My Own Private Alaska

Un ep. Un album. Un statut de groupe culte pour les adorateurs mais surtout un manque incroyable suite au split de My Own Private Alaska (MOPA pour les intimes) en 2013. Pour les dix ans de « Amen », le groupe se reforme et annonce une tournée mais le Covid passe par là.

C’est finalement sous la forme d’un nouvel ep, « Let this Rope Cross All the Lands », peuplé d’inédits et de titres rares, que MOPA nous revient en attendant le tant attendu second album. Les deux maitres à penser du projet, Tristan (piano, claviers) et Milka (chant) ont bien voulu donner de leur temps pour raconter tout ce qui s’est passé depuis bientôt dix ans.

 

[Par Eternalis]

 

 

Je suis super content de vous parler aujourd’hui car ça veut dire que MOPA est de retour ! Qu’est-ce qui a fait que ça a enfin été possible ?

M : Le gout pour la musique déjà, ce qu’on représente les uns pour les autres. MOPA s’est arrêté avec beaucoup de pression, beaucoup de dates suite à notre passage chez Ross Robinson mais on avait des boulots à côté, des familles à gérer, d’autres groupes parfois. On travaillait des milliers d’heures par semaine (rires). On a pété les plombs simplement. La vie a ensuite fait son œuvre, on a eu envie de ne pas laisser ce groupe dans un tiroir car on est très proches.

T : On s’est séparé à la veille d’enregistrer le second album. Quand je dis la veille ce n’est pas une expression car deux jours plus tard on aurait été en enregistrement ! Le timing a été difficile mais ça veut aussi dire qu’on avait des choses sous le coude.

Avec les années, on s’est dit que ce n’était pas possible de laisser ces morceaux de côté. On avait aussi envie de rejouer ensemble, ça me faisait péter un boulard de ne pas pouvoir défendre notre musique de nouveau. Et puis 10 ans, c’était le bon moment !

 

Lorsque l’année dernière, vous vous êtes reformés, c’était effectivement pour fêter les 10 ans de « Amen » avec une tournée anniversaire. Mais le covid est passé par là ... quelles dates se sont jouées finalement ?

M : Très peu. On a eu quoi, cinq ou six ...

T : On est parmi les chanceux à avoir pu jouer en 2020 avec quelques dates en France et en Allemagne, dont un sold

out à Paris avec Hypno5e.

 

Mais il était finalement clair dès le début qu’il y aurait quelque chose avec cette reformation, que ce soit un album ou un ep, même si vous n’aviez pas communiqués dessus ?

M : On n’a pas fait les escrocs en faisant style « Tout est sous le coude » (rires).

Tout était vrai mais on ne savait pas la tournure que prendrait les choses. Quand j’y pense, le line-up n’était même

pas défini, n’est-ce pas Tristan ?

T : C’est ça ! Quand on s’est revu on était deux à la base. On s’est dit que ça n’avait pas de sens de ressortir quelque

chose sans rejouer d’abord sur scène, donc il fallait déjà retrouver un batteur, à minima puisque nous avions déjà dans l’idée de trouver un 4e membre pour étoffer le bas du spectre. Tout s’est goupillé assez rapidement.

M : On a été dépassé par le retour des gens et des professionnels du milieu. Il y a 7 ans, on galérait pour trouver des labels et des tourneurs, comme tous les groupes. Sauf que là, on avait des promoteurs, des labels, des agences de booking qui voulaient travailler avec nous et ça a ajouté des ambitions à notre reformation. Le nouveau line-up a aussi apporté énormément humainement et musicalement, ce qui a fait que nous avions envie de pousser le bouchon dans la bonne direction.

 

Qu’est-ce qui a fait que Yohan n’a pas rejoint cette reformation ?

M : Il a été recontacté évidemment mais comme tu le sais peut-être, il a son propre groupe, Cats on Trees, qui lui prend beaucoup de temps et qui est dans un tout autre registre. Il a d’autres préoccupations artistiques et il ne sentait pas de faire le grand écart émotionnel de ce côté-là. Ça peut se comprendre et il n’y a rien eu de négatif entre nous. Le fait d’avoir Jordy Pujol à la batterie nous a apporté beaucoup de nouvelles énergies. C’est un mec très positif, très jeune aussi et il nous pousse au cul ! C’est une belle perle rare que nous avons trouvé.

 

Cette idée d’avoir un nouveau claviériste qui apporte de la profondeur, des nappes et des ambiances était-elle déjà pensée avant la reformation ? C’est quelque chose qui n’est pas commun d’avoir deux pianistes, en plus de n’avoir aucun guitariste. Vous continuez à cultiver votre différence !

T : C’est intéressant que tu dises ça parce que je n’avais pas forcément pensé à la chose sous cet angle « Nous étions originaux il y a dix ans et nous le sommes encore aujourd’hui ».

Pour te dire la vérité, je voulais des choses dans les basses fréquences car déjà en live, je rajoutais des nappes pour tricher un petit peu. Il faut se dire que je suis le seul support mélodique avec mon piano et que c’est quelque chose de très lourd à porter, il fallait que j’ai quelqu’un qui fasse de « vraies » choses à mes côtés. Je n’ai que deux mains (rires).

Pour tout te dire, au départ, on pensait à prendre un bassiste mais on a comparé avec un second clavier et il n’y avait pas photo. Déjà, au niveau des fréquences c’est beaucoup plus complet et le champ des possibles est bien plus large. Evidemment, on peut mettre de la disto sur une basse mais le clavier pourra apporter de multiples possibilités.

 

"On a été dépassé par le retour des gens et des professionnels du milieu. Il y a 7 ans, on galérait pour trouver des labels et des tourneurs, comme tous les groupes. Sauf que là, on avait des promoteurs, des labels, des agences de booking qui voulaient travailler avec nous et ça a ajouté des ambitions à notre reformation."

 

On le ressent notamment sur la nouvelle version de « Red », extrêmement dense avec ces nappes de claviers qui lui confèrent une aura vraiment énorme ...

T : Pour l’anecdote, cette version de « Red » a été joué et enregistré avant d’avoir un 4e membre mais avec cette idée de ce que cela pourrait apporter. Donc c’est moi qui joue toutes les parties sur ce titre.

M : En studio, Tristan avait joué le rôle du 4e mec mais on savait très bien que toutes ces parties studios ne pourraient pas être joué en live (rires). Pour compléter ce qu’il disait, je trouve que ces sonorités synthétiques s’imbriquent beaucoup plus facilement avec notre musique. Mathieu Laciak, Galak de son pseudo, est aussi un pianiste. C’est très loin d’être un « basseux » qui joue trois notes dans les graves, il est extrêmement complet.

T : C’est ça, je pense que l’apport de ce 4e membre peut nous permettre d’explorer de nouvelles voies.

 

Il peut apporter des influences symphoniques ou électroniques dans votre son pourquoi pas ?

T : Je suis complètement d’accord avec toi.

M : Il y a déjà eu dans notre musique des sons un peu electro et industriel car Tristan poussait en ce sens. Je disais que ça faisait new-wave personnellement mais disons que c’est de la new-wave façon Neurosis (rires). Justement, Galak a son propre groupe et fait de la darkwave à côté, il est extrêmement fort dans ce registre et il peut nous apporter. On ne s’interdit rien.

 

Moi qui adore le genre, si vous intégrez ça dans MOPA ça va me plaire ! (ndlr : rires généralisés).

Pour revenir à « Amen », l’album avait eu un gros retentissement à l’époque avec beaucoup de dates, il avait été très bien accueilli dans la presse et, avec le temps, il avait ce statut unique du seul album d’un groupe qui n’existe plus.

Forcément, avec votre retour tant d’années après, est-ce que vous avez déjà pensé à la chose sous cet angle et à l’éventuelle déception des fans qui ne connaissent qu’un seul album ?

T : Ce que tu décris là, c’est en fait exactement ce qui s’est déjà passé entre « Amen » et notre premier ep. J’ai l’impression que l’histoire se répète, on avait déjà été taxé de « vendus » à l’époque parce que nous avions travaillé avec Ross Robinson. On dirait que même si on sortait un album tous les 20 ans, on dirait encore la même chose (rires).

M : On ne peut pas réfléchir à ça parce que sinon on ne fait rien. C’est très cliché mais il y a de la joie de jouer ensemble, une sensation cathartique et on ne peut pas penser vis-à-vis de la réaction des gens.

Avec le temps, j’ai appris à accepter que, à partir du moment où tu sors de la musique, elle ne t’appartient plus et que certains la prendront, d’autres non. Je peux comprendre que des gens qui étaient à fond dans le screamo très classique n’ait pas compris « Amen » qui était plein de spoken words, de passages mélodiques et de sonorités assez bizarres. J’ai juste envie de leur dire d’écouter autre chose.

On a joué avec beaucoup de groupes de post-hardcore et de screamo et les gens nous ont probablement enfermé à tort car nous sommes à part. Que ceux qui nous aiment nous prennent et les autres non, on ne plaira pas à tout le monde.

 

« Let this Rope Cross all the Lands » est un ep avec un nouveau morceau, des relectures, du live ... est-ce que c’est pour prendre la température avant l’album complet ? Quel est le sens de cette sortie ?

T : Il y a une histoire de calendrier. Sans le covid, il ne serait peut-être jamais sorti il ne faut pas le cacher.

M : On était pas sûr d’avoir assez de matière pour un album complet même si nous avons déjà beaucoup de sons. On se rendait aussi compte que nous revenions avec un album déjà beaucoup écouté [ndlr : il hésite], enfin beaucoup écouté ... dans le milieu du moins. On avait envie de montrer aux gens que nous avions de nouvelles choses, que nous avions des idées. On s’est dit qu’on allait enregistrer un nouvel album qui serait un vrai bloc et ça sortira pour 2022 mais nous avions ces titres disparates dont nous ne savions pas quoi faire. C’est pour ça qu’il y a un inédit mais aussi des titres sortis uniquement en Chine et en Russie, ou des versions totalement inédites comme celle de « Ego Zero ».

 

"Je prône aussi l’idée que le plus important est l’émotion derrière un texte, derrière les mots et pas uniquement le fait de crier. Il peut avoir beaucoup de tensions dans un titre sans hurlements et, à l’inverse, j’écoute et découvre beaucoup de groupes de metal ou de hardcore où je ne sens pas beaucoup de colère alors qu’il n’y a que de la voix saturée."

 

L’Ep est finalement très court avec uniquement 5 titres !

M : Il y a en 8 sur le vinyle avec les lives !

T : On ne les considère pas du tout comme des Face B ou des choses de moindre qualité. Mais on ne pouvait pas se permettre de dire que nous revenions sur scène sans avoir de sortie officielle avant 2022, ça n’aurait pas eu de sens.

 

Je me souviens que lorsque nous nous étions rencontrés à l’époque, vous expliquiez qu’un titre avec l’émotion du moment pouvait sonner de façon très différente du studio ou d’un autre soir.

C’est encore flagrant ici quand on entend cette nouvelle version de « Red » qui n’a rien à voir avec celle de « The Red Sessions », qui était lui-même composé de relectures totalement différentes. C’est vraiment un trait de caractère propre à MOPA ...

T : C’est intéressant ce que tu dis. Je pense que ça vient aussi du fait d’avoir un instrument, le piano, qui n’est pas dans son registre habituel. Intégrer le piano dans une musique amplifiée permet de revisiter des morceaux de façon plus classique ou rock n’roll on va dire. L’inconvénient en revanche, c’est qu’on peut paumer les gens à faire des versions différentes d’un même titre.

Le fan hardcore fera bien la différence mais les autres pourraient avoir l’impression d’écouter des titres différents et confondre. Mais c’est un peu l’histoire de MOPA, proposer différentes émotions et montrer que l’on s’épanouie dans plusieurs registres.

 

C’est la même chose pour le chant. La manière dont tu « attaques » tes parties de chant changent radicalement la lecture d’une chanson ...

M : Forcément, au chant c’est encore plus tranchant comme différence. Les morceaux de base sont à 75% screamés donc quand on fait une version acoustique, ça change tout. C’était parfois une commande d’une radio par exemple, ou des lieux et des pays qui nous inspiraient et faisaient changer la façon dont on ressentait un titre.

En faisant ça, je prône aussi l’idée que le plus important est l’émotion derrière un texte, derrière les mots et pas uniquement le fait de crier. Il peut avoir beaucoup de tensions dans un titre sans hurlements et, à l’inverse, j’écoute et découvre beaucoup de groupes de metal ou de hardcore où je ne sens pas beaucoup de colère alors qu’il n’y a que de la voix saturée. J’ai parfois la même autocritique me concernant sur des titres passés.

 

Il y avait beaucoup de colère et de désespoir dans « Amen », avec des titres comme « After You » ou « Die for Me ». 10 ans plus tard, ces morceaux résonnent avec la même intensité mais est-ce qu’ils vous parlent autant à vous désormais ?

J’ai été obligé de me réinventer un peu je dois avouer. C’était déjà le cas avant car, si tu prends l’exemple de « Die for Me », quand on le jouait sur scène en 2011, il avait déjà cinq ans puisqu’il provient du premier ep. Pour te dire, quand on a écrit « Amen », je suis dans une dépression totale, je navigue entre différentes villes et ça ne va pas du tout. Du coup l’album a été une véritable catharsis. Cependant, je ne veux pas me mentir à moi-même en tant qu’auteur donc je vais me positionner de manière plus universelle, moins personnelle, en transposant les textes à des personnes que je connais ou des expériences que j’ai vécues, même si elles ne sont plus dans l’intensité du moment. C’est très dur de mentir pour jouer ou chanter du MOPA, il faut mettre beaucoup de soi, c’est très difficile.

T : Il y a dans « Amen » une alchimie très particulière que nous avions, d’un point de vue technique, réussie à obtenir grâce à Ross Robinson. Il travaille comme un réalisateur, en prenant le meilleur de chaque prise, même si finalement nous n’en avions pas fait tant que ça. Mais il va éditer, prendre le meilleur du meilleur et dans un registre aussi extrême, il puise l’extrême dans l’extrême. Dans la moulinette Robinson, cela donne une expérience vraiment à part. Quand tu prends les Korn ou Slipknot qu’il a fait, c’est ça. Il cherche les limites. Quand tu prends le premier Slipknot, c’est difficile de l’écouter en entier d’une traite tellement il est extrême. C’est un peu ça avec « Amen », il est très dur comme disque et parfois, on en rit entre nous en disant qu’il est inécoutable cet album.

M : (éclats de rires). Il y a des groupes comme ça où les gars ont donné tellement d’eux que c’est incroyable d’écouter des albums en entier. J’adore Amenra par exemple mais au bout d’une demi-heure, je dois aller prendre une bière tellement le groupe rentre dans mon cerveau (rires).

 

Et que dire de « I Am an Island », point central de l’album et qui terminait les concerts à l’époque. Il parait plus actuel que jamais et il n’y a aucune raison d’être moins en colère quand on l’interprète ...

M : C’est très facile de trouver de la motivation et un point d’ancrage actuel dans un tel titre. C’est même malheureux quelque part.

 

Vous parlier de Robinson en tant qu’expérience d’enregistrement. Avez-vous des plans pour l’avenir sur ce point là ?

M : On a déjà testé une doublette de personnalité qui, pour le moment, nous convient bien. C’est en revanche compliqué pour, légalement, sortir du pays et enregistrer.

Sur cet ep, on a travaillé avec Jan Kerscher qui fait que du qualitatif et qui a beaucoup d’idées intéressantes en matière de son. Concernant le mastering, il bosse avec Magnus Lindberg, le batteur de Cult of Luna qui sont dans la même boite de management que nous (ndlr : Ora). « Your Shelter » a été le premier jet avec ce duo et ça nous a sorti de notre zone de confort, ça nous a permis de sortir de chez nous, perdu en Allemagne et ça nous plait bien.

 

T : Bosser avec des gens qui ont une vision différente et, comme d’habitude, à l’étranger, permet de remettre en question nos certitudes. Pas que nous boudions la France mais ça nous fait du bien d’aller voir ailleurs et de se nourrir des différentes cultures. On a beaucoup voyagé avec ce groupe et, d’un point de vue personnel, c’est une nourriture spirituelle dont j’ai vraiment besoin.

 

" « Amen » est très dur comme disque et parfois, on en rit entre nous en disant qu’il est inécoutable cet album. "

 

C’est vrai que vous avez beaucoup tourné en Europe de l’Est, avec un gros succès en Russie, avec pourtant un seul album et un ep. D’où venait un tel écho ?

M : L’explication la plus plausible vient surtout des styles qui marchent beaucoup là bas. Pour te dire, il y a quelques années, un groupe comme Celeste était aussi gros que Gojira chez eux, alors qu’on sait bien que Gojira est devenu Metallica aujourd’hui (et je dis ça avec beaucoup d’amour). Les groupes de screamo, de black ou post hardcore fonctionnent bien mieux que les ricains de Roadrunner en Russie et je pense que ça vient aussi de là.

T : Je pense aussi que le piano et le côté classique de la musique a pu jouer, que les grands compositeurs russes et allemands font partie de la culture là bas et que, quelque part, MOPA a réussi à rejoindre les deux mondes. J’aime aussi à penser que j’ai du sang russe donc que ça a jouer quelque part mais là, c’est personnel (rires).

Les russes sont vraiment passionnés, c’est quelque chose de fou. Quand j’étais gamin, beaucoup de groupes disaient qu’ils adoraient jouer à Japon car ils sont à fond et très respectueux. C’est ce qu’on ressent envers la Russie. Je me souviens d’une anecdote où un mec est monté sur scène, a chanté « Die for Me » mieux que le chanteur (rires). Ça met les frissons, les mecs jouent leur vie avec nous, ça te fait comprendre pourquoi tu fais de la musique. Ce n’est pas une question d’ego ou de fierté mais ça remet en avant la place de la musique dans le monde, au-delà de ce que tu pensais faire ou apporter. C’est magnifique ce que ça peut procurer et je ne connais rien sur Terre qui puisse me faire ressentir ça. Donc réouvrez les salles de concert, bordel de merde (rires).

M : On a senti qu’on était passé de l’autre côté de la barrière, au niveau de l’impact sur les gens. Personnellement, en tant que fans, je peux pleurer à un concert de Tool ou Nick Cave, en chantant les mêmes paroles, en étant dedans, en ressentant la même chose que les artistes et je suis ce fan que les Russes sont pour nous. C’est une véritable libération en tant qu’artiste [ndlr : mon chien se met à aboyer]. C’est ton chien qui aboie ? Tu vois, même lui est d’accord (rires).

 

En parlant du live, je me souviens de cette expérience particulière où le rideau s’ouvrait, tu présentais le groupe au public en disant que vous ne communiqueriez pas durant le show mais que vous seriez dispo après. C’était aussi ça MOPA, une bulle dans laquelle on rentre ... ou pas !

T : C’est quelque chose qui s’est un peu imposé au début, avec ces textes très durs comme fil conducteur. C’était compliqué de sortir derrière « Salut ça va bien ? ». Après, à force de tourner et de le vivre, ça a montrer ses limites et c’était trop lourd autant pour nous que pour les gens. On a eu besoin de briser la glace et de casser cette tension qui se créait.

 

Pourtant, ça a permis de faire connaitre le groupe et forger une autre différence. Je me souviens d’un concert au Ferrailleur de Nantes, je connaissais à peine les morceaux et, en une grosse heure, je me suis pris une claque immense où on se demande ce qui vient de nous arriver ...

T : C’est ce qu’on voulait, créer une expérience. Ce n’était pas complètement conscient au début mais je pense qu’on peut faire les deux, proposer une expérience et être abordable. Parce que pour ceux qui ne rentraient pas dedans, ils passaient complètement à côté et c’est un peu dommage.

M : Beaucoup de gens ne comprenaient pas le délire finalement, y compris en France où c’était pris pour de l’arrogance. Ce sont les différents pays et les cultures que nous avons visités qui ont induit petit à petit ce changement. Je me souviens d’un type en Russie qui a prié devant moi en pleurant. Je pense que ça devait lui rappeler quelque chose, je l’ai relevé, symboliquement, pour qu’on puisse hurler ensemble et se libérer.

On veut vraiment évoluer sur cette image, vivre différemment le live même si je ne vais pas me transformer en frontman d’un coup. Il faut qu’il y ait une notion de partage.

 

Pour revenir à l’ep, le vinyle ne sort qu’à 100 exemplaires de chaque couleur. C’est peu !

T : C’est vrai.

M : MOPA reste un groupe alternatif avec une musique très particulière. Tu sais les 200 vinyles sont en vente depuis Noël et ils ne sont pas tous partis donc on fait avec la trésorerie du bord. On commence petit et on y va avec humilité. Il n’y a pas de désir de frustré les gens, si jamais ça se vent bien, on pourra peut-être faire une réédition.

 

En parlant de réédition, « The Red Sessions » est introuvable en vinyle et en cd depuis un moment déjà. Pensez-vous que ça ressortira ?

M : Peut-être 2025 ou 2026. En vrai, l’année n’est pas si conne (rires). On veut surtout envoyer un signal avec des morceaux cohérents et de la nouvelle musique, plutôt que de noyer les gens sous des autres versions et avoir une cohérence à ressortir ça.

T : Tu parles toi en tant que personne qui nous connait, qui a étudié la discographie, peut-être même de fan mais il faut se dire qu’il y a plus de personnes qui ne nous connait pas plutôt que de ceux qui nous connaissent. L’idée est de ne pas paumer les gens en proposant des registres différents, surtout en ce moment où on se reforme.

 

En parlant de vinyle et de support. Je me souviens que toi Tristan tu étais particulièrement fan du vinyle de « Amen » et que tu appréciais particulièrement l’objet. Comment écoutez-vous la musique aujourd’hui là où le streaming trustent les écoutes ?

M : Je suis au digital total (rires). Je fais marcher la machine Deezer et je l’utilise avec beaucoup de bonheur en découvrant tous ces artistes. L’énorme problème reste la redistribution monétaire mais il faut quand même dire que Deezer est la « moins pire » de toutes. D’un côté ces plateformes « truandent » les artistes car nous leur fournissons la marchandise mais d’un côté je n’ai jamais découvert autant de groupes. Les algorithmes fonctionnent plutôt bien et je n’écoute même plus les vinyles ... je ne suis pas assez hipster pour ça (rires).

T : C’est là où j’ai une autre vision que toi ! Je continu de penser que le vinyle est un objet de collection. Ce n’est pas qu’un support musical. Tu vois, j’achète des vinyles alors que je n’ai plus de platine. La grande force est la taille de l’objet qui permet de montrer beaucoup de détails.

C’est surement paradoxal mais je trouve kiffant d’écouter un album sur deezer tout en suivant les textes sur la pochette. Je pense que c’est complémentaire d’utiliser les plateformes tout en achetant des disques.

 

Je vous laisse terminer comme vous le souhaitez ...

T : Il y a une date de sortie différente entre le cd et le vinyle car il y a du live supplémentaire sur le vinyle. Ce sont des sessions enregistrées en plein air, sur la plus haute colline de Bretagne et c’était un cadre magnifique. Beaucoup de gens disent que le groupe prend une dimension supplémentaire en live et que les morceaux ne sonnent pas de la même façon donc on trouvait intéressant de montrer ce que donnait MOPA en live en 2020.

M : On te remercie pour la pertinence de tes questions et merci pour les médias alternatifs qui mettent en avant des groupes comme les nôtres, qui ne passent pas à la TV ou à la radio, qui ne tapent pas le million sur Youtube. On se dit que des oreilles vont décortiquer notre musique et que notre travail n’est pas vain, qu’il sera partagé et c’est rassurant, quelque part.

 

[Par Eternalis, le 22/01/2021, via Skype]

 

                                                                                                                                                                       

interview réalisée par Eternalis

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