Nightmare (FRA)

Après Jo Amore en 2010 et Yves Campion en 2012, c’est maintenant Franck Millileri (guitare) qui va répondre aux questions de Spirit of Metal pour la présentation de sa dernière offrance, la plus brutale et agressive « The Aftermath ».
Sans état d’âme et très lucide sur la situation du groupe et du marché en général, le guitariste de 32 ans livre un constat sans concession du public et du soutien de moins en moins grand du public national envers ses groupes, sans pour autant se plaindre ou se poser en victime.
Une belle preuve de maturité pour un groupe toujours présent après 30 ans et avec la même envie d’en découdre.

[Par Eternalis]

interview Nightmare (FRA)1 – Salut Franck, comment vas-tu ? Pleine journée promo je suppose. Quels ont été les retours de « The Burden of God » globalement, de la presse et des fans ?
Ça va, un peu crevé je dois dire.

Relativement bien concernant l’album, c’est un album à part je trouve. C’est un album plus axé sur les refrains, les parties mélodiques et les arrangements donc on a aussi été critiqué concernant la production. Avec le recul, on s’est rendu compte assez rapidement qu’il y avait un souci avec le son, qui manquait vraiment de puissance et de guitare en général.

En revanche, la scène a été une bonne chose et les morceaux fonctionnent très bien. C’est plutôt la presse qui ne nous a pas loupés avec cette production notamment. Sinon, la tournée avec Sabaton et Crimson Glory (dont je n’ai pas fait partie d’ailleurs) se sont bien passés et l’accueil a été vraiment bon, même si on aurait honnêtement pu espérer mieux car ça n’a pas non plus rameuté une grande foule. Nightmare marche mieux à l’étranger qu’en France de toute façon.



2 – Justement, la production m’avait également assez déçu et je vois que vous êtes retournés en Allemagne pour « The Aftermath ». Est-ce que vous vous y sentez mieux au final ?
Il y a de très bons studios en France mais on voit tout de suite la différence quand tu vas en Allemagne. C’est difficile car tu tentes des choses en studio et ça sonne directement énorme, très grandiose. Nous ne sommes pas des débutants et nous savons qu’on ne compare pas le matos à 10 000€ d’un studio avec le poste d’un auditeur mais on ne pensait pas que la prod finale du précédent sonnerait si plate et, quelques semaines après, on était vraiment dégoutés, on comprenait qu’on avait pris la mauvaise décision.



Cette fois-ci, on voulait quelque chose de plus efficace. On n’avait pas non plus un budget énorme et on devait trouver une solution pour ne pas faire les choses chez nous avec Cubase et le Dreamsound s’est imposé logiquement à nous.



3 – « The Aftermath » est d’ailleurs bien plus incisif et brut, il est le lien manquant entre le technique « Genetic Disorder » et le plus brut « Insurrection » à mon sens. Est-ce que tu es d’accord avec ça ?
Je suis assez d’accord oui. C’était une volonté de durcir le ton cette fois-ci et j’ai écouté pas mal de choses plus extrêmes lors de la composition de cet album. Je ne suis pas très heavy à la base, le plus heavy que je dois écouter est Nevermore donc tu vois ce que je veux dire, je suis plus thrash et death dans mes influences globalement. Dans les riffs, on voulait que ce soit plus tranchant, toujours avec le chant lyrique de Jo.

On a trouvé un bon équilibre sur le dernier entre les guitares et les mélodies vocales, les refrains qui s’assimilent vraiment vite et facilement. On n’avait pas calculé cette direction, c’est venu naturellement car c’était une volonté commune. « Insurrection » était plus froid et mélancolique, je pense surtout à « Eternal Winter » qui est surement le meilleur titre que j’ai composé et en ce sens, « The Aftermath » est vraiment l’évolution logique d’un Nightmare plus rentre-dedans.



4 – Jo est de son côté toujours autant en forme, on dirait qu’il ne vieilli pas. Est-ce qu’il a un rituel avant de rentrer en studio ? Est-ce qu’il travaille sa voix ?
Un rituel non mais il prend vraiment soin de lui, il ne prend pas de risques avec sa voix. Il parle moins, il boit peu et ne fait pas d’interview.

En studio par contre, il prête beaucoup d’importance à l’interprétation et veut vraiment apporter des couleurs à l’ensemble musical, il va beaucoup tenter de choses avant d’être satisfait. Il est très perfectionniste de ce côté-là.



5 – Vous avez comme étendard de l’album le titre « Forbidden Tribe ». Le texte m’a assez interpelé…est-ce qu’il y a quelque de politique dedans ? Une évocation de la perte de nos racines, de notre identité culturelle ? Ou alors est-ce vraiment une fiction ?
Il n’y a rien de politique dans Nightmare, on ne veut pas mettre de messages particuliers. Ce sont plutôt de petites nouvelles mélancoliques, sombres qui traitent des émotions particulières.

« Forbidden Tribe », c’est vraiment l’histoire d’un peuple décimé qui continu à vivre par l’esprit des défunts ainsi que le fait de vouloir conserver des attaches, des racines ancestrales. Il ne faut pas voir vraiment plus loin. Je ne suis de toute façon pas plus impliqué que ça dans les textes donc je n’en dirais pas plus (rires).



6 – L’artwork est vraiment très beau. Il est aussi tr�
interview Nightmare (FRA)�s proche du dernier Vanden Plas, aussi chez AFM. Je suppose que c’est un hasard…
[ndlr : Il me coupe] Arrête je suis dégouté (rires). Ça fait plusieurs années que j’ai ce dessin sur mon pc, que je le propose à Nightmare mais ça ne passait jamais, les autres trouvaient que ça ne collait pas avec les albums précédents, que c’était trop dark. Ce côté morbide, le pendu uniquement visible dans le reflet de l’eau, les couleurs sombres. Il était d’ailleurs en noir et blanc à la base. Là, on est tous tombé d’accord dessus et je vois qu’en même temps, Vanden Plas a eu la même idée (rires).

C’est vraiment une coïncidence à part si je me suis fait piraté mon ordi !



Ce qui me plaisait dans l’idée, c’était les différentes perspectives que l’on pouvait y voir. Le fait de voir le pendu juste dans le reflet montre qu’une vérité n’est visible que selon un point de vue, selon le ressenti et selon ses propres croyances. Certains vont y voir une vérité et d’autres non, certains vont interpréter des choses en vérité absolu alors que d’autres n’y verront rien, tout est très relatif. Cette image a quelque chose de très cinématique en plus et je voulais vraiment ça pour Nightmare. De plus, il faut avouer que, là encore, nous n’avions pas le budget pour un illustrateur donc ça a été du fait maison. La photo a été prise par Jo, j’ai ajouté l’idée principale et j’ai ensuite bossé avec Antony Mouchet de Psygnosis pour le rendu des couleurs et les illustrations du livret. Il est très talentueux pour tout ça.



7 – Matt était arrivé dans le groupe alors que « The Burden of God » était déjà écrit. En quoi sa contribution a été différente cette fois-ci ? Est-ce qu’il a lui-même composé pour « The Aftermath » ?
Il était arrivé en fin d’enregistrement donc ce n’était pas évident. Il devait se faire sa place, s’adapter, le reste du groupe était déjà bien installé donc il n’a pas pu vraiment s’investir mais sa capacité d’adaptation nous a vraiment impressionné et j’étais impatient de travailler les nouvelles parties de guitare avec lui.

Il a un éventail bien plus large que moi musicalement parlant, un seuil de tolérance plus grand dirons-nous (rires). Il va autant écouter du metal que pouvoir apprécier du Johnny Hallyday tu vois, il a quelque chose de très mélodique en lui. Sur ce nouvel album, on peut dire que c’est du 50/50 au niveau des guitares et on s’est trouvé assez complémentaire. Honnêtement, je n’écoute que du metal et mes idées sont souvent très brutes et agressives donc ça se prêtait bien d’avoir Matt en balancier pour des passages plus mélodiques et aérés. Il s’en est très bien sorti.



8 – Question un peu plus large…tu parlais du budget serré de l’album. Qu’est-ce qui vous motive encore de continuer à enregistrer et aller sur la route, alors que vous ne vivez pas de Nightmare ?
Comme tu dis, on ne touche rien avec Nightmare mais c’est la passion qui nous motive. On aime ça et on ne peut pas s’en passer. Pour exemple, quand on était chez Regain et qu’on a eu le budget pour « The Dominion Gate » on avait une enveloppe de 12 000€ pour l’album, ce qui est énorme pour un groupe comme nous. Pour le nouveau, tu peux environ diviser par trois le chiffre…ça te donne une idée pourquoi on a fait beaucoup de choses par nous-mêmes.

J’ai 32 piges, les autres sont encore plus vieux mais je pense qu’à partir d’un moment, tu ne peux plus arrêter. C’est une certaine vie, le fait de partir en tournée, de faire la fête, de rencontrer des gens, de voir d’autres pays. C’est assez égoïste finalement parce qu’on a des galères, ça nous prend énormément de temps et en plus, on ne se dégage pas de salaires. On est vraiment entre deux chaises, trop gros pour que ça ne prenne pas trop de temps mais trop petit pour en vivre. Beaucoup de gens ne comprennent pas, me demandent pourquoi je continu mais quand tu joues avec un groupe que tu écoutes depuis que tu es gosse, que tu es sur la même scène…à ce moment-là, tu sais pourquoi tu es là.

La musique est un lieu finalement où, lorsque tu as une place, tu aimes la garder. Quand je vois des petits groupes qui montent et jouent dans des tout petits bars miteux, je me dis que je ne pourrais pas tout recommencer à zéro. On n’est pas si mal finalement, ça permet de relativiser. On va partir trois semaines en tournée par exemple, ça s’est vraiment cool.



9 – Et vous êtes soutenus par AFM, qui est aujourd’hui un label bien installé en Europe avec une grosse diffusion. Ça aide tout de même ?
C’est certain qu’on ne peut pas nier qu’AFM est un atout formidable derrière nous. Ils sont en première ligne pour faire la promo, avoir des chroniques. Pour ê
interview Nightmare (FRA)tre dans les magazines en Hongrie, en Russie ou en Scandinavie, tu ne peux pas si tu n’as pas un label auprès de toi. Ça peut aussi avoir une incidence sur les tournées ou les festivals.

Un festo’ qui veut Fear Factory, AFM va demander de faire jouer deux ou trois groupes du label pour que Fear Factory soit à l’affiche. Ce sont des packages qu’ils négocient donc c’est primordial de les avoir avec nous.

On arrivait en fin de contrat en plus donc que nous étions un peu dans le doute et finalement, nous avons signé un nouveau contrat avec eux donc c’est vraiment une bonne nouvelle.



10 – J’avais eu Yves et Jo pour les précédents albums qui critiquaient de manière assez acerbe le manque de reconnaissance du public français envers ses groupes. Encore une fois, on voit que vous jouez au Hellfest 30 minutes le matin alors que vous êtes bien plus haut lorsque vous jouez au Wacken…est-ce que ça vous déçoit ?
Pour être franc, au début, tu te dis « Merde, on joue super tôt ». Mais avec du recul, on sait qu’il y a beaucoup de monde qui attendent pour y jouer et que ça reste un privilège de jouer sur la grande scène du Hellfest.

Je me souviens d’une fois où l’on demandait justement à Ben Barbaud la raison pour laquelle les groupes français étaient si bas. Sa réponse avait été un peu brute mais reflète finalement ce que pense le public, à savoir que « Tout le monde s’en fout des groupes français ». A part Gojira ou Dagoba, même si ça tend à changer et ça me fera peut-être mentir à l’avenir, mais il faut avouer que le public est intéressé par les groupes allemands, américains, scandinaves. De mon côté, je mets beaucoup d’importance à notre style, qui n’est pas très calibré pour la France qui est bien plus extrême. C’est étrange de cartonner en Allemagne alors qu’ici on rame plus. On a joué là-bas dans un festival de death metal et ça s’est super bien passé car on était un peu le groupe « différent », qui permettait la bouffée d’oxygène après s’être tapé cinq heures de blast beat (rires).



Pour revenir à ta question, je dirais qu’il faut profiter de ce que l’on a, d’avoir beaucoup de recul et de relativité sur ce qu’on vit. Ça ne va pas m’empêcher de dormir.



11 – Est-ce que au fond de vous, vous en venez à penser que vous auriez plus de succès si vous étiez allemand ou suédois ?
Il y a un petit peu de ça. Pour te donner un exemple, sur une date, un mec pensait que l’on était américain et on a bien vu qu’il y avait bien moins d’intérêt lorsque l’on a dit que nous étions français (rires). C’est vrai que les groupes français extrêmes sont bien plus respectés que les groupes de heavy. On se rattache au heavy des années 80 comme Sortilège ou Satan Jokers et on imagine mal un heavy plus moderne et agressif en France.

A côté, on a joué à Dubaï où des gens nous attendait en sortant du bus, on nous prenait en photo, il y avait un gros écran « Welcome Nightmare » ; c’était juste énorme. On avait de la pyro sur scène, ce qui donne tout de suite un effet bien plus professionnel et c’est le jour et la nuit avec la France. On y joué dans des petites salles, parfois à moitié vide (ou pleine, selon le point de vue). La dimension est différente, même si je ne m’en plains pas, le musicien qui me dit qu’il fait salle comble tous les soirs est un menteur. C’est la règle du jeu.



12 – Tu disais avoir l’équivalent de presque un album de riffs de côté, qui ne collerait pas à Nightmare. As-tu déjà pensé à un projet solo extrême justement ?
C’est dans un coin de ma tête mais Nightmare me prend énormément de temps et comme je ne gagne pas d’argent avec, c’est difficile de prendre encore plus de temps pour un autre projet.

Un album est prêt, il me faut juste les bonnes personnes et le temps pour m’y consacrer pleinement.



13 – Je te laisse finir l’interview comme tu le souhaites …
On va aller jouer de nouveau à Dubaï avec nos potes de Loudblast, ce qui risque d’être énorme encore. Je me souviens la dernière fois qu’on avait calé la date, on nous avait dit qu’on jouerait dans un club et en fait, c’était une salle de 6 000 personnes pleine à craquer et on jouait juste avant Epica (rires). Autant te dire que tout est démesuré là-bas.

Ensuite, on va faire le Hellfest et le Wacken et on va faire la tournée Wacken Road Show, chose qui va être très importante car la promo est énorme, ça va passer à la télé et on va faire énormément de dates avec d’autres très gros groupes. Et merci pour l’intérêt porter à Nightmare, déplacer vous aux concerts et venez nous soutenir en live, c’est la seule chose de réelle !


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interview réalisée par Eternalis

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Raghnaar - 02 Juin 2014: Dommage que Nightmare ne perce pas davantage en France, je ne pensais pas que le groupe avait moins de succès en France qu'à l'étranger, bien qu'après coup, je me suis déjà posé la question quand je les avais vu sur l'affiche du Metal Day, en bonne place qui plus est.
Ce groupe vaut pourtant vraiment le coup d'être, à la fois écouté en album, et surtout vu en live !!! J'ai pu assister à leur prestation au Motocultor 2012, et je dois dire que c'était une des meilleures prestations du fest ! Un jeu de scène de malade, et une ambiance du feu de Dieu. C'est vrai que j'avais été choqué de voir qu'on était que 200 à 300 personnes devant leur show, mais bordel qu'est ce que les gens étaient dans le concert ! Je les reverrai volontier vendredi matin au Hellfest ! Courage les gars !
Et merci à Eternalis pour l'interview !
princeofmetal - 14 Juin 2014: Perso j'ai connu le groupe durant la session hard rock 2012 de Colmar et c'est la première fois que j'écoutai du Heavy Metal français. Avec Dagoba, ce sont les deux seuls groupes français que j'écoute car j'avoue que les autres je les trouve un peu plat comparé à des groupes scandinaves, européen ou US.
Eternalis - 14 Juin 2014: Il faut fouiller, car dire que (par exemple, la liste est longue...), Gojira, Kalisia, Scarve, CNK, Klone, Hacride (etc...) sont plats, c'est qu'il ne faut simplement pas les connaitre ;)
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