Après un saisissant «
Lacus Somniorum », son premier album full length, le quintet lillois était attendu au tournant par sa fanbase. Conscient des enjeux et des risques courus à se lancer tête baissée dans la bataille, le combo s'est montré d'une extrême prudence dans sa démarche. Aussi, nous faudra-t-il patienter la bagatelle de trois longues années avant de le voir revenir dans les rangs, avec, sous le bras, un second opus de longue durée, répondant au nom de «
The Machine and the Beast » ; une rondelle signée chez Valkyrie
Rising, qui, comme sa devancière, affiche 56 minutes au compteur dans sa version cd (50 dans la version mp3, ici analysée). Ce faisant, sept ans suite à sa sortie de terre, le collectif détiendrait-il là l'arsenal requis pour espérer le compter parmi les valeurs confirmées du metal mélodique à chant féminin ?
Dans ce dessein, le line-up n'a subi qu'un léger remaniement. S'y trouvent alors réunis les talents de : Marie Perrier, en qualité de frontwoman, Maxime Renard, à la guitare et aux growls, Simon Lamarcq, à la basse, Robin Grabman (ex-
Dusk And Darkness), à la batterie, et, plus récemment, Laurent Feisthauer, aux claviers, le guitariste Alexis Godel ayant, quant à lui, quitté le navire. Avec le concours, pour l'occasion, du guitariste Giovanni Roseau. De cette étroite collaboration naît un propos metal mélodico-symphonique gothique aux relents heavy et doom, où des sources d'influence telles que
Nightwish,
Theatre Of Tragedy,
Therion,
Within Temptation,
Draconian,
Tristania et
Xandria continuent de cohabiter, la touche personnelle en prime.
Dans la lignée stylistique du précédent effort, cet opus laisse néanmoins entrevoir des compositions plus abouties techniquement, des lignes mélodiques travaillées en profondeur et un poil plus immersives qu'auparavant, ainsi qu'une finesse de plume et une thématiques encore inédites ; si son prédécesseur évoquait les différentes phases du sommeil, le présent méfait traite, lui, à la fois de l'obstination de l'homme à vouloir dominer la machine – l'objet même de sa décadence –, du rejet de l'animalité qui est en lui, et des pulsions antagonistes inhérentes à tout être humain et qui en fondent précisément sa complexité comme son inachèvement.
Par ailleurs, le groupe est resté tout aussi exigeant eu égard à sa production d'ensemble : enregistré au Noise
Factory Studio par l'ingénieur du son belge Gérald Jans (
Channel Zero,
Fading Bliss,
Skeptical Minds,
Heonia,
Steelover...), ce second album studio n'accuse que d'infimes sonorités résiduelles ; mixé par le claviériste français Eliott Tordo (
Mindwake,
Ossonor), et mastérisé au Sound' Up Studio par Thomas Jankowski, la galette équilibre lignes de chant et instrumentation à parités égales tout en jouissant d'une belle profondeur de champ acoustique. Une mise en musique rutilante nous incitant à suivre nos acolytes dans leurs pérégrinations...
Un album aussi complexe qu'empreint de subtilités nous est alors adressé, la troupe trouvant alors, et sans ambages, les clés pour nous aspirer dans la tourmente. A commencer par ses passages les plus offensifs, dont « Amphisbaena » ; relatant un serpent à deux têtes orientées dans des directions opposées, symbole même de cette double facette de l'homme, ce titre calque cette thématique sur sa dynamique propre. Ainsi, cet intrigant et ''tristanien'' manifeste pluralise ses phases rythmiques à l'envi tout en évoluant sur le schéma classique de la Belle et la Bête, les claires inflexions de la sirène faisant front aux growls ombrageux de son acolyte. Et la sauce prend, in fine. Dans cette mouvance, on retiendra également le pulsionnel et énigmatique « When
Giants Wake », qui, non sans nous renvoyer à un
Within Temptation des premiers émois, et au regard de sa saignante rythmique, poussera à un headbang bien senti. On ne saurait, enfin, éluder le ''tornadeux'' et ''nightwishien'' « The
Lord of
Cities », et ce, tant pour ses riffs en tirs en rafale et ses gimmicks guitaristiques et synthétiques que pour sa mélodicité toute de fines nuances vêtue et ses deux flamboyants soli de guitare en fin de parcours.
Quand l'atmosphère en vient à s'obscurcir un peu plus, comme ils nous y avaient déjà sensibilisés à l'aune du précédent effort, nos compères finissent là encore par avoir raison des plus tenaces de nos tentatives de résistance. Ainsi, empreint d'une coloration doom/dark gothique, et ce, dans la lignée d'un
Draconian des premiers émois, le ''gorgonesque'' mid tempo «
Monsters by Gaslight », de par ses tortueuses et néanmoins prégnantes séries de notes et d'un duo mixte en voix de contrastes bien habité, ne tardera pas à nous glacer les sangs. Et la magie opère, une fois de plus. Ambiance ténébreuse entretenue parallèlement sur le souffreteux et ''tristanien'' « Sang Noir » qui, tout en se plaisant à varier ses phases rythmiques, ne relâchera pas sa proie d'un iota.
Un poil moins incisifs, certains passages pourront à leur tour nous assigner à résidence. Ce que prouve « The Whale », mid/up tempo aux riffs corrosifs à mi-chemin entre
Therion et
Tristania, eu égard à ses enchaînements intra piste ultra sécurisés, aux célestes oscillations de la princesse et à la soudaineté des montées en régime de son corps orchestral. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans sa manche en réserve...
Quand il desserre la bride d'un cran supplémentaire, le collectif parvient non moins à nous retenir plus que de raison. Ce qu'atteste, tout d'abord, « Idle Riddles and Rhymes », aérien mid tempo symphonique gothique à la confluence de
Theatre Of Tragedy et de
Draconian. Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique, sur laquelle se greffent les cristallines volutes de la déesse, que vient opportunément rejoindre sa moitié, pourvu parallèlement de doux clapotis pianistiques et d'un fin legato à la lead guitare, l'instant privilégié ne se quittera qu'à regret. Un poil plus éthéré, « So the Song Went (
Silent o' Moyle) » se pose, lui, tel un low/mid tempo syncopé à la fois empreint de mystère et pétri d'élégance que n'auraient nullement renié
Therion ni
Tristania. Et comment ne pas se voir happé par l'infiltrant cheminement d'harmoniques que nous propose d'emprunter la ballade progressive « Fractalized » ? Un véritable voyage en d'oniriques contrées attend celui qui y plongera le pavillon.
A l'instar de son aîné, ce nouvel opus nous immerge au cœur d'un univers metal mélodique aussi intrigant qu'envoûtant ; sans temps morts ni frustrantes zones de remplissage, et jouissant de contrastes atmosphériques, rythmiques et vocaux lui conférant toutes ses lettres de noblesse, ce troublant manifeste poussera assurément le fan de la première heure comme le frais arrivant à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. Témoignant, en prime, de sentes mélodiques aujourd'hui plus impactantes qu'hier, ayant pour corolaire une technicité instrumentale éprouvée, cette proprette livraison fait gravir d'un échelon le projet du quintet lillois. Bref, un second méfait aussi ensorcelant qu'énigmatique, susceptible d'asseoir plus encore nos acolytes parmi les valeurs montantes du metal mélodique à chant féminin. Bref, un groupe à suivre de près, de très près...
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