Born of Osiris s’est rapidement imposé comme une formation à part sur une scène metal à la fois moderne et novatrice. Leur identité s’est d’abord forgée dans un registre progressif et technique porté par des structures complexes, des claviers omniprésents et une intensité rythmique qui les a rapprochés du deathcore progressif. Mais au fil des années, leur écriture a évolué : tout en conservant cette richesse instrumentale et cette recherche de contraste entre puissance et atmosphère, le groupe a progressivement intégré des éléments plus accessibles et plus ancrés dans le metalcore et a renforcé l’impact direct de leur musique sans sacrifier sa profondeur. Cette évolution, à la fois subtile et assumée, témoigne de leur capacité à durer et à se réinventer.
Plus de vingt ans après leurs débuts, le groupe s’affirme encore comme un acteur incontournable d’une scène où la longévité est loin d’être acquise.
Dans une discographie aussi fournie, certains jalons se détachent avec évidence. L’EP
The New Reign (2007) reste le véritable tremplin du collectif : bref mais percutant, il impose d’emblée leur signature faite de brutalité technique et d’arrangements électroniques singuliers et inscrit le quatuor comme une révélation de la scène metal moderne. Quatre ans plus tard, le combo atteint son sommet créatif avec
The Discovery (2011), un disque unanimement salué pour son équilibre parfait entre riffs acérés, structures progressives ambitieuses et orchestrations électroniques qui enrichissent sans jamais écraser l’ensemble. Cet album est encore aujourd’hui considéré comme leur apogée artistique, celui où leur vision musicale a trouvé sa pleine cohérence.
À l’inverse, certains opus marquent davantage une zone de flottement.
Tomorrow We Die ∆live (2013), sans être dénué de qualités, souffre d’une utilisation trop omniprésente des claviers qui tend parfois à étouffer la dynamique des compositions. Quant à
The Simulation (2019), il illustre une période de transition : nos artistes y cherchent un nouvel équilibre entre ses racines deathcore et une orientation plus marquée vers le metalcore mais l’ensemble manque d’homogénéité et présente des morceaux inégaux qui révèle une formation en quête de repositionnement.
Arrivés en 2025, nos Américains poursuivent leur route avec un nouvel opus du nom de
Through Shadows. Vingt ans de carrière, un statut solide dans la sphère du metal progressif et un héritage déjà marqué par des hauts et des bas… autant dire que l’attente autour de ce disque est forte. Reste désormais à savoir si le groupe va renouer avec l’inspiration flamboyante de ses meilleurs travaux ou s’il va prolonger ses errements plus récents.
Malheureusement, le verdict tombe assez rapidement puisque ce septième opus peine totalement à convaincre. S’il déçoit, c’est en grande partie à cause d’une production difficilement compréhensible. La batterie, au lieu de porter la dynamique comme elle l’a souvent fait dans le passé, sonne étrangement froide et mécanique, presque comme si elle avait été programmée ce qui lui ôte toute dimension organique et émotionnelle. Les guitares, quant à elles, peinent à se faire une place et se retrouvent régulièrement noyées sous des couches électroniques envahissantes, en particulier dans la première moitié de l’album. Le titre éponyme en est une illustration flagrante avec des riffs qui manquent de relief et totalement étouffés par des arrangements trop pesants. Dans une moindre mesure,
Elevate est trahit par cette même faiblesse, l’équilibre lors des refrains entre instruments et arrangements électroniques ne fonctionne pas et la puissance des guitares se retrouve reléguée à l’arrière-plan.
Un autre écueil majeur de cet ouvrage réside dans la redondance du riffing. Trop souvent, les morceaux semblent tourner en rond comme si les idées venaient à manquer. Cette impression accentue artificiellement la durée de certaines compositions qui paraissent plus longues qu’elles ne le sont en réalité. Des titres comme
Torchbearer ou
A Mind Short Circuiting illustrent bien cette tendance. Pourtant, le second titre n’est pas dépourvu d’atouts : sa mélodie entraînante et ses changements de tempo rappellent avec justesse l’esprit que le groupe affichait à l’époque de
The New Reign ou de
A Higher Place. Mais même dans ce cas, on ressent ce décalage entre des passages inspirés et une écriture globale qui peine à être chamboulée.
Malgré ses défauts, tout n’est pas à jeter sur cette nouvelle esquisse et quelques passages nous rappellent que nos musiciens peuvent se montrer plus inspirés. Les parties au chant clair, même si elles ne semblent pas encore pleinement maîtrisées, apportent un souffle nouveau et témoignent d’une volonté du groupe de rester à la fois accessible et émotionnellement touchante. Le titre Activated, avec la collaboration de Spencer Chamberlain (
Underoath), intègre au-delà d’une palette vocale claire un saxophone qui confère au morceau une atmosphère intimiste qui flirte avec des nuances jazzy.
On note aussi quelques chœurs qui sont malheureusement trop rares ainsi que de courtes sections où un chant féminin parvient à s’illustrer permettant de construire une dimension mystique à l’ensemble. Malgré diverses irrégularités cités précédemment,
A Mind Short Circuiting se distingue cette fois-ci positivement par ce choix de voix qui permet d’introduire un climat presque céleste au morceau. Cette liberté enrichit par ailleurs la palette sonore de l’album et offre un contraste intéressant avec les parties plus lourdes et agressives. Le groupe américain confirme qu’il peut encore surprendre et créer des bulles suspendues même sur un opus très moyen.
Through Shadows illustre un paradoxe propre à
Born of Osiris à savoir un groupe capable de moments d’inspiration évidents mais dont la cohérence et l’impact global peinent cette fois-ci à s’affirmer. Si l’album contient des passages réussis, ces instants ne suffisent pas à compenser les maladresses structurelles et de production qui l’affaiblissent. Entre répétitivité, équilibre brouillé entre guitares et synthétiseurs et percussions insensibles, tous ces éléments rappellent que le combo n'a toujours pas réussi à retrouver la fluidité et la force qui avaient fait sa renommée sur de précédents tableaux. Le collectif conserve donc encore son potentiel mais à ce rythme, l’absence de maîtrise et de clarté artistique pourrait finir par entamer durablement son prestige.
Merci de la chronique. Je n'avais pas du tout accroché l'année dernière au Motoc. Te lire fait que je ne vais pas insister sur leur cas.
Sur sa période récente, hormis Angel Or Alien qui est un album fort sympathique, le reste est clairement dispensable. Et à mon avis, avec le départ de Lee McKinney, le groupe va avoir du mal à se révéler de sa phase délicate. A voir si la formation me donne tort sur sa prochaine sortie.
C'est vraiment dommage car les premiers albums sont très bons avec une belle originalité et ils s'écoutent encore aujourd'hui très bien ...
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