Terre particulièrement fertile en formations metal symphonique à chant féminin, qui a vu naître il y a deux décennies déjà un certain
Nightwish, la Finlande enfante en 2013 d'un sextet aguerri, fondé par le compositeur et guitariste/vocaliste Harri Koskela (
Embassy Of Silence,
Thaurorod, ex-
Dotma, ex-
Star Insight). Dans ce dessein, ont également été sollicitées les compétences de : Anne Lill au chant ; Emily Leone au chant et au violon ; Miika Haavisto (Cluster C) aux guitares ; Aapo Lindberg (ex-
Dotma) à la basse et Joonas Pykälä-aho (
Amberian Dawn,
Azaghal,
Epicrenel, ex-
Dotma...) à la batterie. Une belle brochette de talents qui, selon votre humble serviteur, ne saurait rester dans l'ombre bien longtemps...
A une époque où les cadors du genre (
Epica,
Nightwish,
Delain,
Within Temptation,
Leaves' Eyes en tête) ne laissent qu'une infime marge de manœuvre aux nouveaux entrants pour se mouvoir, le pari est risqué pour quiconque vient marcher sur leurs terres. Toutefois, ce combo n'a tari ni d'opiniâtreté en studio, ni de patience pour asseoir le concept, ni d'inspiration compositionnelle pour caresser à son tour l'espoir d'encenser nos tympans alanguis. En effet, ce n'est que quatre ans plus tard que nos six acolytes ont accouché de cet introductif album full length répondant au nom de «
The Grey Realms » ; originale offrande sortie chez NoiseArt Records, où s'égrainent huit pistes sur un ruban auditif généreux de ses 54 envoûtantes minutes. Une galette qui jouit d'une qualité d'enregistrement de fort bon aloi, d'un mixage affûté, de finitions passées au peigne fin, ayant pour corollaire une saisissante profondeur de champ acoustique.
On se surprend à effeuiller un projet metal mélodico-symphonique, aux touches folk et prog, un brin cinématique, voire théâtral, empreint de romantisme et non dénué d'originalité. Ce faisant, nos inspirés créateurs sont à la confluence de sources d'inspiration telles que
Nightwish,
Lyriel,
Amberian Dawn,
Leaves' Eyes ou encore
Midnattsol. A la différence de moult de ses homologues, eu égard au concept de l'album, le collectif base son schéma oratoire sur une rare triangulation en voix claires entre les rocailleuses et néanmoins profondes impulsions d'Harri et les envolées lyriques d'Anne (parolière du groupe) et Emily. Divisé en trois chapitres, ce propos conte l'histoire de Lillian, une femme cherchant à s'abstraire des cruautés de ce monde pour accéder à de plus paradisiaques contrées ; histoire dont les trois vocalistes sont les protagonistes et chargés de lui donner corps et âme. Une aventure passionnante à explorer sans plus attendre...
Le collectif finlandais distribue avec une facilité déconcertante ces séries d'accords particulièrement infiltrantes et qui resteront longtemps gravées dans les mémoires. Et ce, sans avoir cédé aux chimères de la facilité et sachant diversifier ses effets pour maintenir constante l'attention du chaland. Ainsi, l'entraînant et un brin orientalisant «
Dark Skies », à mi-chemin entre
Leaves' Eyes et
Amberian Dawn (seconde mouture), se dote d'une ligne mélodique quasi imparable et d'une stupéfiante montée en puissance orchestrale couplée à une densification du corps vocal, par l'opportune intronisation de choeurs, à mi-morceau. On résistera tout aussi malaisément à l'impulsif et néanmoins frissonnant «
Silence Falls » au regard d'un duo féminin au faîte de son art. Sous-tendu par un riffing roulant, le grisant brûlot nous octroie un fondant refrain que n'auraient renié ni
Delain, ni
Therion. C'est dire...
Par moments, la cadence s'accélère d'un cran, le club des six trouvant une fois de plus les clés pour nous rallier à sa cause. D'une part, l'up tempo aux riffs oscillants « New
Horizon » se pose comme une enchanteresse piste folk symphonique dans le sillage conjoint de
Lyriel et
Leaves' Eyes, avec quelques relents d'
Embassy Of Silence. Sachant desserrer la bride pour repartir de plus belle, sous couvert d'un troublant duo féminin en voix lyriques, le morceau prend alors l'ascendant pour ne plus nous lâcher jusqu'au souffle ultime du manifeste. Et comment résister à la charge percussive du mordant et néanmoins mélodieux «
Road to
Styx » ? Ce tempétueux titre power symphonique, que n'aurait nullement renié
Ancient Bards, se pare en prime d'un sensible toucher d'archet ; ce dernier conférant une petite touche romanesque au beau milieu du déluge qui s'abat sur nous.
Par ailleurs, la troupe a opté pour les effets de contrastes atmosphériques et rythmiques, et force est de constater que, là encore, la magie opère. Ainsi, on sera prestement scotché par les vibes du nightwishien « Waltz of Lillian ». Calé sur des nappes synthétiques enveloppantes et tournoyantes accolées à une basse vrombissante, l'altier méfait se pare d'une dense chorale, renforçant d'autant une assise oratoire déjà seyante. Les accélérations rythmiques, tout comme le flamboyant solo de guitare, achèvent de nous convaincre de suivre l'acte qui se joue jusqu'à la note finale. Dans cette dynamique, on retiendra l'épique «
Revelation » tant pour ses fines variations atmosphériques, ses sonorités extraites de dame nature et ses délicats arpèges au piano, que pour sa parfaite coordination entre vocalistes. Un manifeste folk symphonique qui, assurément, laissera quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront goûté. Mais le spectacle n'est pas terminé...
Lorsqu'il s'aventure dans de longues tirades symphonico-progressives, le groupe témoigne d'un élan créatif dont pourraient s'inspirer bien de ses pairs patentés. C'est avec majesté que se déverse dans nos pavillons «
The Grey Realms », plantureuse fresque éponyme de l'opus dans la veine d'un
Leaves' Eyes estampé «
King of
Kings ». D'une mélodicité difficile à prendre en défaut, couplets et refrains s'infiltrent en nous sans crier gare, pour ne plus en ressortir. Ce ne sont ni le virevoltant violon, ni le tapping martelant, ni la muraille de choeurs coalisée à un trio bien habité, qui nous désarçonneront des quasi 13 minutes de cette magistrale et émouvante pièce en actes. Fait suffisamment rare ces derniers temps pour être souligné.
Enfin, pour preuve que nos compères ont cherché à sortir des sentiers battus, ils sont allés explorer quelques chemins harmoniques peu convenus, avec cette dose d'inspiration qu'il faut pour emporter l'adhésion, in fine. Ainsi, dans la lignée d'
Amberian Dawn, avec des relents de
Therion, l'offensif «
The Order » évolue sur une énigmatique sente mélodique, réservant au passage moult effets de surprise ; sculpturale offrande enjolivée par une triangulation vocale au diapason, apte à générer cette pointe d'émotion que l'on n'imaginait pas a priori. Chapeau bas.
De l'écoute de cette rondelle, on ressort conquis par le brio technique et surtout mélodique affiché par un sextet auquel on ne s'attendait pas nécessairement. Si l'on peut regretter l'absence d'instrumentaux et de ballades, la diversité atmosphérique, rythmique et vocale affichée compensera largement cette relative carence. De plus, une ingénierie du son particulièrement soignée et quelques prises de risque parfaitement assumées complètent un tableau richement orné, au sein duquel déambule un trio bien inspiré.
Plus encore, la touche folk, ici bien présente, confère à ce méfait symphonique ce petit supplément d'âme nous intimant d'aller remettre le couvert.
Racé, efficace et fort en émotions, ce message musical pourra trouver un débouché auprès d'un auditorat déjà sensibilisé aux travaux des maîtres inspirateurs du combo. Etat de fait susceptible de propulser rapidement nos six gladiateurs parmi les valeurs montantes du metal symphonique à chant féminin. Un premier coup de maître signé par la formation finlandaise.
J'ai été écouter un peu. Coup de maître je sais pas, ça réinvente pas grand chose, mais j'aime bien le côté assez "old-school" dans les sons de clavier et les arrangements vocaux. Ca rappelle pas mal de trucs genre le premier within temptation, orphanage, etc... Ca sonne très 90's, et dans cette période de sur-enchère dans le son moderne et clinique, et de clones d'Epica et Nightwish, ça fait du bien.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire