Psygnosis

Psygnosis c’est une énigme musicale. C’est une créature hybride qui puise dans le metal, dans la musique atmosphérique, dans le cinéma, dans l’électro ou l’indus pour créer un univers unique, instrumental, tortueux mais aussi apaisé, simplement beau et majestueux. 

“Mercury” s’inscrit comme l’une des plus belles réussites du quatuor, narrativement et conceptuellement, depuis ses débuts. C’est une nouvelle fois le cerveau du projet, Rémi Vanhove, qui se livre aux jeux des questions, comme c’est le cas auprès des mois depuis son premier ep. 

[Par Eternalis]

 

Salut Rémi ! J’espère que tu vas bien. Avant de parler de l’actualité, quel retour peux-tu faire sur “Neptune” ? 

“Neptune” a été globalement très bien accueilli, même si avec le recul, je le trouve trop long. J’ai toujours des choses à redire sur mes albums après coup mais ici, j’aurais probablement enlevé certaines pistes. Si on ajoute en plus “Man of Steel” qui était sorti sur l’ep “Aaliens” pour présenter la formation instrumentale, cela faisait quasiment 90 minutes de musique. On a peut-être été trop gourmand de ce côté là mais sinon ce fut un autre pas en avant et il reste un album que j’aime beaucoup !

 

Le Line-up a changé depuis cet album. Il y a eu le départ de Jérémy qui m’avait surpris à l’époque car il semblait le second homme fort de Psygnosis, puis les arrivées de Elise et Thomas … 

Je ne vais pas m’éteindre sur Jérémy car cela n’en vaut pas la peine. C’est quelqu’un qui m’a fait beaucoup de mal et qui a aussi beaucoup nuit à Psygnosis. Je n’ai rien de plus à dire de ce côté là. 

En revanche, pour les autres musiciens, c’est arrivé assez naturellement. Elise est venu combler le départ de Anthony [Mouchet] juste après la sortie de “Neptune”. Je l’avais déjà vu jouer dans son précédent groupe, le contact était bien passé, elle aimait notre musique … on lui a proposé et ça a été aussi simple que ça. Concernant Thomas, nous avons joué avec Hurakan, ce qui fait que je le voyais jouer tous les soirs. Comme tu sais, je n’ai jamais été réellement attiré pour avoir un batteur car je n’étais pas sûr de ce que cela pouvait apporter artistiquement mais à force de le voir jouer, j’ai commencé à me poser la question. Et finalement, nous en avons discuté et cela s’est fait assez naturellement, puisque lui aussi aimait et suivait ce que nous faisions. Il a aussi beaucoup apporté par son expérience d’ingénieur du son et son studio !

 

 

Tu anticipes mes deux prochaines questions ! (sourires). Justement, désormais un vrai batteur … je me souviens que tu disais régulièrement que tu ne voyais pas ce que ça pourrait apporter de plus à la musique. Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? 

Je n’ai jamais été totalement contre un batteur mais je ne savais pas ce qu’il pourrait apporter. Il faut dire que Thomas est resté assez fidèle à ce que j’avais composé, c’était mes règles et il le savait. Pas de changement dans le rythme, dans le tempo ou dans la structure de ce que j’avais préalablement écrit. Par contre, il avait le champ libre sur les patterns ou s’il voulait poser des breaks mais finalement il n’a pas modifié tant de choses que ça. Il a surtout “joué” les choses, il a apporté du feeling. Il faut dire que j’ai parfois tendance à composer des choses injouables [ndlr : comme si souvent pour un guitariste] avec quatre cymbales en même temps ou des parties où il faudrait plus de deux bras et deux jambes (rires). Je suis en tout cas très satisfait de l’avoir avec nous …

 

Pour tout te dire, lors de la première écoute de “Öpik-Oort” et de la première apparition de la batterie sur le blast-beat, je me suis dis “Pourquoi prendre un batteur pour sonner comme une BAR” alors que, avec le recul, le reste est d’ailleurs beaucoup plus nuancé et varié …

Thomas te dirait probablement que c’est un compliment (sourire), de sonner comme une machine. Ça veut dire qu’il maîtrise son instrument. 

 

Il est aussi responsable de la prod de malade, enregistrée au Soundblast, son propre studio. Quel a été son apport et est-ce que ça t’a déchargé d’une certaine pression ? 

Il a apporté son expérience et surtout la qualité de son que tu entends sur l’album. Je dirais qu’il est peut-être un peu froid mais je l’aime vraiment. C’est le meilleur son que nous ayons jamais eu. Je garde en référence celui de “Human Be[ing]” qui était aussi très bon et qui revient souvent dans les commentaires. 

 

Surtout que j’ai en souvenir que, à peine “Neptune” sorti, tu n’étais pas satisfait du son …

J’en avais parlé dès le début ? Je ne m’en souviens pas je dois avouer. C’est vrai que j’ai longtemps été déçu du rendu général de “Neptune”, que je trouve trop compact. Le rendu de la batterie aurait aussi pu être bien meilleur, il y avait eu beaucoup d’échanges sur le son et finalement, ça n’a jamais sonné comme je l’avais en tête ! 

Pour revenir à ta question précédente, ça n’a pas changé grand chose pour moi. J’ai toujours été très bien entouré, avec des ingénieurs du son ou des membres très investis dans le travail de studio. Yohan [ndlr Oscar, chanteur sur le second album] avait beaucoup travaillé sur le son par exemple. Là, Thomas a supervisé les choses, il savait très bien ce qu’il faisait et je lui faisais totalement confiance. 

 

"Je me fous totalement qu’on parle de moi, je ne veux pas enfiler les notes ou les plans compliqués … je veux faire voyager les gens, les emmener avec moi. C’est vraiment mon but premier."

 

J’aimerais que l’on parle de “Uranometria”. C’est le titre le plus long de l’album, il y a ce premier riff qui est obsédant je trouve, le dialogue entre Thomas et Elise, le passage le plus violent de l’album également … que peux-tu me dire dessus ?

J’ai cru comprendre que c’était ton “chouchou” (sourire). Je ne l’ai pas écris de façon différente que les autres. Je me souviens qu’il s’agit du premier titre que j’ai composé en arrivant à Paris, en 2020 je crois, si mes souvenirs sont bons. 

J’avais envie d’intégrer du delay dans le son de guitare, de changer mon accordage, ce qui fait qu’on a l’impression que je joue dans la 7 cordes alors que je suis bien avec ma guitare habituelle. J’écoutais aussi beaucoup de Devin Townsend à ce moment et je pense que ça se ressent dans l’intro de l’album, qui peut faire penser à du “Ocean Machine” dans l’esprit. 

 

Comme tu l’as mentionné, la citation est bien interprétée par Thomas et Elise mais ce n’est pas un texte de ma part, il s’agit d’une citation d’un film assez méconnu, “Live by Night” avec Ben Affleck. J’étais parti, comme d’habitude, pour intégrer la citation du film directement mais Seasons of Mist n’était pas chaud du tout. En gros, si jamais l’album venait à avoir plus de visibilité, ils ne voulaient pas avoir de soucis avec les droits d’auteurs. Donc nous avons carrément rejouer la scène qui est très forte je trouve. C’est la discussion d’un homme et d’une femme, dans une église. La femme lui dit qu’elle a appris quelque chose, qu’elle savait où était l’enfer. Elle lui explique que nous sommes au Paradis, ici et maintenant mais l’homme lui répond qu’on dirait plutôt l’enfer. Elle lui dit alors “Parce que nous avons merdé”. Je trouve cette phrase très forte … comme pour dire que nous sommes dans un superbe environnement mais que nous détruisons tout … quand j’ai entendu ce passage, dans un film en plus loin d’être inoubliable, je savais que j’allais en faire quelque chose. C’était pareil pour le passage de Brel d’ailleurs [ndlr : nous y reviendrons]. 

 

Pour le reste du morceau ensuite, les choses se sont faites naturellement. Je n’ai jamais pensé écrire un titre de quinze minutes, c’est arrivé comme ça. Je voulais juste intégrer une boucle, car je m’étais rendu compte que je n’en avais pas encore sur l’album. Il y avait “Phrase 7”, il y avait “Fiixx” ou encore “To the Neptune” … donc je voulais avoir un titre dans cette même veine pour le nouveau disque. C’est d’ailleurs un des titres que j’ai écrit le plus rapidement, même si j’ai un peu galéré avec le passage plus bourrin du milieu. 

 

 

Comment on sait qu’un titre est arrivé à la fin quand ils sont si longs ? Tu n’as en plus pas le confort du chant, avec une base structurelle pour écrire … Comment fais-tu ? 

Je fais la même chose depuis le début puisque je n’ai absolument jamais pensé au chant quand je compose (rires). Quand Psygnosis avait un chanteur, il se débrouillait avec les morceaux que je ramenais ! La différence aujourd’hui, c’est que le résultat final n’a pas de chant mais je n’ai rien changé de mon côté. J’écris en pensant à une histoire, un début et une fin. Je sais où je veux aller et j’essaie de tracer ce chemin. 

 

Je voulais aussi parler du solo de Caloris Basin. C’est un exercice assez peu répandu chez Psygnosis, que tu n’apprécies pas forcément … comment Elise l’a composé puisque tu n’es pas coutumier du fait ? 

Je lui ai laissé carte blanche pour le solo. Exactement comme Raphaël a une liberté totale d’interprétation sur ses parties de violoncelle, je lui ai demandé d’écrire un solo sur “Caloris Basin” à ce moment là et elle a fait un travail exceptionnel. Elle a forcément, même si ce n’est pas volontaire, un champ d’expression un peu moindre que les autres car je suis aussi guitariste donc je sais d’avance comment les guitares vont sonner. Mon avis sur le solo a aussi un peu changé avec le temps. Avant, j’étais vraiment contre mais on évolue et je ne suis plus aussi radical sur le sujet. Je ne veux juste pas en mettre partout, faire du technique pour du technique. 

Nous avons d’ailleurs eu une chronique étrangère il y a peu, où le chroniqueur écrivait que c’était une musique démonstrative, que nous voulions en mettre plein la vue et que c’était sans âme. Je respecte son avis mais c’est à l’inverse de ce que je veux faire. Je me fous totalement qu’on parle de moi, je ne veux pas enfiler les notes ou les plans compliqués … je veux faire voyager les gens, les emmener avec moi. C’est vraiment mon but premier. 


 

Plus conceptuellement, Neptune est une planète gazeuse et l’artwork était bleu … Mercure est une planète tellurique et l’artwork est rouge. L’un évoque l’eau et le froid, l’autre le feu et la chaleur. Il semble y avoir une dichotomie entre ces deux albums, jusque dans la production beaucoup plus froide et mécanique de “Neptune” en comparaison des parties plus chaudes et organiques de “Mercury” … est-ce que c’est volontaire ?

Je vais prendre des pincettes sur ce que je vais dire car j’ai aussi un groupe derrière moi et qu’ils ne tiennent pas à ce que je parle de tout ce qu’il y a dans l’album. 

Pour répondre clairement à la question, il n’y a vraiment aucune notion d’opposition entre deux albums. C’est même totalement l’inverse puisqu’il est pensé comme une suite

Moi je balancerais tout mais les autres veulent garder le mystère. Si tu veux, il y a une idée de voyage. Qui commence avec Neptune, qui continue avec Mercure … je te laisse imaginer la suite (sourire). Je pense que ton imaginaire a fait cette opposition entre les deux albums mais ce n’est pas pensé en ce sens, mais j’aime bien que d’autres pensent justement différemment. C’est aussi pour ça que le reste du groupe tient à garder le mystère, une interprétation propre à chacun …


 

Il y a cette citation sur la bêtise, que j’ai trouvé merveilleuse car elle symbolise totalement Psygnosis. Chercher plus loin, “tu ne sais pas assez de choses, ne connaît pas assez de choses …”, ce sont des mots très forts et qui résonnent beaucoup à l’heure où les réseaux sociaux font office de vérité et que beaucoup ne cherchent même plus à comprendre quoique ce soit …

Je ne sais pas si c’est pire qu’avant. C’est difficile à dire. On le voit plus qu’avant surtout, parce que aujourd’hui, on voit tout, le meilleur comme le pire. 

Cette citation d'une interview de Jacques Brel était aussi très forte, mais c’est Thomas qui l'interprète sur l’album. Je la trouve pleine de sens, de vérité. J’avais vraiment envie de l’intégrer et d’écrire autour de ça. 


 

Parlons de Season of Mist … encore un changement avec désormais un “vrai” label ! Pourquoi ce choix ? 

Parce que nous avions fait le tour de notre modèle et étions arrivé au bout de ce que nous sommes capable de faire seuls. Il était temps d’être épaulé par une structure, par un label qui s’occupe d’une distribution plus large, qui pourrait aussi nous offrir plus de visibilité. Mais il était clair que je ne voulais aucune concession sur la musique ou l’aspect artistique. 

Avant même d’avoir un label, je visais Seasons of Mist. J’aime leurs valeurs, les groupes qu’ils signent, les albums qu’ils sortent. Donc ils ont été les premiers à qui j’ai envoyé l’album. Ils ont validé. Hop c’est fait, merci et au revoir [ndlr : il se frotte les mains et rit]. 

 

J’étais très heureux qu’ils acceptent de nous signer, et honorer. Ils ont quand même hésiter au tout début, en disant qu’ils aimaient l’album mais qu’ils ne savaient pas trop comment communiquer dessus, et si ça serait facile à “travailler”. Finalement, quelques jours plus tard, j’ai reçu un coup de téléphone qui disait “Je ne sais pas comment on va faire la promo mais il faut absolument qu’on vous signe car cet album est génial”.

Je trouve ça vraiment valorisant, qu’on accepte Psygnosis au-delà du potentiel commercial. C’est clair que nous sommes difficile à cataloguer et qu’on ne vendra probablement pas de grosses quantités mais nous ne changerons pas pour autant. 

On a vu le coup de projecteur avec SoM assez vite. La chose la plus saisissante, c’est le nombre de vues sur Youtube pour “Öpik-Oort” et “Eclipse” qui ont rapidement dépassé nos espérances et les précédents clips. “Eclipse” a dépassé les 20 000 vues je crois [ndlr : 30 000 en fait] … c’est dingue. 

 

 

C’était aussi l’occasion d’avoir enfin une sortie en vinyle !

Ca faisait partie du “package” dès le début. J’en suis très satisfait, l’objet est vraiment très beau. Je l’ai écouté pour la première fois hier ! Je trouve la qualité de son très bonne. Il faudra juste que je réécoute la face avec “Sunshine” et “Caloris Basin” car il y a deux titres et le rendu est un peu plus compressé mais je n’ai pas été dans les détails pour vraiment me rendre compte si tout était bien audible ou pas. C’est un très bel objet que je suis fier d’avoir sorti !

 

Concernant le live, cela fait un moment que vous n’avez pas joué ! Beaucoup de groupes disaient qu’ils seraient très dur de jouer après le covid vu les embouteillages à venir … est-ce que tu le ressens ? 

Je ne pourrais pas répondre à cette question car je n’ai pas vraiment de comparaison. Nous n’étions pas en région parisienne, nous n’avons pas cherché à jouer juste après le covid donc ne sommes pas vraiment concerné. Nous allons chercher des dates, nous n’attendons que ça, avons un set de prêt ! 

 

"Je trouve cette phrase [la citation de "Uranometria"] très forte … comme pour dire que nous sommes dans un superbe environnement mais que nous détruisons tout"

 

Quelles sont tes dernières sensations en cinéma ou musique ? Tu stream également de plus en plus sur du jeu vidéo …

J’aime tout, même si je suis plutôt exigeant. J’ai beaucoup joué à Lies of P, qui est un souls-like qui demande beaucoup d’exigence mais qui n’est pas non plus hardcore. J’aime beaucoup l’univers. 

Question cinéma, je n’ai pas été réellement emballé par beaucoup de choses au cinéma dernièrement. J’ai aimé The Creator, pour son univers, ses images, son visuel … dommage qu’il n’y avait personne dans le cinéma. Je dois aussi parler du dernier John Wick, qui m’a fait pleurer sur certaines scènes. Non pas parce que c’était émouvant mais pour la perfection de certains plans … j’ai été bluffé. 

Pour la musique, j’ai écouté en boucle Night Verses qui va surement devenir un de mes albums de l’année. J’ai aussi bien aimé le nouveau TesseracT mais je ne l’ai écouté qu’une seule fois donc je vais devoir creuser ça …

 

Je te laisse terminer comme tu le souhaites …

Merci à toi pour ce soutien depuis les débuts. Nous sommes extrêmement fiers de “Mercury” et espérons que vous l’aimerez aussi ! 




 

interview réalisée par Eternalis

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