Si vous demandez ce à quoi pense un metalleux lorsqu'il entend le mot « feu », il est très possible qu'il l'associe à celui qui brûle les âmes torturées de l'enfer, ou encore à celui qui ravage les terres au cours des guerres ou autres combats épiques. Peu penseront spontanément à ce qu'il représente, une lumière dans la nuit, un espoir, comme un élan vital... ou simplement une envie. Eh bien, sachez que c'est pourtant celui qui nous rassemble aujourd'hui.
Mais ne nous emballons pas,
Avatarium reste un groupe de doom, et autant dire que l'espoir n'est pas vraiment leur fond de commerce. Toutefois, pour qui s'y attelle, il est possible d'en distinguer ici et là.
Mais commençons par le commencement. Le groupe suédois est une création originelle de Sieur Eidling, figure de proue du
Doom avec son groupe
Candlemass. Son acharnement à travailler au-delà de la raison l'amène à faire naître
Avatarium en 2013, et le premier album éponyme voit le jour la même année, avec une orientation musicale originale, alternant lourdeur du doom et mélodie du blues, notamment grâce à la prestation de sa chanteuse, Jennie-Ann Smith. La sauce prend immédiatement !
Bien qu'il n'ait pas enflammé les cœurs de la communauté metal, il s'est néanmoins fait remarquer par les aficionados du style et fans dévoués de son créateur, en témoignant déjà d'une identité propre et vraiment unique, qui ne peut se résumer à un
Candlemass 2.0. La première étincelle était née.
L'album lui ayant succédé avait alors permis à cette étincelle de devenir flamme deux ans plus tard avec l'ajout de certaines rythmiques plus heavy, alors que «
Hurricanes and Halos » nous faisait remarquer toutes les nuances de couleurs que le feu expose à nos yeux, expérimentant avec des morceaux extrêmement variés, ce qui pouvait déstabiliser par rapport à la ligne directrice de ce qu'on connaissait d'
Avatarium. Et c'est bien ce qui semble aujourd'hui être leur marque de fabrique : sortir des carcans des genres pour un univers qui s'étoffe d'album en album.
Et pourtant, à l'écoute de cette offrande qui reprend le flambeau deux ans plus tard, force est de constater qu'il dérogerait presque à la règle tant il apparaît plus homogène, et ce dès la première écoute. Finis les morceaux « longs », place à une approche plus directe, sans pour autant perdre de sa richesse.
C'est «
Voices » qui ouvre la danse funèbre, et on se retrouve en terrain connu : une entame lourde, l'ambiance est pesante pour un sentiment immédiat d'oppression permis par des guitares grinçantes, ultérieurement relayées par un clavier inquiétant qui nous propulse dans les limbes d'un esprit torturé. Ce sentiment est décuplé sur le refrain où la voix nous parvient démultipliée, en résonance, comme cette voix intérieure appelée conscience qui nous pousse à une remise en question tortueuse.
Cette oppression se retrouve également sur "Great
Beyond" avec ce pont musical auquel le groupe aime à se livrer, avec cette impression d'improvisation, sans réelle direction musicale autre que celle de nous faire vivre un profond malaise avec ce brouillon sonore savamment maîtrisé. Fort heureusement, les claviers apportent ici et là un éclat bien plus lumineux.
Malgré des textes particulièrement peu empreints de joyeuseté, cet éclat plus lumineux se retrouve sur "Lay Me
Down", où l'on revient aux premières amours du groupe avec cette guitare acoustique qui accompagne la majeure partie du titre. Une approche plus émotionnelle, magnifiée par la voix de Marcus Jidell qui s'entremêle à celle de sa chère et tendre (si vous aimez les potins...). Ce morceau nous offre un court interlude porté par une basse élégamment mise en avant, ce qui nous amène justement à nous questionner sur l'identité de la personne qui en a la responsabilité. Eidling était présent sur les deux premiers albums, ensuite remplacé par Mats Rydström qui est de retour sur leur dernière production en date «
Death, Where Is Your Sting ». Aucune mention cependant ici, le doute plane.
Fidèle à ses dernières inspirations, le groupe nous délivre aussi des morceaux plus enlevés, notamment sur "Shake
That Demon". Je vous mets au défi de ne pas headbanger sur ce titre accrocheur qui, sans réinventer le style, nous offre une bouffée d'oxygène bienvenue, développant ici un aspect plus catchy de leur musique, déjà présent sur le refrain de "Porcelain
Skull". Ce dernier, bien que d'une courte durée (en comparaison avec ce que le groupe nous proposait les années précédentes), est un monstre de variété. Son riff répétitif, joué par des guitares grinçantes et une basse vrombissante, participera à l'angoisse déjà posée en début d'album, avant un refrain très rock, où le tambourin s'insère à merveille dans l'ensemble pour un rendu qui vous fera taper du pied, ou secouer la nuque, faites votre choix...avant que le pré-solo ne fasse retomber votre engouement, ramenant avec lui cette angoisse latente.
Vous commencez certainement à vous demander pourquoi je vous ai fait tout un laïus sur l'espoir si tout ce que l'on ressent c'est de l'angoisse...
J'y arrive !
C'est grâce à son morceau éponyme qu'
Avatarium réveille en nous ces quelques lueurs. C'est à l'article de la mort, dans un paysage hivernal où le silence règne que cette flamme intérieure s'éveille. Une pulsion de vie qui se traduit par un besoin de ressentir, quitte à en souffrir. Ici, mieux vaut la douleur que l'insensibilité. Cette envie se transformera en lutte pour la survie sur "
Epitaph of Heroes", titre aux prémices pachydermiques qui n'aurait pas détonné sur l'album éponyme. Tout y est : l'intensité dans la voix de la maîtresse de cérémonie à laquelle répondent les notes de guitare, une irrépressible envie de mettre à mal sa nuque sur le refrain, une sensation d'attente insoutenable avec ce pattern qui tourne en boucle.
Notre voyage se termine sur la belle, que dis-je, magnifique ballade « Stars They Move », guidée par la délicatesse du piano de Richard Nilsson, qui s'allie à merveille à l'émotion véhiculée par la voix tout en nuances de Jennie-Ann. Et si je parle de voyage, c'est bien parce que l'album semble suivre, au moins dans sa deuxième partie, un réel fil conducteur. Alors que "Great
Beyond" nous confronte à l'approche de la mort, vue ici comme une véritable délivrance, le titre éponyme nous ramène à ce dernier sursaut de vie, qui rend possible une ultime lutte ("
Epitaph of Heroes") avant le trépas, qui laisse dans le cœur des survivants l'espoir d'un dernier signe du défunt ("Stars They Move").
Si vous avez apprécié les précédents voyages proposés par notre troupe suédoise, il y a fort à parier que celui-ci ne dérogera pas à la règle. Et si vous lisez ces mots sans la connaître, il est un très bon moyen d'entrer dans leur univers, par une approche plus synthétique mais tout aussi captivante. En quelques années seulement, ce qui n'était qu'étincelle est désormais un feu incandescent, traduisant l'envie du groupe d'aller de l'avant et de développer son art, qui prendra un tournant, et non des moindres, sur le prochain opus.
Merci pour la chronique, un groupe incroyable. Même si toute leur discographie est de haut niveau, celui là est peut-être mon préféré.
Superbe chronique, je ne connais absolument pas le groupe, dès que l occasion se présentera cela changera et je ne manquerai pas de revenir donner mes impressions.
Merci pour vos retours, ça fait plaisir et donne envie de continuer à écrire !! Fufupue cet album est peut-être leur plus accessible, mais sinon je te conseille leur tout premier, l'album éponyme. Bien qu'une peu redondant dans les structures c'est à mes yeux une petite pépite.
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