Nightmare (FRA)

Interviewer Nightmare est devenu une gymnastique habituelle chez moi, avec à chaque fois des membres différents. Si je n’avais pas pris part à l’évènement qu’avait été « Dead Sun », premier disque du combo avec une femme au micro, me voici désormais à discuter avec Matt, guitariste et compositeur de son état depuis désormais quatre albums !

Très franc et direct sur toutes les questions, que ce soit les changements de line-up, l’autre côté du miroir de la vie de musicien ou les conditions sanitaires actuelles, Matt n’est langue de bois sur aucun sujet ! Laissez-vous guider à la découverte de ce « Aeternam » dont son créateur est si fier ...

[Par Eternalis]

 

 

Comment vas-tu ? Comment t’occupes-tu avec la sortie de l’album ?

Ça va pas trop mal. On a eu de bons retours ces derniers temps et les vues arrivent de plus en plus. C’est quelque chose de très agréable puisque c’est globalement très positif.

 

Avant de parler de l’album, on va forcément revenir sur le départ de Magali. Que s’est-il réellement passé ? Elle est connue pour ne jamais rester longtemps dans les groupes, ce qui s’est encore confirmée ...

Le souci, en toute honnêteté puisque l’on est resté en contact, est surtout lié au timing. Il n’y a pas eu de clash même si l’on ne se parle plus régulièrement. On a commencé à travailler sur l’album dès 2017, à peine un an après la sortie de « Dead Sun » et beaucoup de morceaux sur « Aeternam » datent de cette période.

Néanmoins, je pense que Mag a eu des difficultés à contenir sa patience et à comprendre le mode de fonctionnement de Nightmare. Ca a toujours été un peu particulier quand on écrit un album puisque nous n’en sommes jamais au même endroit au même moment. Je parle du process d’écriture. C’est-à-dire que j’écris assez lentement mais quand j’ai une idée, je vais jusqu’au bout. Franck ne compose pas très vite non plus. A un moment donné, je pense qu’elle a eu un peu ras-le-bol et ça l’a gonflée de nous attendre.

 

C’est donc lié à votre façon de travailler.

Pour être franc, je pense qu’il y a eu beaucoup de ça. Je n’ai pas trop d’autres explications. Après, pour terminer l’histoire, on a été programmé sur un fest (ndlr : le Panic Fest) en 2019 et là, je l’ai un peu mauvaise. Quand on a dealé la date, Mag était déjà un peu lointaine et lorsqu’on est arrivé avant la date, elle a préféré nous planter. On lui a demandé de finir sur une bonne note mais elle nous a dit « On ne finira pas sur un festival avec un nom pareil » (rires). C’est son ego qui a parlé et j’ai compris qu’on n’était pas sur la même planète !

 

Tu parles d’ego, la nouvelle chanteuse Madie n’est pas une personnalité connue comme l’était Jo ou Magali. D’après ce que j’ai lu, c’est Yves qui l’a repérée ...

Même pas ! Tout le monde dit ça mais même si Yves l’avait déjà croisé dans un bar il y a très longtemps, c’est Nils (batterie) qui nous a reparlé d’elle. Il est chef de programmation sur Grenoble, il a vu Madie avec Faith in Agony et nous a dit « Cette gamine tue ». Ce qui est marrant puisqu’elle est plus âgée que lui (rires).

On a fait un test. Ça a matché. Fin de l’histoire !

 

Tout ça s’est déroulé très vite avant ce fameux festival ? Est-ce qu’il était clair tout de suite de reprendre une chanteuse ? L’idée d’un chanteur a-t-il été évoqué ou n’avez-vous-même pas eu le temps de vous poser la question ?

Si tu veux, il y avait cette histoire de festival où on s’était engagé. Il y a une histoire d’argent forcément et nous voulions maintenir la date. Donc on s’est dit de faire un one shot avec Marianne puisqu’elle ne vient pas d’un univers heavy metal à la base, et qu’après on verrait bien ça pouvait continuer.

Pour être franc, l’idée de prendre un chanteur nous a effleuré l’esprit mais quand tu décide de changer de direction quelques années avant suite au départ des frères Amore, ça doit s’assumer. Les gens n’auraient pas compris et AFM n’était pas très chaud pour qu’on change à nouveau.

 

Tu as parlé de Nils également. C’est aussi un nouveau membre mais on en parle moins que de Madie. Peux-tu le présenter ?

Nils est un gars qui nous a toujours suivi. Son père est l’ancien guitariste du groupe Présence, groupe des années 80 que Yves connait bien. Nils joue dans un groupe de deathcore ici mais il a une vraie culture heavy metal.

C’était évident qu’il joue avec nous quand on s’est retrouvé sans batteur puisqu’il nous connait et qu’il a vraiment ça dans le sang.

 

"Avec le recul, « Dead Sun » a surtout été un défouloir pour nous après le départ des frères Amore."

 

On va pouvoir parler de « Aeternam » maintenant. Avant que j’en dises quoique ce soit, comment le présenterais-tu de ton côté ?

Pour moi, c’est le premier album où on a vraiment trouvé le mélange parfait de tout ce que l’on veut depuis le début. C’est l’album qu’on a toujours voulu faire. Avec Nightmare, on a toujours eu un soucis d’identité entre nous les gratteux qui composons des riffs très thrash / heavy, à l’époque Jo qui devait s’accommoder de ça avec sa voix et la question de savoir comment on devait doser les claviers, voir même si on en mettait. Je trouve que ça a pu être mal doser depuis « The Burden of God » et je suis extrêmement fier de cet album.

 

C’est exactement ce que je pense. Il y a une vraie identité et il se dégage une cohérence que n’avait pas « Dead Sun », dans lequel on ne retenait pas forcément grand-chose. Dans ce sens, on revient un peu à « The Burden of God » mais c’est la prod qui pêchait sur celui là ...

C’est vraiment ça ! Si tu le remarques, c’est que d’autres vont le remarquer aussi. Pour être franc, on n’a pourtant rien changé dans la façon de composer. C’est là que tu vois que la prod et l’alchimie entre les musiciens est essentielle puisqu’on a juste changé les personnes avec qui on a bossé au niveau du son, des claviers et de ceux qui enregistrent la voix. On a trouvé ce qu’on voulait depuis des années.

Avec le recul, « Dead Sun » a surtout été un défouloir pour nous après le départ des frères Amore. On voulait dire tout ça depuis des années et Mag chante dessus.

 

Justement, « Dead Sun » est très monolithique alors que chaque titre de « Aeternam » possède un « truc » qui le fait ressortir des autres. Je pense au très mélo « Lights On », aux riffs quasi black de « Downfall ... » ou au tapping de « Crystal Lake » ...

C’est très bien vu (rires).

Si tu veux, dans Nightmare, ce sont les gratteux qui amenons la base mélodique et le corps des titres. Imagine l’album sans chant et tout viendra de Franck et moi. Ensuite, Madie et Yves ont beaucoup bossé le chant et les textes pour pouvoir arranger l’ensemble.

On a toujours eu cette identité un peu sombre et violente, on a aussi une culture black/death en plus de notre côté old school.

 

« Lights On » ressort énormément par son côté très mélodique. L’intro on dirait presque du Van Halen ... qui apporte ça entre vous deux ?

C’est un peu particulier parce que Franck est capable de te sortir les riffs les plus violents du monde mais il est toujours capable de te sortir un titre ultra mélo des années 80 (rires).

A la base, c’est plutôt moi qui apporte ça, ce côté mélodique et 80s des grands noms du heavy mais pour « Lights On », c’est Franck qui est arrivé avec le morceau complet !

 

Je me souviens que j’avais eu Franck en interview pour « The Aftermath »  qui disait que tu avais un « seuil de tolérance » plus fort que lui côté mélodique (rires). Pourtant tu dis souvent que tu amènes des riffs bourrins et tu joues également dans Sangdragon qui est plutôt extrême...quelles sont vraiment tes influences ?

Dejà dans Sangdragon je n’écris pas. Je reprends les riffs de Vincent parce qu’il n’est pas guitariste. Nightmare en revanche c’est Franck et moi et on a un rôle important. J’ai grandi avec les grands noms du heavy, avec Judas, Maiden, Accept, Black Sab ... et ma réelle culture est là. La mélodie pour moi est primordiale (ndlr : il accentue le mot). C’est ce qui va démarquer le morceau, c’est avec ça que tu vas créer de l’émotion et ce n’est pas en faisant des riffs à la Nevermore constamment que tu vas toucher les gens.

En fait, Franck compose beaucoup de gros riffs et je passe un coup de pinceau derrière, en apportant des mélodies et une approche plus catchy. Les claviers aussi sont très importants, ils apportent ce qu’il faut pour donner une atmosphère mais jamais on a la sensation d’écouter du Dimmu Borgir.

 

Quel est le rôle de Yves en revanche, qui est le dernier membre originel du groupe ? Est-ce qu’il supervise l’ensemble ?

C’est simple, Yves a des idées une fois les démos terminées, il écrit les paroles et il bosse avec Madie pour les mélodies de chant. C’est principalement de ce côté-là que son rôle se fait.

 

Et concernant les vocaux masculins de l’album ? J’ai cru comprendre que tu chantais aussi ...

Sur la partie claire de « Anneliese » c’est moi effectivement. Et c’est Mick de Destinity pour les parties hurlées. On avait demandé à Niklas de Shining mais il s’est trouvé qu’il était super enthousiaste au début. Mais bon, le gars est un personnage et je pense qu’à chaque fois qu’on lui demandait, il était trop défoncé pour envoyer ses parties donc on a jamais rien reçu (rires). Mais le temps pressait donc a demandé à Mick qui est un très bon pote à nous et fan de Nightmare depuis toujours donc il s’est occupé des growls !

 

"Parfois, la conjoncture de la vie fait que tu ne travailles pas toujours tout de suite avec les gens que tu veux."

 

Les textes évoquent les films d’horreurs et les monstres des années 80, comme Freddy, Jason, Myers ... même s’ils ne sont pas nommés. C’est un univers autant culte que kitsch et ça peut être un peu casse gueule ... qui a eu cette idée ?

L’idée est venue de choses toutes connes ! Quand on écrit nos démos, nous donnons des noms de code aux titres qui ne sont bien sur pas définitifs. Cette fois, on a donné des noms comme « Michael Myers », « Jason », « Chukky » et Franck était dans le même délire, un peu par hasard.

L’album parle de tous ces personnages un peu fantastiques des années 80 mais tout ça n’est qu’une façade. Il y a vraiment des textes avec d’autres significations plus profondes, notamment quand on parle de possession où des étapes de la vie qui sont parfois très difficiles. Cette sensation d’être contrôlée par des entités, par des organisations et d’être plongé dans l’obscurité.

 

Pourtant, j’ai plus pensé au côté biblique et christique au début. Entre les titres que sont « Divine Nemesis » ou « Temple of Acheron » qui est le passeur du Styx, cette femme suppliciée sur l’artwork avec des serpents autour des bras et même le nom en latin, ça semble évident.

Ouais ... je suis d’accord aussi. Sans être Behemoth, je pense qu’il y a aussi ce côté ésotérique qu’on peut dénoncer aussi comme une possession, comme un contrôle sur les esprits.

On ne rentre pas dans les clichées sur le satanisme ou les démons mais ça a du sens avec ce que je disais avant. Cet album est vraiment un ensemble, un « tout » cohérent et ça renforce encore plus ce qu’on dit depuis le début.

 

Tu parlais du son tout à l’heure. C’est Simone Mularoni qui a produit l’album. C’est un producteur que j’adore personnellement et, encore une fois, il a fait un boulot monstrueux pour « Aeternam ». Comment êtes vous entrer en contact puisqu’il devient très demandé ?

Tu es tombé sur la bonne personne pour Simone ! Ca remonte à 2013 où on avait joué au PPM Fest à l’époque, avec DGM et Solisia. La chanteuse est devenue ma copine et ils avaient enregistré chez Simone et je trouvais la prod énorme pour l’époque.

J’avais proposé aux autres d’enregistrer chez Simone « The Aftermath » mais les autres s’étaient engagés avec quelqu’un d’autres. Tu sais, en tournée, il y a parfois des accords moraux qui s’établissent, où on enregistre avec celui qui nous a aidé pour un booking ou ce genre de choses. On se renvoie l’ascenseur si tu veux. J’avais toujours Simone en tête mais pour « Dead Sun », c’est que Joost, l’ancien claviériste d’After Forever, habitait proche de Magali donc c’était plus simple de travailler avec lui.

Parfois, la conjoncture de la vie fait que tu ne travailles pas toujours tout de suite avec les gens que tu veux. Cette fois-ci, on repartait de zéro et, covid oblige, on enregistrait tous chez soi donc c’était clair que ça serait Simone !

 

Donc vous avez tout fait à la maison ?

Oui c’est ça. Il faut être honnête, aujourd’hui, il faut être blindé de thunes pour enregistrer plusieurs semaines en studio !

C’est un coup de 10 000€ en moyenne et c’est devenu beaucoup trop honéreux. Vivre de la musique est déjà une énorme merde en France, on est en train de repartir de zéro avec les conditions actuelles donc oui, nous enregistrons à la maison pour plus de confort et d’économies. Beaucoup de groupes font ça mais peu osent le dire.

On envoie tout à Simone qui ensuite fait un mastering et donne une cohérence au tout. Idem pour la batterie. Ce sont des batteries programmées envoyées mais nous avons gagné plus de 2000€ de studio et à un moment donné, il faut comprendre que sortir un disque coute énormément d’argent pour très peu de retours en face. Je sais qu’en disant ça, on enlève du cachet et du rêve mais c’est bien aussi que les gens comprennent ce qui se passe.

 

Pourtant, c’est pas loin d’être l’album le mieux produit de votre carrière ...

Je suis d’accord avec toi. Le dernier vraiment excellent, c’était « Insurrection » pour moi (ndlr : là aussi, je suis complètement d’accord avec lui !).

 

"On ne va pas se mentir, je suis convaincu qu’il ne se passera rien en 2021"

 

Du coup, quel est ton album préféré de Nightmare dans lequel tu ne joues pas ?

Insurrection justement (rires). Ca a été un coup de cœur à l’époque. Tout n’est pas bon dedans mais la prod m’avait énormément marqué. Quand tu commences avec « Eternal Winter », c’est une leçon de composition et quand ça part, tu en prends plein la gueule !

J’aime aussi beaucoup « Genetic Disorder » parce que quand tu as le même son que Arch Enemy (ndlr : le Fredman Studios) aux niveaux des guitares, ça envoie forcément du bois !

 

Je suppose que « Aeternam » est ton préféré dans lequel tu joues ?

Oui (rires). Je t’avouerais que « The Burden of God » a forcément une saveur particulière puisque c’est mon premier album et même si je venais d’arriver et que je n’ai enregistrer que les solos.

Franchement, tu produis « Burden » en baissant les claviers et avec la prod de « Aeternam » et je pense que les deux disques ne sont pas très éloignés l’un de l’autre ...

Patrick Liotard a une oreille magique mais il produit beaucoup de variété et je pense qu’il manque clairement de relief à cet album. Dans les années 2000, le son aurait encore été convenable mais il y a eu un tel pont technologique vers 2010 du côté du son, pour les guitares et la batterie, que le son de cet album sonnait datée au moment même de sa sortie. C’est assez dommage mais c’est comme ça !

 

Dernière question, qu’est-ce que t’inspires toutes les conditions sanitaires actuelles ? Ne crains-tu pas que quand les choses reprendront, entre ceux qui auront peur, les salles qui auront fermées et l’embouteillage qu’il risque d’y avoir du côté des groupes, cela engendrera de nouveaux problèmes ?

Je pense plusieurs choses...On a surement écrit le meilleur album de Nightmare de ces 10 dernières années et on ne va pas pouvoir le défendre sur scène, ce qui est dur.

A côté de ça, les gens sont plus chez eux et prennent le temps d’écouter des albums. Certains gros groupes sont en stand-by et ça nous donne plus de visibilité. On n’a jamais eu autant de chroniques et d’interviews que pour cet album car il n’est pas noyé dans les sorties de groupes énormes comme Kreator ou Behemoth par exemple qui va monopoliser toute l’attention.

Par contre, on ne va pas se mentir, je suis convaincu qu’il ne se passera rien en 2021 (ndlr : interview réalisée le 12 octobre 2020, donc avant le reconfinement) parce que les conditions sont différentes d’un pays à l’autre donc il est absolument impossible d’envisager une tournée européenne dans 15 pays différents. Le souci qui va se passer quand on pourra de nouveau jouer, c’est que l’album aura déjà un an ou deux et même s’il fait son effet aujourd’hui, il est évident que d’autres disques seront plus frais si on peut jouer dans un ou deux ans.

Les gens en ont marre et ça manque de lucidité quand on reporte des tournées alors qu’il est évident que tout devrait être annulé et qu’on ne va pas nous laisser retourner sur scène de sitôt. C’est donné de faux espoirs et ce n’est pas être dépressif que de dire qu’on ne va pas pouvoir rejouer avant des mois !

 

Je te laisse conclure ...

Prenez le temps d’écouter « Aeternam ». Soyez curieux. Je pense que l’album peut plaire à tous les metalleux !

interview réalisée par Eternalis

2 Commentaires

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PhuckingPhiphi - 02 Novembre 2020:

"Aeternam" est en effet un chouette album qui fait honneur à la longue discographie de Nightmare ; les propos de Matt ci-dessus sont parfaitement éclairants.

Merci pour l'inetèrviou ! :)

klem71666 - 03 Novembre 2020:

Interview très intéressante et faite avec honnêteté

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