Le travail. L’abnégation. Toujours se remettre en question, bosser et tenter d’aller plus haut. Tout ceci semble paraitre logique dans l’évolution d’un artiste aujourd’hui mais ils sont pourtant nombreux à croire que cela va finir par tomber du ciel, que le succès finira bien par arriver, qu’ils ne comprennent pas pourquoi ça ne fonctionne pas.
Trepalium est tout l’inverse.
Mené par Harun Demiraslan depuis presque quinze ans (et oui !), le groupe a connu certes une forte évolution mais la découverte d’un nouveau disque aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle des précédents disques. On sent un groupe devenu extrêmement mature, un combo ayant énormément travaillé son style, son identité et son imagerie et surtout n’ayant jamais fait de concession sur sa personnalité si atypique pour tenter de plaire à un public plus large ou de forcer les sirènes commerciales plus rapidement que prévu.
"H.N.P" était déjà un véritable tournant, plus sombre et chaotique que les précédents travaux des poitevins…mais "Voodoo
Moonshine" risque de surprendre à plus d’un titre.
C’est assez rare de ressentir ceci à l’écoute de nouveaux titres, mais cette sensation que l’on tient enfin le « vrai »
Trepalium est palpable, que le groupe est enfin arrivé à complète maturité, que son concept est définitivement parfait et que leur musique se reconnait désormais dès les premiers instants impressionne. Ayant souhaité placer leur nouvelle imagerie dans les années 30 que ce soit pour les costumes ou l’ambiance qui évoque les atmosphères enfumées des clubs de jazz, les poitevins ont surement eu l’idée du siècle et à la découverte de cet ep, on en vient même à se demander pourquoi
Trepalium n’avait pas fait ça depuis déjà un paquet d’années. Car écouter "Voodoo
Moonshine", c’est un peu comme plonger dans ce qu’aurait pu être le metal s’il avait été joué par des jazzman il y a 80 ans, c’est une transformation de l’agression actuelle avec un aspect retro succulent, un groove immense et une envie de taper du pied qui dépasse allègrement les précédents travaux du groupe, où on pouvait parfois trouver que les musiciens en faisait trop de sens. Ici, cela tombe simplement de naturel…
Le titre track, magnifiquement illustré par un clip, en est le meilleur exemple. Une introduction au piano de quelques instants, l’intervention de cuivres qui apportent un charme et une authenticité folle, un riff où l’on reconnait la patte d’Harun dès les premiers instants, une rythmique groovy à se damner…et l’explosion des progrès affichés par Cédric au chant ! On retrouve évidemment son timbre bien distinct, mais ses placements vocaux, l’effort réalisé sur la diction et sur l’énergie déployée est énorme, tel un véritable showman incantatoire et diabolique. Ce décalage avec le reste du groupe est d’ailleurs la grande force de cette nouvelle imagerie, « KK » s’affichant comme l’incarnation rituelle de la violence du groupe, offrant une véritable force à son personnage. Le break susurré est en soi une petite merveille de montée en puissance qui déchire tout en live. "Damballa's Voodoo Doll" va même plus loin, évoquant même
Diablo Swing Orchestra dans sa folie jazzy. Les cuivres y ont une nouvelle fois une grande importance, et apportent une richesse sonore supplémentaire à
Trepalium. Rarement tout avait semblé si bien ficelé, comme si chaque élément avait été murement réfléchi pour offrir un exemple de cohérence.
"Guédé Juice" nous ramène en territoire plus commun, plus lourd et typique, mais avec toujours cette aura sombre supplémentaire, cet aspect possédé et mystique (vaudou, disons-le ! On s’imagine tellement trituré des poupées à l’écoute de l’album que ça en devient malsain !) et la présence d’un solo simplement magnifique et renvoyant très loin les shreddeurs ne pensant que par la technique démonstrative. A l’inverse, "
Fire on
Skin" respire une certaine mélancolie, une vision plus parcheminée et ancienne, sorte de transition entre l’ancien et le nouveau
Trepalium. Il faut également noter l’importance de la production, simplement parfaite de puissance, de clarté, d’épaisseur sans jamais se perdre dans un son trop compressé ou moderne.
"Voodoo
Moonshine", même s’il n’est qu’un ep, est à ce jour un condensé des compositions les plus abouties du groupe, les plus représentatives de toute la route parcourue depuis "
Through the
Absurd".
Trepalium peut maintenant voir beaucoup plus haut, le travail paie désormais et le groupe est aujourd’hui au firmament de sa carrière, de son identité et de sa créativité. Et lorsqu’on se prend la mandale que représente le nouveau show en termes de décors (monstrueux), d’ambiance, d’aisance scénique et de puissance, tel un énorme poing en travers du visage, on se dit que le groupe peut désormais définitivement s’exporter et jouer partout. Ce n’est plus un groupe qui monte, un espoir ou un ovni original. Le
Trepalium nouveau est arrivé et c’est juste une véritable machine de guerre.
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