Formé en 2014 à Spokane dans le canton de Washington, Entreprise
Earth doit sa naissance à deux hommes. Le premier est son frontman Dan Watson, vocaliste d’
Infant Annihilator qu’il quittera la même année suite à des altercations avec les membres du groupe et d’autre part au guitariste BJ Sampson, ancien musicien de Takeover. Le nom de la formation vient du chanteur et est étroitement lié à l’idée conspirationniste des
Illuminati et aux autres théories du complot.
Très rapidement, grâce à l’aide d’Internet, le duo a réussi à s’imposer et à avoir une visibilité notable. S’en est suivi un an plus tard la publication d’un premier opus
Patient 0. Après l’agrandissement de la lineup jusqu’à devenir un quintet, le combo a du cependant faire face à une dizaine de séparations, principalement des bassistes et des guitaristes. Cette instabilité en interne se ressent pleinement dans la discographie des Américains. Malgré de forts atouts, nos musiciens n’ont jamais su les mettre justement en valeur, dû notamment à une trop grande classicité.
Aujourd’hui, le quintet américain a de quoi prendre sa revanche sur son passé. Si la dernière parution du groupe
Luciferous en 2019 présageait un meilleur avenir pour le groupe avec un sérieux effort sur l’écriture, on sentait pourtant les membres ne pas aller au bout de leurs idées, notamment en restant trop ancré dans un deathcore conventionnel, marqué par ses rythmiques lentes et ses nombreuses pannes. Afin de palier à ces imperfections, la formation présente sa quatrième toile
The Chosen. L’artwork, très penché sur l’aspect religieux laisserait-il présager un changement radical de style de la part des Américains ?
La réponse serait plutôt en demi-teinte à l’écoute du premier titre
Where Dreams Are Broken. La mélodie affiche une versatilité inédite chez le quintet, dans le bon sens du terme dans son ensemble. Ce remaniement est principalement perceptible au niveau de la prestation vocale. On savait déjà Dan Watson brillant pour moduler sa voix et cette chanson en est une nouvelle preuve. Le vocaliste est capable avec une aisance presque enfantine de passer dans des graves d’outre-tombe mais aussi dans des aigus surprenants.
Sur ce dernier point, notre chanteur propose des refrains avec ces screamings déroutants. Néanmoins, la maitrise de cette innovante curiosité est quelque peu mitigée et demeure un peu irritante. En revanche, le chant clair de l’artiste est une belle révolution et une surprise de taille et permet au quintet de sortir des frontières et d’exposer avec fierté une image du deathcore moderne. En ce sens, cette première perspective s’approche même de plusieurs pointures du metalcore. Parmi elles, nous pouvons citer
Lamb Of God,
As I Lay Dying ou encore
Architects.
Nos musiciens laissent transpirer leur énergie communicative avec des variations réfléchies. Entre le riffing hâtif, les lents et massifs breakdowns, des solos sensuels et parfois des chorus mélodiques, les Américains ont su développer finement leurs compositions. Cette plume se perçoit particulièrement sur la durée des morceaux. La plupart des pièces dépassent allègrement les cinq minutes, caractéristique plutôt rare dans un genre pour lequel les chansons tournent plutôt autour des trois-quatre minutes.
Sur cet exercice d’endurance,
Enterprise Earth s’en sort relativement bien et soumet même de sacrées découvertes. Le titre éponyme avec ses huit minutes illustre parfaitement cette réussite avec une progression constante et des démarches souvent osées mais justes. Les lignes les plus tranquilles de la mélodie rappellent fortement les ballades de
Metallica, gage d’une singularité remarquable. Overpass suit également cette lignée dans son intro et met splendidement en valeur cet aspect plus doux du combo. Au milieu d’instants plus mordants, on retrouvera ces moments planants et mélodiques, pour une diversité toujours plus riche.
Malheureusement,
The Chosen est plombé par des faiblesses qui étaient pourtant évitables. Son contenu y est pour beaucoup : avec quatorze titres et surtout près d’une heure dix d’écoute, l’album est bien trop conséquent et la présence de certains titres est clairement discutable. Les deux interludes The
Tower et Unhallowed
Path n’ont que très peu d’impacts sur l’ensemble de l’œuvre et n’apportent que longueur à un opus qui n’en avait pas véritablement besoin. Legends
Never Die, même si son esprit épique est louable, procure une sensation assez chaotique qui fait plutôt tâche face à une production assez irréprochable. They Have No Honor, malgré une empreinte thrash intéressante et un solo de Gabe Mangold qui ferait pâlir de jalousie un
Megadeth ou un
Testament énonce un refrain ainsi que des chœurs signés Byron Sampson assez insipides en comparaison aux autres morceaux.
On sent qu’avec ce quatrième disque,
Enterprise Earth a voulu marquer le coup et frapper fort. Cependant, le quintet s’est quelque peu emmêlé les pinceaux malgré une toile tout à fait convaincante. La volonté est présente, la prise de risques également, les Américains ont visiblement trouvé leur nouvelle doctrine mais elle est pour le moment un peu trop bancale pour marquer les esprits. Dans tous les cas, on espère que ce
The Chosen sera un nouveau tremplin pour un groupe aussi talentueux que fragile.
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