La carrière de Leif Edling ne se résume pas à «
Candlemass ». Du moins, le célèbre bassiste et compositeur tente d’extirper son nom de celui d’un des plus grands groupes de doom metal à l’heure actuelle. C’est la raison de la fondation de son projet «
Avatarium ». Au lancement aidé par Mikael Akerfeldt d’ «
Opeth », puis par l’ex-«
Evergrey » et ex-«
Royal Hunt » Marcus Jidell suite au renoncement de Mikael, pour être finalement rejoint par ses amis Lars Sköld («
Tiamat ») et Carl Westholm («
Jupiter Society », ex-«
Candlemass »). On aurait pu croire à une retrouvaille entre bons copains, ayant à l’occasion unis leurs forces sur certains autres travaux, seulement la présence d’un intrus vient perturber la donne. Jennie-Ann Smith est une inconnue. Elle n’aurait pas dû être présente à l’origine au sein de la formation. Un chant masculin était premièrement envisagé, mais l’intuition a probablement poussé à embaucher une femme ayant un bagage blues rock. Ce choix va s’avérer extrêmement judicieux, permettant à «
Avatarium » d’être autre chose qu’un «
Candlemass » bis. La patte de Leif Edling est ultra reconnaissable, mais alliée à la douce voix de Jennie sa musique si sombre, ses textes dérangés, vont aller fleureter un temps avec une rose noire du paradis.
Je dis qu’«
Avatarium » aurait presque pu tourner en une version clonée de «
Candlemass », car les riffs doom lourds et écrasés présents trahissent la signature de Leif. C’est d’ailleurs le cas dès le début de l’album sur les premiers soubresauts de «
Moonhorse ». Cependant la nature plus alambiquée de ce nouveau projet, viendra donner signe de vie peu de temps après, avec l’apparition du chant voluptueux de Jennie, remarquable de douceur et de tendresse sur ce titre. Ces phases chantées sont d’une incroyable beauté poétique aux côtés de la guitare acoustique. L’arrière fond atmosphérique à l’initiative de Carl vient ajouter à la magnificence de l’ode. La chanteuse ne va pas se contenter de paraitre en gentille et naïve petite fille, elle jouera parfois de cruauté, de concert avec un doom metal sans concession, ne laissant plus paraitre le moindre faisceau de lumière. Vous êtes avertis, la rose contient des épines.
Il semblerait que Jennie se soit accordée à assimiler parfois son chant à celui de l’ex-«
Candlemass » Robert Lowe. C’est le sentiment qui se dégage de certains morceaux, notamment de « Bird of
Prey » dont on croirait sorti de l’album «
King of the
Grey Islands ». Celui-là est marquant pour son break tourmenté, le charme, la douceur de son solo en beau milieu de piste. Cet album, néanmoins, va prendre ses marques par rapport au singularisme propre à l’œuvre de sieur Edling. Ce dernier est encore obsédant sur un «
Pandora’s Egg » menaçant, seulement on va y retenir un apport mélodique. Nous ne sommes pas en permanence confrontés à un univers morose et hostile. Les décors défileront sur ce morceau. Marcus y fera notamment une grosse impression en laissant égosiller sa guitare en milieu de piste. L’auditeur appréciera certainement la qualité de ses solos, comme il appréciera le tournant décontracté pris par le très fluide « Boneflower », ressemblant cette fois fortement à ce que fait la formation canadienne «
Blood Ceremony ». Le chant féminin, les airs psychédéliques et l’orgue Hammond contribuent énormément à la ressemblance.
Ce regain en excentricité n’est pas valable pour le morceau éponyme, qui use pourtant de l’orgue, mais préfère rester cantonné, méfiant. On croirait une menace évidente, elle devient de plus en plus pressante et pointe même le bout de son nez sur sa seconde partie, si on en croit le durcissement de ton. Cet effet, cette montée en pression, est bien mieux réalisée sur « Trides of Telepathy ». Le rythme commence lentement, suspicieux, paré au pire. De cette ambiance fantomatique, effrayante, l’auditeur parviendra à s’en dégager par l’arrivée d’un jeu plus aguicheur et entreprenant tout au long du dernier tiers piste. Instant jouissif, donnant une illusion de survol. Nous irons ensuite haut dans le ciel avec le vaporeux «
Lady in the Lamp », au-dessus des nuages, l’endroit où la sensation de liberté est la plus forte, mais où l’absence de vie est totale. Nous serons là éloignés de la marque de fabrique de Leif, et même du doom metal, au profit d’un style atmosphérique prenant, même en considération de la montée en pression sur sa seconde moitié.
Cueillir une rose au paradis pour l’amener avec soi en enfer. «
Avatarium » serait-il un projet éphémère ou non ? On ne sait pas trop ce qu’il en adviendra. La continuation de cette expérience fascinante est de la volonté de Leif Edling, et de lui seul. Il nous gratifie là, avec l’aide de ses amis et d’une révélation à la voix d’ange, d’un album déroutant, mêlant une poésie tirée par les cheveux à une musique partagée entre grâce et dégout. La beauté au service de la destruction. La candeur en proie au malin. «
Avatarium » plaira aux inconditionnels de «
Candlemass » et à ceux qui n’ont pas peur de retrouver des tombes en parcourant joyeusement une belle clairière fleurie. On ne choisit pas souvent l’emplacement de son éternel repos.
15/20
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