Angrenost (POR)

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Angrenost revient de loin : après une unique démo, Evil, parue en 1998, le groupe portugais sombre dans un coma artificiel suite au comportement autodestructeur et aux différentes addictions de son leader et chanteur, Pursan. Près de 15 ans plus tard, après de nombreuses cures de désintoxication et séjours en hôpitaux psychiatriques, celui-ci sort enfin de son mutisme, et accouche d’un somptueux Planet Muscaria sombre, psychédélique et immersif fin septembre 2013, toujours sous la bannière maudite d’Angrenost. Place à un Pursan volubile et décidé, qui revient sur ces années d’errance psychotique, et qui nous présente fièrement son nouveau bébé.

interview Angrenost (POR)1) Bonjour Pursan, comment vas-tu ? Peux-tu revenir sur les raisons qui t’ont poussé à arrêter le groupe en 98 et sur ces longues années d’errance qui séparent Evil de Planet Muscaria? Quel a été ton parcours tant personnel qu’artistique durant ces sombres années? A présent dans quel état d’esprit es-tu, quels sont les nouveaux objectifs du groupe, et quelles sont les différences entre le Angrenost de 98 et celui d’aujourd’hui ?
Salutations! Il y a un énorme orage dehors et je suis en train d’écouter de la bonne vieille musique, tout va bien. Tellement de questions, voyons voir… les raisons qui ont menées à l’arrêt brutal du groupe en 98 sont très longues, complexes et personnelles, c’est principalement dû au fait que j’étais dans un état très bizarre et psychotique, et ce pour de nombreuses raisons. A cette période, je sentais que si je continuais à m’investir dans Angrenost, quelque chose de vraiment mauvais risquerait d’arriver à n’importe quel moment, restons-en là à ce sujet.

Entre Evil et Planet Muscaria il s’est passé pas mal d’évènements et nombre d’entre eux ont servi d’inspiration pour la création de Planet Muscaria. Cela tourne autour de l’addiction à la drogue, des mondes psychotiques et de tous les mécanismes nécessaires pour transcender et fuir ces remous démoniaques et labyrinthiques si tu ne veux pas finir mort ou pire que ça…

Il m’est impossible de marquer une frontière qui démarquerait l’art de la vie réelle… ma vie a été tellement « riche », tordue et peu ordinaire que, le plus honnêtement du monde, la vie et l’art ne faisaient qu’un, c’est difficile à expliquer mais celui que l’on nomme artiste n’était pas un personnage de fiction ou basé sur l’alter égo, mais une personne réelle… Toutes ces expériences étranges sont le substrat de Planet Muscaria, basées sur la réalité, pas sur de la fiction ou du fantastique. Le groupe ne poursuit aucun but, Angrenost est juste un medium qui permet d’exprimer la négativité et les ténèbres par le son, un accomplissement cathartique à travers la musique. L’essence du groupe reste la même et le meilleur moyen de la conserver, c’est que chaque réalisation soit différente. Evil et Planet Muscaria sont authentiques au même titre, Evil traite du diable, Muscaria de la muscarine (ndt : une substance toxique et psychotrope présente dans de nombreux champignons vénéneux, notamment dans la fameuse amanite tue-mouche). Je n’ai rien à foutre des « groupes », la seule chose qui m’intéresse concernant la musique, ce sont les albums… Si je ne parvenais pas à garder cette ligne de conduite, je peux vous assurer que je finirais par détester presque tous les groupes tellement ceux qui restent honnêtes envers eux-mêmes et imperméables aux influences extérieures sont rares.




2) Doit-on considérer Angrenost comme un véritable groupe à présent, ou comme l’expression ponctuelle et sporadique des diverses émotions qui chavirent ton âme à certains moment précis ? Doit-on s’attendre à une nouvelle hibernation de plusieurs années ou l’entité Angrenost est-elle désormais résolument tournée vers le futur ?

Ca dépend… Si tu considères la plupart des groupes du moment comme de vrais groupes, alors je dois dire qu’on n’est pas du tout un vrai groupe… Angrenost ne va pas chercher son inspiration dans des inepties vides de sens, donc je pense que j’ai déjà répondu à ta question… Si c’est pour créer des conneries prétentieuses, autant ne rien faire du tout, ceci dit, chacun se connaît lui-même. Je ne peux créer quelque chose de sincère que si je ressens un besoin intense et profond au fond de moi, sinon, je ne peux pas créer ni forcer la création, c’est ce que je suis, point. Rien ne pourrait m’être plus égal que le futur du groupe, j’essaye de vivre dans le présent, en ce moment, je suis en plein processus d’écriture des textes du nouvel enregistrement qui, je l’espère, n’aura rien à voir avec Planet Muscaria. Nous ne faisons pas partie de tout ce cirque et nous n’en avons aucune envie, merci bien.

3) Pursan, j’imagine que durant les 15 années qui séparent Evil de Planet Muscaria, tu as dû enregistrer, même de manière sporadique, quelques pistes musicales qui devaient obnubiler ton esprit dérangé. Comptes-tu exploiter ce matériel pour de futurs enregistrements ou le nouveau Angrenost souhaite-il repartir sur une base musicale totalement nouvelle?
De fait, avez-vous déjà du matériel de prêt pour un éventuel prochain album, et si oui doit-on s’attendre à une suite logique de Planet Muscaria, ou à quelque chose de différent ?

Le matériel enregistré durant ces années a donné forme à Planet Muscaria. Les vieux trucs ne servent plus à rien. Je pense que chaque album doit peser indépendamment et comme une entité à part entière. Actuellement, on est en train de rassembler les fragments du prochain album qui devrait prendre vie de lui-même dans un futur proche… Une flamme différente, des cendres différentes, sinon, ce serait absurde.



Non, vous ne devez pas du tout attendre une suite logique de Planet Muscaria. On est en train d ‘écrire du nouveau matériel sur une base totalement différente. Pour le prochain disque, je serais plus focalisé sur les textes et le concept, et uniquement là-dessus. La composition de Planet Muscaria était basée sur les synthés et les sons électroniques, musicalement parlant, le prochain album sera bâti sur les guita
interview Angrenost (POR)res, donc d’une manière générale, c’est Enobólico qui sera le compositeur principal. Nous pensons même utiliser une vraie batterie donc on verra ce que ça donne. Ne vous attendez à rien de similaire à Planet Muscaria, attendez-vous à quelque chose de bien plus primitif, cru et organique.



4) Angrenost est-il ta propre conception de la musique, ton terrain d’expérimentations personnel, en es-tu le seul et unique compositeur, ou bien tes compagnons d’armes ont-ils également un droit de cité sur la composition de la musique ?


Sur Planet Muscaria, c’est moi qui ai créé presque tout, mais je ne suis pas en train de dire qu’ils n’ont pas joué un grand rôle dans cet album, au contraire, sans les trois lignes formant ce même triangle, Planet Muscaria aurait été impossible à réaliser. Ce que je veux dire, c’est simplement que la structure de base des chansons était écrite longtemps avant que je ne rencontre Erdsaf et Enobólico, quand ils ont rejoint le groupe, j’avais déjà une image très précise de comment l’album devait sonner. Pour des raisons évidentes, j’ai été très inquisiteur durant tout le processus mais tous deux savaient depuis le début à quoi s’attendre de moi et de l’élaboration de Muscaria. Pour le prochain album, chacun de nous jouera un rôle égal dans le processus de création.



5) Vois-tu plutôt la musique et l’art en général, comme une sorte de catharsis, un filtre salvateur te permettant d’évacuer tes haines et tes frustrations pour arriver à un certain équilibre mental ou au contraire, considères-tu Angrenost comme un moyen de véhiculer ta haine, de corrompre et d’aliéner le plus de personnes possibles à ta propre souffrance ?
Que cherches-tu à partager ou à détruire avec Planet Muscaria ?

Le monde n’a pas besoin que je le corrompe davantage, il se corrompt de lui-même. L’espèce humaine en est une parfaite métaphore… Une entité géante dépendante de l’auto flagellation sans s’en rendre compte, et sans même en avoir la moindre notion. Pour moi, la musique est quelque chose d’égoïste, et je l’utilise comme un outil à des fins personnelles qui ne regardent que moi. Si la catharsis est un moyen de se purifier, alors oui, je peux dire que parfois, ce genre de choses arrive durant le processus de création, néanmoins je n’écris que parce que je ressens le besoin de le faire de façon viscérale… Ce que les gens ressentent en écoutant notre musique n’est pas une variable de l’équation Angrenost, au contraire, nous essayons, tant en tant qu’artistes qu’en tant qu’individus, de rester le plus distants possibles de ce genre de conneries. Une chose dont je suis sûr, c’est que la haine est le principal composant du black metal et restera toujours, du moins pour moi, sa véritable base et sa véritable essence.



6) Planet Muscaria est un album particulièrement intense qui se vit plus qu’il ne s’écoute. Au fur et à mesure des pistes, les sensations abondent, et les images défilent devant nos yeux. Peux-tu nous parler du processus de composition de l’album ? Dans quel état d’esprit as-tu crée ces pièces musicales, et comment es-tu parvenu à retranscrire de façon aussi touchante et juste les sensations qui hantaient ton corps et ton esprit?
Ce sujet est tellement vaste et complexe qu’il est difficile de te donner une réponse directe. Quand quelque chose est détruit, en fait, tu ne fais que donner naissance à quelque chose de nouveau ou sous une autre forme… Donc en fait, il est impossible de détruire, on ne peut que transformer. A travers mes propres expériences, je suis parvenu à côtoyer certaines dimensions vraiment étranges et incompréhensibles de l’existence, dans lesquelles la logique ne joue aucun rôle important. Planet Muscaria est juste un processus empirique de métamorphose de soi par le chaos, un processus intérieur où l’être humain lutte pour échapper à l’enfer fractal et à ses démons aux millions de formes, je ne parle pas de manière métaphorique mais d’une réelle expérience personnelle. La métamorphose la plus longue se passe en enfer sans mourir ni succomber aux démons, et la métamorphose la plus forte et la plus sage se fait après avoir transcendé les feux éthérés de Satan. Ce combat cathartique est féroce, mais le seul qui perd, c’est celui qui abandonne le combat.



Musicalement, je pense que Planet Muscaria est très en avance sur son temps alors que son noyau principal sonne comme du black metal du début des années 90, une époque où les artistes avaient vraiment quelque chose à dire… pas comme dans notre triste époque où les groupes veulent juste faire partie d’une mouvance ou bien sonner comme ci ou comme ça. Planet Muscaria est baigné d’une aura extra-terrestre, principalement parce que, dans son essence, il représente la traduction ou la matérialisation de visions abstraites expérimentées durant ces années d’enfer personnel et absolu. Ces mondes que j’essaye de décrire étaient totalement extra-terrestres et abstraits pour moi, il en a donc résulté un son très intense, très psychédélique même… Toutes les chansons ont été composées durant ou après des événements extrêmes, dans un état d’esprit totalement tordu dans lequel je ressentais un besoin viscéral de décrire et de comprendre toutes ces dimensions abstraites qui s’étendaient à l’intérieur et en dehors de mon être hanté. Dans la musique d’Angrenost, je parle de psychoses, de suicide, de voix extrate
interview Angrenost (POR)rrestres, de misère, d’addiction, de mort, etc, et si l’on ressent de la sincérité dans notre musique, c’est simplement parce que c’est ce que Planet Muscaria est vraiment… foutrement réel et authentique. Il y a une grande différence entre van Gog et Dali, au niveau de la technique, ce sont deux génies, mais ils sont très éloignés en ce qui concerne la pureté de leur inspiration et l’intégrité de leur œuvre. Dans Planet Muscaria, on s’est contentés d’être vrais et honnêtes envers nous-mêmes et de laisser de côté toute la merde et les conneries.



Dans quelles conditions particulières conseillerais-tu d’appréhender Planet Muscaria pour l’apprécier au mieux et en profiter un maximum?
Hum, je ne le conseille à personne, mais il faut être dans un état second, bien sûr, seul dans un environnement sombre et hostile. Quelqu’un d’équilibré qui n’a jamais expérimenté un mode de vie aussi extrême ne pourra considérer Planet Muscaria que d’un point de vue esthétique ou philosophique. Il n’y a que les personnes qui sont passées par un enfer absolu qui peuvent le comprendre, et je pense que même dans ce cas, elles ne pourraient le décrypter entièrement. C’est mon opinion, mais chacun se connaît lui-même.






8) L’ombre de combos comme Darkspace ou Spektr plane comme un spectre maudit sur la musique d’Angrenost. Cette influence est-elle consciente et assumée ? Outre tes expériences personnelles extrêmes, quelles sont les œuvres musicales et extramusicales qui t’ont influencé pour la création de cet album?

C’est une pure coïncidence… Lorsque j’ai créé les textes et les bases musicales essentielles de Planet Muscaria, j’imagine que ces groupes n’existaient même pas encore, en plus, en ce qui concerne le black metal, j’écoute principalement des trucs old school. Honnêtement, je ne vois même pas la similitude entre Angrenost et ces groupes. Peut-être que tu dis ça simplement parce que nous sommes des groupes respirant le même oxygène, mais c’est tout… J’imagine que les medias disent ça parce que comme pour Angrenost, ils sont très en avance sur leur temps, avec une essence spécifique. J’ai découvert ces deux groupes très récemment, mais je les respecte tous les deux totalement… Ils sont leurs propres maîtres.



9) Planet Muscaria flirte à plusieurs reprises avec un ambiant froid, spatial et angoissant. Pourrais-tu envisager de donner vie à un projet entièrement ambiant ? Le black metal et l’ambiant sont-ils deux parties indissociables de la personnalité schizophrène d’Angrenost ? Cette entité musicale suffit-elle à exprimer toutes tes émotions musicales et à explorer tous les univers sonores qui te tiennent à coeur ou bien l’éclosion d’un projet parallèle, plus axé sur le côté épique et ambiant de votre musique, est-il envisageable ?
Oui, en fait, Ersdaf et moi, on a démarré un nouveau projet appelé (O)ST, avec une approche s’éloignant totalement du black metal et explorant de nouveaux champs d’expérimentations, un mélange entre sons analogiques électroniques et évasions ethniques. Cela n’a rien à voir avec du black metal. On a l’intention de terminer l’album, qui devrait s’intituler « Mitochondrial Machine », d’ici la fin de l’année, et on verra ce qui arrivera par la suite. Dans Planet Muscaria, le black metal et l’ambiant étaient deux parties indivisibles d’une même entité, mais en ce qui concerne le prochain album d’Angrenost, on va se rapprocher de la source et des racines du black metal. Attendez-vous à un style de black bien plus primitif et organique, plus proche de ce qui se faisait au début des 90’s. Comme je l’ai dit auparavant, on fait ce qu’on a envie de faire, et à présent, comme je suis en train d ‘écrire sur des sujets plus occultes, un black metal primitif et cru est le moyen le plus approprié de retranscrire toute cette atmosphère.

La musique d’Angrenost étant extrêmement sensitive et visuelle, prévoyez-vous également de sortir d’autres supports pour renforcer l’expérience musicale qu’offre Planet Muscaria (un film, des vidéo- clips, des peintures, un livre…) ?
Personnellement, j’aimerais faire quelque chose, mais si c’est pour pondre une sombre merde qui ne rime à rien, autant ne rien faire du tout. On n’a ni le temps ni l’argent pour faire ça correctement, donc c’est totalement hors de question, du moins pour le moment. Je projette d’écrire un livre sur ma vie dans quelque temps mais ce sera probablement anonyme, donc ce ne sera pas directement lié à Planet Muscaria ou Angrenost. J’ai réalisé quelques peintures acryliques par le passé mais cela fait longtemps que je n’ai rien fait dans ce domaine… L’argent est le seul dieu commun que l’on se voit tous contraints d’adorer et Angrenost et moi-même ne faisons pas exception à la règle...

11) Quelques concerts sont-ils prévus pour faire la promotion de Planet Muscaria ?
Non.

12) Cette interview touche à sa fin, merci beaucoup pour tes réponses. Un dernier mot à dire aux lecteurs de Spirit of Metal et à tous ceux qui découvriraient Angrenost via cette interview ?
Merci pour l’interview et à Spirit of Metal pour l‘intérêt porté à Angrenost. Notre vie sur terre pue la merde mais c’est un sacré trip. QUE LA FOLIE CONTINUE A VOUS GUIDER JUSQU’AU BOUT!

interview réalisée par Icare

1 Commentaire

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godgrinding - 09 Novembre 2013: Merci pour cette interview ;)
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