Patience est mère de sûreté, dit-on... Un adage suivi à la lettre par le quintet espagnol ! En effet, si le combo ibérique sorti de terre voilà déjà 14 ans n'a sorti jusqu'alors que quatre albums, espacés de quatre longues années chacun («
Sky Ashes », en 2011, suivi de «
Odyssey to Reflexion, en 2015, auquel succéderont «
Unity », en 2019, et enfin «
Tides of Insanity », en 2023), ceux-ci ne bénéficient pas moins d'une production d'ensemble de bonne facture et de sérieux atouts techniques et mélodiques. Forte de ce solide background studio, peu à peu l'araignée tisse sa toile. A l'aune des 54 généreuses minutes de son quatrième opus, signé, tout comme son aîné chez le discret label espagnol On
Fire Records, le collectif sud-européen pourrait-il dès lors asseoir plus encore sa position de valeur confirmée de ce si concurrentiel registre metal ? Quels seraient alors ses arguments pour espérer offrir une farouche résistance face à ses si nombreux opposants, dont quelques jeunes loups aux dents longues ?
Dans ce dessein, un sérieux lifting s'est opéré au sein de l'équipage. Auprès du guitariste/batteur Charly Carretón (
Savage Messiah), maître d'oeuvre du projet, se conjuguent désormais les talents de :
Elizabeth Amoedo (Unliving
Sin, Selenia), en remplacement d' Irene Villegas, en qualité de frontwoman ; Unai Iglesias (Dravernue,
Hiverland, ex-
Mandragora Negra), en lieu et place de Sergio Culebras (Celtian), aux guitares ; Alejandro Fung (
Renegade) succédant à Raúl Plaza (Celtian), à la basse ; Francesco Antonelli (
Blood Of Us, Mägo De Oz) se substituant à Carlos Alcalde (Biosfear,
Savage Messiah) aux claviers. De cette fraîche mais déjà étroite collaboration émane un propos metal mélodico-symphonique gothique, cinématique et progressif, là encore, dans la lignée de
Diabulus In Musica,
Nightwish,
Xandria,
Amberian Dawn,
Delain et consorts. Enregistré, mixé et mastérisé par Charly Carretón, le méfait n'accuse que d'infimes sonorités résiduelles tout en offrant une belle profondeur de champ acoustique. De quoi nous intimer d'aller explorer plus en profondeur les entrailles du navire...
Comme à l'habitude, c'est sur une brève et cinématique entame instrumentale que s'ouvre le rideau. Laissant alors entrevoir des d'arrangements ''nightwishiens'', «
The Gathering » nous gratifie d'ondulantes rampes synthétiques doublées de choeurs samplés aux abois du plus bel effet. Une manière habile d'annoncer le déchaînement des éléments qui va s'ensuivre. Ce qu'atteste déjà son voisin de bobine, «
Providence », un ''xandrien'' up tempo aux riffs épais et aux puissants coups de boutoir ; recelant un refrain immersif à souhait mis en exergue par les célestes inflexions de la sirène ainsi qu'un fringant solo de guitare, lui-même relayé d'une basse aussi claquante que véloce, ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret. Dans la mouvance d'
Ancient Bards, s'illustre également le solaire up tempo au léger tapping «
The Tempest » ; surmonté d'une imposante muraille de choeurs alors venue prêter main forte à une princesse bien habitée, et glissant le long d'une radieuse rivière mélodique, l'opératique méfait trouvera assurément un débouché favorable auprès du chaland.
Lorsque le rythme de ses frappes se fait un poil moins vivace, le combo trouve à nouveau matière à encenser le tympan. Ainsi, dans la lignée de
Diabulus In Musica, le tubesque mid tempo «
Beyond the Deep » égraine ses couplets finement ciselés tout comme son fondant refrain mis en habits de lumière par les fluides impulsions de la soprano. Et ce n'est pas la saisissante triangulation claviers/guitare/basse sur un pont techniciste bien amené qui nous déboutera de cette pépite symphonico-cinématique, loin s'en faut. On pourra non moins s'orienter vers le ''nightwishien'' mid/up tempo «
Sweet Chants of Death » ; un romanesque effort mélodico-symphonique aux relents dark gothique, délivrant une forte charge émotionnelle eu égard à ses poignants arpèges d'accords et aux soyeuses oscillations de la belle.
Plus qu'il ne l'a consenti jusqu'alors, le collectif a fait la part belle aux pièces instrumentales. Bien lui en a pris.
Outre la laconique ouverture de circonstance, nos acolytes ont opportunément placé l'interlude « A Fateful
Illusion » dans leur tracklist ; une brève mais troublante offrande aux airs d'un générique d'une grande production hollywoodienne, où une cornemuse samplée s'insère dans un environnement organique des plus apaisants. On retiendra également le trépident mid/up tempo « Huntress of
Assyria » tant pour ses enchaînements intra piste ultra sécurisés et ses sémillantes rampes synthétiques que pour son fin legato à la lead guitare.
Que l'aficionado d'intimistes espaces se rassure, nos compères ne l'auront pas laissé pour compte, lui octroyant par là même leurs mots bleus les plus sensibles. Aussi, c'est d'un battement de cils que la petite larme perlera sur sa joue sous l'impact des enivrantes séries d'accords générées par «
Threnody ». Ballade romantique jusqu'au bout des ongles, cette tendre et ''delainienne'' aubade se voit mise en habits de soie par de délicates gammes échappées d'un piano mélancolique et par les hypnotiques volutes de la maîtresse de cérémonie. Et ce n'est pas le flamboyant solo de guitare à mi-piste qui nous fera quitter prématurément le navire, tant s'en faut.
Mais ce serait la dantesque pièce symphonico-progressive et opératique, «
Tides of Insanity », la pièce maîtresse de l'opus. Une pièce en cinq actes (I -
Cursed Lullaby, II - The Captain's Waltz, III - Worlds
Collide, IV - Bound to
Surrender, V - Mainland), à mi-chemin entre
Nightwish et
Amberian Dawn (première période), abondant en coups de théâtre. Par un délicat fondu enchaîné, on passe alors d'un bref instrumental symphonico-cinématique et progressif à une ballade d'une sensibilité à fleur de peau, pour déboucher sur un mid/up tempo enjoué, nous projetant alors dans l'ambiance galvanisante d'un cirque ambulant. La cadence se fait soudain plus vive, la basse résolument claquante, avant une reprise plus feutrée, elle-même happée par un pont techniciste de bon aloi, relevé par un saisissant solo de guitare. A nouveau, l'atmosphère s'apaise, une somptueuse ballade progressive, encensée par les enivrantes patines de la déesse et sous-tendue par un fuligineux solo de guitare, venant alors refermer la marche. Chapeau bas.
Au terme de notre périple, un doux sentiment de plénitude finit par nous gagner, le combo espagnol nous livrant un propos à la fois rayonnant, truculent, romanesque et d'une redoutable efficacité mélodique. Témoignant là encore d'une technicité instrumentale et vocale difficile à prendre en défaut, d'exercices de style variés et d'une ingénierie du son coulée dans le bronze, le pléthorique méfait ne lâchera pas sa proie d'un iota. Quelques prises de risques ainsi que d'inédites sonorités s'offrent également à nous ; des qualités susceptibles d'asseoir plus encore le collectif ibérique parmi les valeurs confirmées de ce si concurrentiel univers metal. Bref, une quatrième offensive ayant valeur de bâton de maréchal pour la formation espagnole...
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