Sans conteste l’un des groupes de deathcore le plus exemplaire de l’ère moderne,
Enterprise Earth ne cesse d’impressionner depuis ses débuts. Bien que ses premiers travaux ne soient pas forcément des plus innovants, le quatuor américain a pourtant toujours su se faire remarquer de bien belle manière. En effet, à la publication de son premier album
Patient 0, les critiques envers la formation sont déjà dithyrambiques, à l’instar de
Shockwave Magazine qui parle d’une « renaissance du death metal ». Deux ans après, le collectif poursuit sur sa lancée avec un
Embodiment, considéré par certains comme « l’œuvre la plus lourde jamais entendue ». Mais c’est bien avec sa troisième parution
Luciferous que nos Américains franchissent le plus gros cap, un ouvrage qui demeure encore aujourd’hui l’un des meilleurs dans son genre.
La décennie 2020 marque un changement majeur dans le récit de notre combo puisque le vocaliste et frontman Dan Watson annonce son départ, lui qui avait pourtant cofondé ce projet avec BJ Sampson. La raison de cette séparation provient sans grandes surprises de différends musicaux avec les divers membres du quatuor. C’est Travis Worland, également chanteur dans
Aethere, Bite//
Down et The
Willow, qui devient le successeur, lui qui a désormais la lourde tâche de perpétuer la postérité et l’épopée du groupe. Ce statut, notre talentueux musicien ira le bousculer avec
The Chosen, une réalisation déconcertante, entreprenante dans un registre progressif parfois expérimental mais aussi assez confuse dans ses intentions. Pour rectifier le tir, les Américains nous proposent un cinquième disque nommé
Death: An Anthology, toujours sous le double label E1 Entertainment et MNRK Heavy.
Témoignage de la mort et du sommeil éternel, le tableau est dans une totale continuité de son prédécesseur, à savoir une oppression quasi constante, une diversité remarquable, une agressivité exprimée sous diverses formes ainsi que des atmosphères souvent inquiétantes. Si l’aspect old-school du death metal est largement préservé, les empreintes contemporaines s’affirment davantage et on constate de même un certain gain de technicité de la part de nos artistes. Cette habileté se distingue superbement sur l’étonnant Accelerated
Demise, une composition purement instrumentale où nous sommes ébahis par ces successions de solos, d’abord à la guitare, puis à la batterie pour finir sur la basse.
Le morceau démontre clairement l’intention du quatuor à mettre en avant son tempérament progressif, en attestent ces nombreux renouvellements en termes de rythmiques mais aussi de catégories musicales. Dans une moindre mesure, on décèle quelques inspirations de death technique sur l’hâtiveté des percussions et le savoir-faire à la basse ainsi que de thrash, principalement sur l’introduction avec un riffing ultra-catchy, presque cow-boyesque.
Cette prédisposition au thrash metal,
Enterprise Earth la soumet également dans l’excellentissime
The Reaper’s Servant en collaboration avec Darius Tehrani (Spite). Dès les premiers instants, nous sommes pris dans une batterie supersonique accompagnée d’un magnifique solo de guitare qui nous embarque dans une ambiance épique. La stupeur ne s’arrête pas là car passé ces premières secondes fiévreuses, le titre prend une tournure plus conventionnelle avec un rythme assez languissant, un riffing étouffant et un chant intransigeant. Une nouvelle fois, la formation nous prend de court et revient dans un thrash surexcité par une batterie frénétique et un somptueux solo de guitare. Le morceau se termine par l’apparition de Darius Tehrani qui nous émet un growling malfaisant et escorté par un breakdown venimeux.
Le progressif est aussi mis à l’honneur sur Casket Of
Rust où l’introduction à la guitare acoustique reprend exactement les mêmes accords que Cirice de
Ghost. On découvre au sein de ce riffing menaçant un vocal écorché et une tendance blackened finalement peu présente dans cet opus. On observe de même une tentation vers une écriture plus symphonique avec une présence orchestrale. Là encore, le collectif nous époustoufle avec un titre de sept minutes absolument imprévisible, où les styles fusionnent et nous offrent une synergie sidérante. On profite même de quelques éclats au chant clair qui sont fort bienvenus pour un apport plus mélodique. Dans un cadre expérimental, on appréciera grandement un I, Divine avec un riffing angoissant, certes redondant mais qui amène une atmosphère complètement unique.
Les Américains en viennent même à s’initier dans des contrées encore inexplorées dans le cadre du deathcore, à savoir celui de l’émotionnel. Imaginé en premier lieu par
Whitechapel sur The Valley puis sur Kin mais aussi mis en lumière sur la trilogie
Pain Remains de
Lorna Shore, la formation nous signe cette même vision sur
Blood And Teeth. Si la fantaisie de la composition est irréprochable, son exécution est plus sujette à discussion avec une prestation vocale claire qui ne sonne pas toujours juste. On regrette également que ce sentiment personnel dans une ambiance éthérée soit rapidement écarté par une résonance pondéreuse, même si elle finit par revenir lors du refrain et ne nous quitte presque plus jusqu’à la fin du morceau.
On ne cachera pas non plus notre déception envers
King Of
Ruination pour qui notre attente était haute. Avec Ben Duerr (
Shadow Of Intent) comme invité, la chanson ne convainc pas vraiment, la faute à un schéma élémentaire et d’une extravagance aux abonnées absentes. Même sur le plan vocal, jusqu’alors véritable force des deux chanteurs, rien ne nous prend véritablement aux tripes et on reste finalement insatisfait devant une association pourtant prometteuse.
Il est certain que des erreurs de parcours demeurent sur ce
Death: An Anthology et avec près d’une heure d’écoute, il fallait clairement s’en douter. Pour autant, cette cinquième parution du quatuor américain s’avère être une pièce retentissante, pleine d’étrangeté et d’authenticité qui marque sans nul doute un nouveau chapitre dans l’édifice du deathcore. Dans son exploration culottée des genres et sous-genres musicaux, dans son impressionnant panorama vocal et dans une volonté toujours propre de modernisme,
Enterprise Earth semble désormais avoir un sérieux temps d’avance et il va être désormais complexe pour ses principaux concurrents de combler ce retard. Bien que cette année ne fait que débuter, on ne voit pas qui pourrait tenir tête à cet imposant album …
Après une petite écoute rapide de l'album, pour un non-amateur de deathcore comme moi ça passe pas trop mal. Pas fan du son de guitare ultra moderne et compressé, mais j'aime bien la variété des vocaux (oui, même le chant clair est cool). Pareil niveau riffs, un peu trop de doing doing moderne, mais j'aime bien les variations plus thrash (très Slayeriennes par moments).
Pas sûr qu'il tourne souvent, mais intéressant.
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