Carnival in Coal

interview Carnival In Coal

De tout temps, des empêcheurs de tourner en rond ont fait avancer les choses. Galilée, Einstein, Picasso ou Dali, par leurs visions, leurs folies et leurs rêves, ont transformé à jamais l’univers qui les entourait. On peut se gausser de la comparaison avec Carnival In Coal, toujours est-il que le duo d’expérimentateurs répand depuis 95 sa musique unique, faite d’un conglomérat d’influences hétéroclites et audacieuses. Au même titre que Naked City, Autechre ou Neurosis (dans leur genre respectif), ce binôme picard de savants fous défriche ainsi le paysage métalique pour le transfigurer de sa patte grand-guignolesque. Aujourd’hui, Carnival In Coal vient de signer chez Elitist, la sub-division avant-gardiste d’Earache. Si c’est pas une forme de reconnaissance ça ! Il était temps de consacrer du temps et de la place à ce fabuleux gang français. C’est Arno et Axel qui ont bien voulu répondre à mes questions en juin 2004.

 

>J’ai appris que vous veniez de signer chez Elitist, le subdivision innovante d’Earache. ça fait quoi de se retrouver signé sur le label qui aura lancé Morbid Angel, Carcass, Naplam Death et tant d’autres ?
Ax: C’est aussi inattendu qu’encourageant, tu te l’imagines ! C’est déjà énorme de savoir qu’un label étranger de cette ampleur s’intéresse à nous depuis pas mal de temps. Et quelque part on boucle une boucle : les premiers groupes grind/death ou indus qu’on a adoré, et qui nous ont familiarisés avec le metal extrême sortent de chez Earache : ceux que tu as cités, mais aussi Entombed, Terrorizer, Pitchshifter, Godflesh, Scorn... Il y a 15 ans, Earache représentait LE label qui faisait peur, qui sortait les trucs les plus violents, les plus insoutenables pour des oreilles profanes. Depuis quelques années Earache a décidé d’élargir son champ d’action grâce entre autres à la subdivision Elitist sur laquelle nous nous trouvons, qui propose des groupes inclassables, plus ouverts sur l’expérimentation. Pour nous c’est l’occasion d’avoir une meilleure distribution et donc de toucher tout un nouveau public en dehors de la France, ça sera intéressant d’avoir des réactions du Japon ou des States… bien qu’on en ait déjà eu épisodiquement.

 

>Comment s’est déroulé cet exploit ? Est-ce vous qui avez démarché plusieurs labels ou Earache qui est venu vous chercher ?
Ax: Dans le courant de l’été 2003 notre ancien label a fermé ses portes, nous avons alors commencé à penser à une stratégie pour aborder d’autres labels français…et un jour, je reçois un mail de Lee, le responsable d’Elitist, qui autrefois avait lancé Emperor sur son ancien label Candlelight. Il me demandait ce qu’on devenait, et finalement nous a proposé de rejoindre son label. J’ai cru un instant que c’était un pote qui me jouait un bien mauvais tour mais j’ai dû me rendre à l’évidence. En fait Lee choisit les groupes selon ses propres goûts musicaux, puis tout le côté business est effectué par Earache. D’autres labels français et étrangers nous ont fait des propositions un peu plus tard mais on a fini par faire notre choix. Il faut dire que les autres groupes présents sur le label nous ont motivés : Ephel Duath, Farmakon, Wolverine, Frantic Bleep… On se retrouve vraiment dans l’identité de ce label, ce sont des groupes qui ont une personnalité très forte, qui font avancer les choses. On a signé pour dix ans avec Earache, il y a donc de quoi sortir quelques albums !

 

>Vous préparez un tout nouvel album. Tu peux nous en dire plus sur les compos qu’il contiendra, sur sa couleur générale ? A quoi peut-on s’attendre ? Ça sortira quand ?
Ar: L\'album sortira probablement à l\'automne. Il s\'intitulera probablement "Music For (Fast) Lifts". Difficile de dire à ce jour quelle en sera la teneur globale. Une chose est sûre : il sera plus organique que "Fear Not CinC", moins "lisse". Parmi ce que nous avons maquetté pour le moment, certaines choses font même penser à "Sramik", notre première démo. Ce côté "urgent" qu\'on retrouvait moins sur le troisième album. Ce qui est intéressant, c\'est que nous avons "assis" les bases de CinC avec les trois premiers albums. Les personnes qui ont adhéré aux trois premiers albums sont donc ouvertes à notre démarche. Cela va nous permettre de la pousser encore un peu plus loin avec le quatrième.

 

>Musicalement vous propagez depuis "Viva La Vida" une mixture extraterrestre de grind/death et de disco avec tout ce qu’il est possible d’écouter entre ces deux genres antagonistes. Y a t’il des mariages qui vous ont tenté mais que vous n’avez jamais osé enregistrer (ou que vous gardez pour plus tard) ?
Ax: Comme je l’ai souvent dit, la composition dans Carnival est le fruit d’un processus très spontané. Un morceau peut naître d’une simple idée, d’une phrase, d’une émotion suscitée par un livre, un film, un accident de voiture, ou une scène cocasse de la vie quotidienne…Le morceau va se construire autour de cette idée, chacun de nous deux apporte les éléments qu’il peut. Par exemple, un des nouveaux morceaux m’a été inspiré de l’ambiance des films de Hideo Nakata, le réalisateur nippon de "Ring" et "Dark Water". Pourtant en écoutant le morceau, la relation n’est pas évidente, mais j’ai essayé de traduire le sentiment particulier que m’inspirait l’atmosphère de ses films. Il y a encore des mariages contre-nature parmi les nouveaux titres, en fait tout dépend de notre imagination. Notre seule censure concerne l’efficacité de ces mariages : si c’est foireux, on ne va pas chercher à continuer dans une direction simplement parce qu’elle est originale.

 

>Depuis toujours je crois, vous fonctionnez en duo. Arno qui écrit les textes et les chante. Et Axel qui compose la musique, qui la joue et qui produit. Vous travaillez comment ? C’est chacun chez soi ou ensemble au coin du feu ?
Ax: C’est un mélange des deux. On développe autant des trucs de notre côté que lorsqu’on se réunit, mais je crois que c’est comme ça pour tous les groupes. Le fait qu’on ne soit que deux et qu’on se connaisse par cœur accélère et facilite grandement le processus. Et en ce moment on travaille vraiment en osmose. Attention, pas POUR Osmose. Pour Earache.
Ar: Depuis 1989

interview Carnival In Coal nous avons toujours travaillé en étroite collaboration, excepté pour "Fear Not CinC". Bien que le résultat soit loin d\'être mauvais sur celui-ci, je suis sûr qu\'il aurait pu être meilleur si nous avions bossé main dans la main, même si c\'est moins facile pour mixer. Ce nouvel album sera vraiment le fruit d\'un travail commun.

 

>Est-ce qu’avant d’entrer en studio, vous savez déjà exactement comment ça va sonner ou de temps en temps vous improvisez au dernier moment ?
Ax: Le fait que je travaille en studio en permanence me permet d’enregistrer la moindre idée, et connaissant mon matériel je sais à l’avance comment ça peut sonner. Par contre on se surprend l’un l’autre. Arno arrive parfois avec des idées d’arrangements et de mise en place que j’essaye de traduire au mieux, et c’est là que ça devient passionnant. Par la suite les morceaux vivent leur propre vie, parfois on leur impose notre volonté, parfois ils semblent vouloir nous imposer la leur. Je dirais donc que notre travail de compo suit une ligne directrice qui peut parfois exploser en route et créer ainsi d’autres lignes directrices.
Ar: En ce qui concerne les textes, il n\'y a pas vraiment de règle. C\'est vraiment à l\'instinct et à l\'inspriration. Actuellement, par exemple, j\'ai beaucoup d\'idées d\'arrangements ou de riffs, mais je suis moins inspiré pour les lyrics. Je pense que cela n\'arrivera que plus tard, lorsque nous serons un peu plus avancés dans la finalisation des titres. Et je ne m\'inquiète pas vraiment dans le sens où je peux écrire un texte très rapidement à partir du moment où j\'ai eu le déclic.

 

>Les drogues, l’alcool tiennent ils un rôle créatif chez Carnival In Coal ?
Ax: Nous sommes depuis longtemps la risée de tout le métal français. Personnellement je n’ai jamais touché au tabac, à l’alcool ou aux drogues. Je préfère tenter des expériences plus novatrices, comme m’asseoir sur une bouche d’aération. Plus sérieusement, je suis toujours déçu quand un artiste revendique la paternité de ses créations à une substance quelconque. A mes yeux ça en déprécie complètement la valeur. Qui faut-il féliciter, l’artiste ou celui qui a créé la drogue ? On fait de la musique 100% bio, sans additif, ce qui en dit long sur notre santé mentale.

 

>Arno, comment écris tu tes textes ? Y a t’il des sujets qui t’intéressent plus que d’autres ?
Ar: J\'ai longtemps focalisé mon écriture sur les choses de la fesse. "Vivalavida" tournait principalement autour de ça. J\'étais jeune et insouciant : la moindre bout de nichon me faisait ressembler au loup de Tex Avery. Le début de ce siècle ayant été un peu plus chaotique au niveau personnel, je me suis progressivement détaché de toute cela pour écrire des choses plus personnelles que l\'on retrouve par exemple dans le texte de "Fear / Fear Not". Et le prochain album s\'annonce heureusement plus léger, avec des textes traîtant de la maladie, des conflits religieux ou du terrorisme, mais tout cela transposé dans le monde étonnant de Julo l\'Abricot.

 

>Etes-vous imprégnés par l’art surréaliste, peinture ou littérature ?
Ax: Oui, complètement. On se revendique du mouvement surréaliste, par le fait qu’on ne s’impose aucune limite créative, et puis certaines techniques qui sont devenues des habitudes chez nous relèvent directement du surréalisme : le collage d’éléments hétéroclites, le non-sens, parfois même l’écriture automatique…D’une manière plus générale j’aime beaucoup l’art du XXe siècle, car il s’affranchit des règles classiques en vigueur auparavant.
Ar: Pour ma part, pas du tout. Je lis très peu, et j\'ai de sérieuses lacunes culturelles en ce qui concerne l\'art plastique. Ca ne me pose aucun problème pour écrire et chanter dans CinC, mais c\'est une autre paire de manches quand il s\'agit de briller en société ou de répondre à une interview intéressante. Dieu merci, ce n\'est pas souvent.

 

>Est-ce que le cinéma exerce sur vous une quelconque influence lorsqu’il s’agit de composer ou d’écrire (Carot & Jeunet, David Lynch ou autres) ?
Ax: Oui, j’ai évoqué tout à l’heure l’exemple de Hideo Nakata, mais le cinéma en général, sous toutes ses formes, fait partie intégrante de notre culture. La liste des réalisateurs serait trop longue, d’ailleurs on n’exclut pas de dresser sur notre site une liste exhaustive de nos influences culturelles, si ce n’est pas trop fastidieux à lire. En général on préfère les cinéastes qui font avancer le cinéma, qui proposent une démarche singulière, quelque soit leur style de prédilection, drame, comédie, fantastique, etc. Notre musique se réclame d’une culture cinématographique, beaucoup disent qu’elle évoque des images… Le dernier Tarantino par exemple (Kill Bill 1&2) représente pour moi la représentation idéale de Carnival au cinéma : c’est un mélange de genres et de sensations parfois antagonistes, mais on sent pourtant la personnalité de son réalisateur.

 

>"French Cancan" était uniquement composé de reprises, sans compter la magnifique version de "Maniac" à la sauce Carnival In Coal . Cette fois-ci, aurons-nous droit à une/des reprises dont vous avez le secret ?
Ax: Bien entendu, et comme tu viens si justement de le dire, nous en avons le secret !

 

>N’avez-vous jamais été tenté d’expérimenter avec des sonorités ethniques ou folkloriques, comme sur le dernier Lycosia par exemple ?
Ax: Si, bien sûr, d’ailleurs ce sera probablement d’actualité sur de nouveaux titres… Il faut que cela apporte une couleur intéressante. On ne se réclame pas d’un continent particulier, il faut qu’on parvienne à absorber des sonorités traditionnelles pour les restituer de manière personnelle. J’ai des petites idées là-dessus… Patience !

 

>La pochette, vous y avez déjà réfléchi ? Elle ressemblera à quoi ?
Ar: Nous avons déjà une idée très précise de la pochette, si tant est que le titre de travail de l\'album soit conservé jusqu\'à sa sortie.
Ax: Nous confions une fois de plus ce travail

interview Carnival In Coalà notre fidèle ami Boris Steam, dont le travail dépasse à chaque fois nos espérances. On ne sait pas encore si ce sera une photo ou une nature morte au fusain.

 

>Pensez vous un jour pouvoir vous (re)produire sur scène ? Est-ce que c’est quelque chose qui vous tente ?
Ax: Nous reproduire sur scène, je préfère éviter, ça pourrait remettre en question notre belle amitié, en plus d’offrir un spectacle discutable. L’idée de se produire n’est pas non plus d’actualité, simplement par manque de temps et d’argent pour rassembler le personnel et l’infrastructure que nous désirerions. Si on vendait beaucoup d’albums, au point de nous permettre de nous occuper de Carnival à plein temps, alors oui, ce serait sans doute envisageable. Mais pour l’instant Carnival occupe la majeure partie du peu de temps libre que nous avons.



>La scène métal française vous intéresse t’elle ? Connaissez vous Grotesque Through Incoherence, alias GTI ? Et plus généralement la scène métal extrême vous intéresse t’elle ?
Ax: Je ne connais pas GTI, mais la scène française devient de plus en plus intéressante. Je voudrais d’ailleurs mettre en exergue la scène picarde, pour sa qualité et son activité : en effet la région héberge un foisonnement d’excellents groupes qui vont sortir leur album cette année : Dsk, Burgul Thorkain, Decline of Humanity, Yyrkoon, Tridus Elasticus, j’en oublie… En dehors, des groupes comme Gojira ou les indéboulonnables Sup suscitent notre admiration.

 

>Axel, tu bosses au studio Walnut Groove. Je crois savoir que tu y as d’ailleurs produit Dsk récemment. Ça va donner quoi ? Plus généralement les groupes qui ont la démarche de venir y enregistrer attendent ils de toi la touche Carnival In Coal ?
Ax: Oui, en effet, Dsk vont sortir leur album chez Thundering records je crois. C’était un vrai plaisir de bosser avec eux, ils savent ce qu’ils veulent et ils sont charmants. Pour moi ils représentent la qualité de la scène amiénoise, on a ici quelques groupes qui mériteraient davantage de notoriété. L’album de Dsk, c’est une déferlante, ça n’arrête pas sur 12 titres, c’est un album très agressif et spontané. En studio je mets de côté Carnival in Coal. Et je ne crois pas que les groupes viennent ici en espérant que leur album va sonner comme nous, au contraire je m’efforce de créer un son clair, puissant et dynamique qui reflète ce qu’est capable de faire le groupe au moment de l’enregistrement. Je n’aime pas tellement ces producteurs qui collent pratiquement le même son à tout le monde ; mon principal souci est que le groupe impose sa personnalité avant tout. En revanche le fait de travailler sur certains projets peut parfois influencer ma façon de produire Carnival, surtout quand je suis amené à travailler sur des orchestres, des fanfares ou des big-bands… Je vois les choses sous un autre angle.

 

>Pour ce nouvel album de Carnival In Coal, as-tu essayé de nouvelles choses au niveau de la production ?
Ax: Oui, il y a pas mal de nouveauté en matière de production… Le fait que le studio ait évolué depuis le dernier album va nous permettre d’aller un peu plus loin dans nos idées. On a tous les deux envie que cet album sonne plus vrai. Auparavant on programmait beaucoup de choses, c’est surtout vrai sur "Vivalavida" et "French Cancan". "Fear Not" sonnait déjà un peu plus chaud, et sur le nouveau, la plupart des instruments sont joués live, je pense aux percus, aux violons, il y aura d’autres instruments encore… Seule la batterie reste programmée, mais elle va sonner bien mieux que précédemment. C’est un album qui va sonner plus ouvert, plus oxygéné, plus humain.

 

>Avez-vous des projets annexes à Carnival In Coal ? Est-ce d’ailleurs nécessaire étant donné que vous mélangez un peu tout ce qu’il est possible de mélanger ?
Ax: On a des projets annexes en effet, et on y consacre le peu de temps qui nous reste. J’ai un album dans les cartons sous le nom de Boudoir (rien à voir avec le Boudoir américain), c’est de la pop anglaise. L’album est terminé depuis quelques mois mais je cherche encore un label, je n’ai pas encore fait le tour des labels anglais. Je joue également des percussions dans le groupe electro-gothique C-rom. Là je ne m’implique pas autant que dans les autres groupes, mais c’est une formation qui a un gros potentiel à mon avis. Ils ont un style unique. Un album pourrait être réalisé d’ici l’année prochaine.
Ar: Pour ma part je chante également dans le groupe Tridus Elasticus, sorte de techno-death surréaliste de haute volée…

 

>Avec le recul et l’expérience de ces dernières années, vous voyez comment vos débuts notamment au sein d’House of Wax il y a une dizaine d’années ? Y a-t-il des choses que vous regrettez ?
Ax: Waaaah, tu te souviens de House of Wax ! Je dirais que ça a été notre apprentissage… On a tout connu avec HoW, toutes les galères possibles et imaginables, mais aussi beaucoup de plaisirs. Personnellement, je ne regrette rien, car même les pires situations nous ont permis de tirer des enseignements qui nous ont rendus plus… adultes. En fait cette carrière pré-Carnival a été très bénéfique, car nous menons désormais celle de Carnival avec prudence, chaque pas est mesuré. Sans cette expérience, CinC n’existerait peut-être plus !

 

>Vous pensez quoi des dernières productions d’Elitist, des groupes comme Ephel Duath ou Farmakon ?
Ax: Excellentes, j’aime la manière dont Lee choisit ses groupes. On dirait qu’il veut prendre le contrepied de beaucoup de labels qui signent les mêmes groupes à tours de bras. Lui, non, il prend des risques, va d’un genre musical à l’autre. Il y a par exemple Wolverine qui commence à prendre de l’ampleur, dans un style métal progressif vraiment bien fait. Et on attend Frantic Bleep avec impatience.

 

>Merci à vous pour les réponses, je vous laisse le mot de la fin.
Ax: Merci à toi pour ces questions. Avant tout, j’aimerais rappeler quelques liens internet pour les curieux et les gourmands : www.carnivalincoal.com (notre petit orchestre), www.walnutgroove.net (notre petit studio). D’autres liens (ceux de nos projets annexes par exemple) sont disponibles sur le site de Carnival. Et je choisis le mot de la fin qui sera : catafalque.

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interview réalisée par DJ In Extremis

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