La fameuse arlésienne. Cette quête indéfinie ne semblant jamais prendre fin. Cette création qui ne parait jamais vouloir prendre vie, maintes fois repoussée et dont on en vient à douter de la possibilité d’exister.
Ce fut l’histoire du temps, de "
Time I", qui mit près de huit ans à voir la lumière du jour. Huit ans durant lesquels énormément de choses se sont passées, huit ans où le metal a évolué, où la musique a muté et où les prouesses techniques et musicales se sont multipliées. Huit ans où, pour
Wintersun, le temps s’est arrêté.
La déferlante qui accompagna le premier opus éponyme du groupe de Jari Mäenpää, transfuge d’
Ensiferum, fut telle que les esprits clairvoyants apercevaient déjà en
Wintersun le prochain grand groupe d’avenir, celui qui ferait les modes et dont les groupes s’inspireraient. Malheureusement, il n’en fut rien et ce premier album resta orphelin de longues années, le fameux "Time" étant à chaque fois repoussé, tant et si bien que certains en furent même à penser si l’album existait bien quelque part. Soucis techniques, construction d’un studio plus performant, ambition démesurée que Jari lui-même n’arrivait pas à canaliser, pertes de données…toutes les excuses furent bonnes pour, années après années, frustrer les fans en annonçant une éternelle date ultérieure.
Alors que plus personnes n’y croyait vraiment, "
Time I" est finalement sorti, avec un artwork différent de celui que l’on connaissait (et moins réussi, car plus proche de ce que l’on peut voir partout ailleurs, alors que la féérie de cet arbre de vie symbolique était très forte) et divisé en deux albums car Jari s’annonçait trop exténué pour continuer l’enregistrement de l’album. L’homme aurait-il vu plus gros que le ventre ? Pourquoi ne pas engager d’individus extérieurs dans ce cas ? C’est à ce moment que l’on aurait pu douter de l’objectivité du musicien sur son propre travail, lui qui déclarait que la scission avec le passé était très forte et qu’il n’écoutait désormais presque plus de metal, préférant se laisser aller à la contemplation de bandes originales de films.
Autant dire que "When Time Fades Away" met particulièrement dans cette ambiance, avec un long instrumental de quatre minutes, très inspiré par la culture nippone et proche de ce que Hans Zimmer a pu offrir sur la BO de "The Last
Samurai" dans les atmosphères. Inutile de penser à un projet comme
Kadenzza, le rendu sonore est complètement différent, tant cette introduction se veut onirique et magnifique, notamment sur l’explosion finale, où le metal apparait comme définitivement loin. "
Beyond the
Dark Sun" est à des années-lumières... les influences d’
Ensiferum,
Children of Bodom ou
Finntroll également. Lorsque Sons of
Winter and Stars arrive, c’est pour lancer un énorme pavé de treize minutes, multipliant les influences et les atmosphères, tant la composition pourrait même donner l’impression de se perdre elle-même dans sa complexité, l’ensemble s’enchainant sans soucis de cohérence (on peut discerner au moins trois titres distincts dans cet ensemble). Néanmoins, il faut avouer que techniquement, et artistiquement, la composition est un morceau de bravoure. Les riffs, véloces et tranchants, se cachent derrière un amas d’orchestrations et de chœurs qui explosent littéralement à la figure de l’auditeur. On comprend mieux pourquoi Jari tenait tellement à prendre son temps tant il y a de pistes différentes sur ce titre, sans oublier les nombreux soli et les parties de blast beat qui ne font que renforcer le caractère mouvant et vivant de la musique. Jari s’essaie à un chant beaucoup plus clair et audible, reléguant le caractère black de son timbre à une articulation plus prononcée, et de nombreux passages clairs qui ne sont pas sans rappelés la dualité et la complexité d’un certain
Devin Townsend. Difficile de faire le tour, avec des mots, de "Sons of
Winter and Stars" tellement elle est changeante, passant de passages progressifs à des ouvertures clairement folkloriques et guerrières ou encore des instants plus poétiques mis en exergue par les chœurs et les mélodies acoustiques (le travail réalisé à ce niveau est très dense).
Néanmoins, si l’on devait également pointer du doigt un élément de cet ensemble, ce serait bien la qualité de la production. Savoir que Jari a travaillé huit ans pour un tel résultat, qu’il a construit un studio et embauché plusieurs dizaines de personnes pour les chœurs...
"Time" aurait été proposé deux ans après "
Wintersun", il aurait probablement été accueilli comme le messie, un album plein de promesses et repoussant les limites. Mais en
2012, alors que
Nightwish, Septic
Flesh,
Fleshgod Apocalypse ou
Dimmu Borgir ont été tellement loin dans l’utilisation d’un orchestre symphonique et dans son intégration dans une musique metal, ce "
Time I" parait aujourd’hui bien fade et creux. Le son manque incroyablement de densité, les orchestrations ne parviennent pas à masquer leur caractère uniforme et synthétique (c’est assez flagrant sur les passages intenses, avec beaucoup de cuivres ou de percussions) et ne sonnent à aucun moment « gros » comme peuvent l’être les claques monumentales perpétués par un "The Great
Mass", "Imaginaerum" ou "Abrahadabra" (dans leur genre respectif). La forme ne parvient pas à suppléer le fond, la musique en devenait presque désuète car si le temps s’est arrêté pour
Wintersun, les auditeurs, eux, ont bien écouté l’évolution incroyable qui s’est opérée en huit ans sur le metal symphonique.
On pourrait également reprocher à cet album de vouloir puiser de la force un peu partout ailleurs, sans se créer de réelle personnalité. "
Time I" est un grand melting pot de tout ce qui se fait aujourd’hui mais, encore une fois,
Wintersun ne propose pas un album qui lui confère un son unique, une mélodie ou un riff où on se dirait instantanément « Ça, c’est
Wintersun ». "
Land of Snow and
Sorrow", avec son émotion débordante et sa vision bien plus mélancolique, se veut toutefois plus réussi car poignant mais on regrettera ce manque d’authenticité dans la production, empêchant d’être complètement embarqué dans l’aventure. Les chœurs sont très réussis, mais le clavier est tellement too much qu’un malaise se créé inéluctablement, comme celui d’avoir été trahi sur la marchandise. Ce sentiment atteint son summum sur "Time", étrangement moins bien mixé que les autres (on croirait qu’il a été à peine masterisé, c’est étonnant sur le premier hurlement de Jari, tant le son de caisse claire de Kai Hahto est creux). Le clavier est plus synthétique que jamais, les guitares sont complètement en retrait et on remarque véritablement à ce moment-là que l’effort a tellement été mis sur les orchestrations, que Jari et Teemu ne livrent pas de grande partie de guitares, restant très linéaires pendant quarante minutes, presque étouffés par le reste de la musique.
Certes, il est indéniable qu’un grand travail a été effectué, que cela a été épuisant pour Jari et
Wintersun mais on ne peut ressortir que frustré d’un telle écoute, à la production plus que passable vis-à-vis des sorties du genre, et à la personnalité bancale empilant plutôt les influences que les créant. Trop ambitieux, ou pas encore assez mûr, "
Time I" est comme un grand coup d’épée dans l’eau. Il est évident qu’il possède de grandes qualités, mais également trop de lacunes pour qu’on puisse le porter à ce point au pinacle et le nommer comme l’un des albums de l’année (sacre qui lui était pourtant prédestiné). Espérons que le groupe corrigera le tir sur la seconde partie, dont on ne connait toujours pas la date prévisionnelle de sortie.
Wintersun est capable de bien mieux, de beaucoup plus grand. Qu’ils en prennent conscience et, peut-être, arrivent à avoir un peu de recul sur leur œuvre pour en tirer la quintessence sans se perdre dans ses propres méandres. Réponse bientôt.
J'adore cet album. Du très grand death Metal mélo-symphonique puissant et majesteux qui nous fait voyager dans le temps et le froid stellaires.
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