le début de "Songs Upon Wine-Stained Tongues" et "Sons of Winter and Stars" de Wintersun, plus particulièrement à 4'30. Si jamais tu as la curiosité, je serais ravi d'avoir ton retour sur ce qui à mon avis est une nette influence :)
Merci, tout d'abord, pour cet éclairage. Après avoir comparé les passages en question, effectivement, tant au niveau de la rythmique que du style et du flow, un parallèle s'impose entre les deux groupes. Aussi, et je te rejoins, le groupe finlandais peut-il être perçu comme une source d'influence non négligeable pour le combo étasunien. De quoi m'inciter à écouter quelques passages de Wintersun, dont l'extrait proposé m'a impressionné, au regard de ses arrangements, de sa structure et de sa ligne mélodique d'une confondante fluidité.
Merci pour ta chronique je ne connaissais pas ce groupe tu m'as donné envie d'en découvrir plus. Par contre la référence avec Draconian je la voit pas trop le groupe suédois est plus doom plus désespéré plus proche de Tristania sans doute.
Merci pour ce retour! J'espère que tu prends plaisir à écouter cet album, qui, je pense, sera à classer parmi les pépites de ce registre pour le millésime 2024.
Concernant les références, je comprends ton point de vue et le respecte. En fait, de l'univers doom gothique de Draconian, je n'ai retenu que l'atmosphère sombre, voire ténébreuse, insufflée par le groupe suédois, pour en faire un parallèle avec l'ambiance lourde et un brin souffreteuse de certains titres composés par le combo nord-américain. Donc, l'orientation dark gothique prise par les Suédois s'imposera ici davantage comme une source d'inspiration que l'univers proprement doom qui est, il est vrai, sa signature première. Sinon, en effet, Tristania demeure une source d'influence plus souvent convoquée, dont se nourrissent certains morceaux phares de la formation étasunienne.
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