Anathema (UK)

Rencontre avec Vincent Cavanagh dans les loges du Bataclan (Paris), juste avant le concert. C'est à un musicien en forme et franc à qui j'ai eu à faire, souvent souriant et assez rêveur par moment. Il ne se gêne pas pour dire ce qu'il pense du monde de la musique, du Death Metal, et … de mes questions quand il ne les aime pas !
Petite déception, je n'ai pas pu conclure cette interview, le régisseur est venu chercher Vincent avant la fin, et avant que je puisse lui demander un autographe … Le concert en revanche était au-delà de toute attente : puissant, majestueux, intense.

interview Anathema (UK)Vous êtes actuellement en tournée pour présenter Distant Satellites à vos fans, comment ça se passe ?

J'apprécie beaucoup, les nouveaux morceaux sont très bien accueillis, et je pense même que c'est plus agréable pour nous de les jouer sur scène que pour enregistrer l'album. C'est toujours positifs d'avoir de bons résultats comme maintenant, mais avec l'expérience on sait que ça ne se passe pas toujours comme ça. C'est ça qui est bien avec le fait de jouer sur scène, on peut jouer sans avoir aucune "stigmate" de son esprit. Il n'y a pas d'énergie négative, juste les chansons elles-même. Et dans certains cas on peut même changer un peu les morceaux, comme pour The LOST Song Part 3, que nous avons retravaillé. La deuxième moitié est complètement différente maintenant. C'est marrant qu'une chanson même quand elle est enregistrée peut ne pas être vraiment finie (rires). Oui c'est quelque chose de bizarre de jouer devant les fans une chanson un peu différente de celle à laquelle ils s'attendent !



À propos du nouvel album Distant Satellites, qu'en penses-tu comparé à Weather Systems ?

C'est vraiment une question pourrie ! Désolé mec ! (rires). Je ne les compare pas, chaque album a son identité propre.

C'est complètement différent ?

Je ne sais pas, c'est vraiment un pas de plus en avant dans l'évolution du groupe, mais je ne les compare pas du tout. Je ne vois pas pourquoi je devrais les comparer, chaque album est un peu comme un snapshot d'où on était à tel moment. Nous ne faisons pas de nouveaux albums pour monter de niveau ou pour battre tous les autres. Peut-être que secrètement oui en fait, quelque part dans notre subconscient, que l'on ignore. Musicalement je peux peut-être les comparer, je peux dire que Distant Satellites est plus sombre que Weather Systems.

Il y a une évolution alors ? Vous avez un but ?
Absolument. C'est évident qu'il y a une évolution. Je pense que nous avons un but, oui. Je suppose qu'une partie du but est en cours d'acquisition. Lors du processus créatif d'écriture de nouveaux morceaux, il faut … il faut s'ouvrir à cette part de soi qui ne pense pas à ce qu'on le fait à ce moment. Tu vois ce que je veux dire ? On est comme un écrivain, si on ne pense pas à ce que l'on écrit au moment même ou à ce qu'on veut écrire, on laisse notre esprit composer les Structures lui-même, c'est très confortable. Si on laisse notre esprit vagabonder de temps en temps, on se déconnecte, on ne sait pas combien de temps est passé à écrire, et quand on revient on se dit "merde mais c'est bon ça !". Et c'est un peu comme ça faire de la musique, le but est vraiment d'autoriser la musique elle-même à nous dire ce qu'elle doit être. On a une vision dans l'esprit de ce que ça doit être, la production, le groupe entier est dans la tête, et on doit être ouvert pour laisser tout ça bouger et s'imbriquer. Et quand on finit une chanson, un album, si on a laissé les choses comme elles devaient l'être, la manière dont elles devaient être, là on a réussit.



Vos plus récents albums sont mixés ou partiellement mixés par Steven Wilson, que penses-tu de cette collaboration ?
Christer-André Cederberg est celui qui a mixé notre dernier album, qui s'en est occupé, Steven Wilson n'a mixé que deux chansons. Il travail bien, on avait besoin de quelqu'un pour finir le mix et il l'a fait correctement, Christer était malade, il était à l'hôpital, donc on a dû chercher à le remplacer. Tout le monde parle de Steven Wilson parce qu'il est connu, mais c'est stupide, parce que c'est Christer qui a fait le boulot sur les derniers albums.

Vous préférez le travail de Christer ?
Ce que je préfère ne compte pas. Christer a mixé Weather Systems, il a mixé Distant Satellites à part deux chansons. C'est aussi lui qui a mixé Universal, et c'était énormément de travail. Pour We're Here Because We're Here nous l'avons écrit, produit, enregistré nous-même, et enfin Steven Wilson est venu et l'a mixé. C'est tout ce que nous avons fait, nous n'avons finalement pas beaucoup travaillé ensemble. C'est juste parce qu'il est connu, c'est n'importe quoi. La production est un travail de précision, qui couvre l'intégralité du processus de création. Parfois on peut avoir un morceau qui est déjà bien mixé de base, et là c'est très facile ; et on a aussi des morceaux très difficiles à mixer et c'est là qu'on a besoin d'un bon producteur. Tu sais nous savons tout de l'enregistrement, du mixage, ça fait vingt ans qu'on est en studio, j'étais déjà dans un studio quand j'avais dix-sept ans, donc je comprends comment se passe la production. On est un peu … autarcique. On pourra faire du bon boulot avec Christer, et on pourra faire du bon boulot avec Steven. Parce que nous leur faisons confiance, c'est la plus forte relation que l'on peut avoir avec les gens avec qui on travail, c'est avec le cœur. Les maisons de disques, le management, et tout ces gens-là ne deviennent pas proches, per
interview Anathema (UK)sonne ne devient proche à part le producteur, c'est pourquoi on doit lui faire confiance.



Dans le livret de We're Here Because We're Here il y a des photos prises par Jamie. Qu'est-ce qu'elles signifient ?
Ces photos ont été prises où nous avons grandi, à Liverpool. Ces sont des souvenirs particuliers, des endroits significatifs, où nous avons passé du temps pendant l'été, où nous avons été à l'école, où nous avons pris des décisions qui ont changé notre vie, les rues où nous avons grandi, les rues où nous jouions au football … Un cimetière, les portes de l'école, une plage où nous promenions le chien, écoutions la musique … Ce sont des morceaux de notre enfance. We're Here Because We're Here parlait essentiellement du groupe, cette espèce d'attachement puissant, comme deux familles vivant ensembles.



C'est un peu de la nostalgie ?
Oui, c'est ça un peu. Il y a une telle force, une telle résistance, une détermination entre nous, et c'est nécessaire pour continuer à grandir ensemble, ça fait tellement longtemps que nous sommes ensembles. C'est vraiment avoir une vie commune, c'est plus qu'un mariage, et c'est plus qu'une famille. C'est un peu un mélange des deux, comme si on était marié à notre famille et qu'on travaillait avec eux au même moment. On n'est jamais loin d'eux, et ils sont tous de ma famille, John et Lee aussi, même s'ils ont leur propre famille aussi.

Pour votre tournée actuelle, c'est Mother's Cake qui fait les premières parties ; qu'en penses-tu, comment les avez-vous choisis ?
Ce sont des gars super, vraiment. Ils nous ont été suggérés par quelqu'un en Autriche, vu qu'ils sont autrichiens. C'est très facile de bien s'entendre avec eux, ils sont toujours heureux, ce sont de très bons musiciens. C'est du rock, mais ils ont une âme propre, un peu funky, ils sont très talentueux. Ils ont une personnalité et c'est putain de bon ! C'est la première fois que l'on partage un bus avec d'autres, d'habitude on ne partage pas le bus avec les autres groupes parce qu'on a pas assez d'espace. On a besoin d'espace quand on part pour deux ou trois mois en bus, mais là c'est très agréable de voyager avec eux parce que ce sont des gars très sympathiques.

Vers la fin de votre tournée vous aller jouer dans des endroits un peu spéciaux, peux-tu nous en dire plus là-dessus ?
Oui, l'année prochaine nous allons jouer une série de concerts, dans de très vieilles cathédrales au Royaume-Uni. Je pense que ce sera une première pour un groupe de rock, je ne pense pas que ça a déjà été fait avant, je ne sais pas, je devrais vérifier (rires). Nous avons déjà joué à la cathédrale de Gloucester, certains groupes ont déjà joué dans des endroits comme ça, mais une tournée de cathédrales en tant que groupe de rock, je ne pense pas que ça ait déjà été fait (rires). Et nous finissons à Liverpool !



C'est symbolique !

Oui c'est tout-à-fait symbolique ! Quand j'étais enfant j'étais très impressionné par la taille de l'endroit, c'est énorme, géant ! C'est une des plus grandes cathédrales de toute l'Europe ! C'est aussi une sorte de reconnaissance pour Liverpool, parce qu'il y a beaucoup de personnes présentes sur la scène musicales à Liverpool et ils nous connaissent. Et cette scène est importante grâce aux Beatles, mais reste un peu fermée sur elle-même. Il y a beaucoup de concerts, mais les groupes voyagent très peu, ils ne sortent pas de Liverpool. Il y a seulement que quelques groupes qui ont percé et sont allés sur la scène internationale, et nous sommes l'un d'eux. Nous sommes des outsiders, nous avons toujours été des outsiders, et maintenant jouer dans la cathédrale de Liverpool, c'est un peu … spécial. Parce que personne ne fait ça, personne n'y a jamais pensé. Il y a juste les chœurs de l'église, c'est tout.



Et ensuite à la fin de l'année prochaine vous faîtes partie de la croisière Cruise to the Edge.

C'est génial ! Nous avons été invités au Progressive Nations at Sea, c'était incroyable, c'était une tournée magique. J'ai beaucoup apprécié de rencontrer plein de gens, comme Kings X, et puis le bateau génial. Je n'avais jamais fais ça dans ma vie auparavant, je n'avais jamais été à Miami, je n'avais jamais été au Bahamas avant, jamais (rires) ! Et d'y aller deux fois ? Putain oui !



C'est un peu comme des vacances ?
Oui c'est un peu comme des vacances, mais il y a toujours plein de choses à faire, mais c'est cool. De toute manière on apprécie de jouer n'importe où, ça ne nous dérange pas. Mais là, jouer et être en vacances, c'est putain de bien !



Complètement autre chose … Au mois de septembre vous avez reçu un Prog Rock Award, vous vous y attendiez ?
Alors c'était marrant, le gars qui devait annoncer les récompenses nous avait dit "Bon ok, je vais essayer d'annoncer ça corre
interview Anathema (UK)ctement" parce que comment tu dirais : "Donc le vainqueur du meilleur hymne est … Anathema avec Anathema !" (rires) ? C'est super bien sûr d'avoir reçu cette récompense, on était sûr qu'avec cette chanson se serait un hymne du groupe pour les prochaines années, que les gens la reconnaîtrais directement comme une chanson d'Anathema. C'est un archétype de la chanson d'Anathema. Sinon l'award lui-même … J'aime beaucoup les gars de Prog Rock Magazine, ce sont des gens que je connais bien depuis longtemps, mais le fait d'être récompensé pour de la musique ne m'intéresse pas vraiment. C'est plus important de jouer et composer, de faire des albums, les awards on s'en fout, ça ne changera rien. Qu'il soit récompensé ou non, ça ne changera pas si les gens apprécient l'album, c'est un peu égoïste en fait. C'est la seule manière de survivre en tant que personne créative. Il ne faut pas composer de la musique qui vient de notre cœur pour les autres, il faut que ce soit personnel. Si on essaye de satisfaire les attentes des gens, on ne peut pas savoir, peut-être que leurs attentes vont changer et là tout va plus car en plus ce n'est pas quelque chose qui nous plaît particulièrement. Si on créé quelque chose qu'on sent que l'on doit faire, que l'on a besoin de créer, ce que les autres pensent ne compte plus, ils n'ont pas de droit dessus. S'ils aiment ou pas c'est un peu "Ok, cool.". C'est ça le but en fait, c'est de faire quelque chose que l'on ne va pas changer … la perfection n'existe pas, mais il y a un état d'esprit, on peut appeler ça de la satisfaction, où plus rien d'autre ne compte, c'est ça le but.

Vous êtes donc un des groupes les plus importants de votre maison de disque, KScope, et que penses-tu des autres groupes de ce label ?

Oui il y a plein de bons groupes. J'aime The Engineers, North Atlantic Oscillation, le dernier Gazpacho était très bon, Ulver est un très bon groupe, et Steven bien sûr. Il y a plein de groupes intéressants qui arrivent par KScope, c'est cool de faire partie de cette famille. C'est très intéressants tous ces groupes qui font ce dont ils ont envie sans aucun compromis, sans aucune influence de la part du label. Ils présentent leur travail fini au label, qui leur dit "Ok, on va le sortir" sans rien d'autres. Ils n'ont pas à dire aux groupes ce qu'ils doivent faire, ce qu'ils doivent jouer et toutes ces conneries. Ils laissent juste les groupes créer eux-mêmes et c'est très bien.

Sur scène vous ne jouez pratiquement pas de morceaux de votre première période, tu ne le regrette pas ? Tu ne voudrais pas en jouer plus souvent ?
Oui j'aimerais bien, et le reste du groupe aussi. Mais on a une limite de temps pour jouer, nous avons dix albums maintenant, on ne peut pas tout jouer. Nous voulons vraiment que les concerts soient une expérience à part ; on a une telle variété de morceau, on ne peut pas passer par exemple de The Lost Song Part 3 à Dying Wish puis à Lost Control et Untouchable Part 1, ça n'a pas de sens. Ce qu'on devrait faire c'est jouer des séries spécifiques de concerts pour les différentes périodes du groupe. Mais tu vois, aujourd'hui on est à Paris, on a un nouvel album, donc on va jouer sept ou huit chansons de cet album, c'est ce qu'on doit faire. On pourrait dire une fois "ok, cette fois on va jouer différemment, on va jouer un set différent, dans des endroits différents, avec les premiers albums". On pense aussi souvent, et ça vaut pour tous les groupes qui évoluent, qu'on n'aime pas ce qu'on a fait au début : c'est des conneries. C'est juste parce qu'on grandit, qu'on a envie d'essayer d'autres choses. J'ai parlé avant de notre philosophie d'écriture et c'est ça qui n'a pas changé, finalement nous ne sommes devenus que plus honnêtes et plus autarciques. Quand on avait 16, 17 ans on avait des envies très précises, il fallait qu'on joue avec des guitares très lourdes, une grosse batterie parce que c'est ce qu'on veut à cet age. Mais quand on se rend compte qu'on peut créer de l'intensité sans avoir recours à tout ce gros son, c'est normal qu'on évolue, et c'est comme ça que Pink Floyd joue Don't Leave Me Now. Il y a de la tension dans cette chanson, et si on compare ça à n'importe quel morceau de Death Metal, c'est Pink Floyd le plus intense. Quel est le plus intense entre Cannibal Corpse et Cedric Bixler Zavala de At the Drive-In et The Mars Volta ? Quel est le plus intense entre Björk et Deicide ? C'est Mars Volta, c'est Björk, parce que c'est plus pur, c'est plus honnête. Vous pouvez aimer Deicide aussi, c'est votre plaisir, votre droit, beaucoup de gens aiment ça, mais je ne vois pas du tout en quoi ce serait plus intense.



En 1998 vous avez sorti Alternative 4 qui est considéré comme un chef d’œuvre (ndlr : Vincent sourit et lève les yeux au ciel), A Natural Disaster aussi est vu comme un chef d’œuvre, et pareil pour Weather Systems. Ce n'est pas ennuyant ?
Ça dépend vraiment de ce que tu penses (rires), chacun a ses chef d’œuvre préférés, vous pouvez penser ce que vous voulez, moi ça me va (rires). Chacun a sa propre opinion, et pense ce qu'il veut, ça ne me gêne pas !


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interview réalisée par LeLoupArctique

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LeLoupArctique - 11 Décembre 2014: Je relis cette interview, et je rigole bien en lisant l'avant-dernière question, car Anathema vient tout juste d'annoncer une petite tournée pour jouer uniquement Resonance, et ils passent à Paris ! En tout cas, c'est une drôle de coïncidence !
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