« Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs » Eric Tabarly
Il y a des groupes pour qui le concept prend le pas sur la musique, et dont l'assiduité avec laquelle ils s'obstinent à coller à tout prix à leur démarche, passe avant leur capacité à créer de bons albums et pour ce qui est des thématiques nautiques, il y a eu quelques écueils. On pourra par exemple citer les innombrables wannabe-pirates, ayant suivi la vague amorcé par
Alestorm et
Swashbuckle récemment sur les cendres de
Running Wild, du genre
Lagerstein, sans imagination...
Ahab fait partie des groupes ayant su marier talent et inspiration, avec leurs trois premiers albums, apportant un souffle nouveau au funeral doom, style pas forcément connu pour être très varié en matière de thématique globalement, apportant une note marine avec des thématiques sur des romans d'aventuriers marins à un certain nombre de milles des cimetières et églises ordinaires.
Si l'apport mélodique majoré dans leur composition par rapport à une bonne partie des groupes du genre ont su les faire critiquer par certains, il n'en demeure pas moins que depuis l'excellentissime «
The Call of the Wretched Sea », le groupe a su se faire mousser et atteindre le sommet de la vague en enchaînant des albums extrêmement méritoires, avec nombres de titres phares, que ce soit sur «
The Divinity of Oceans » ou «
The Giant », ses deux successeurs.
Après Hermann Melville et son
Moby Dick et Edgard Poe et ses « Aventures d'Arthur Gordon Pym » sur
The Giant, c'est un auteur moins connu dont le roman est la nouvelle trame d'inspiration de cet album, en l’occurrence William
Hope Hodgson et ses « Canots du Glen Carrig », sorte de roman d'horreur publié début vingtième où se côtoient naufragés et monstres aquatiques au sein d'une mer d'algues, bref quelque chose d'assez cohérent avec l'univers d'
Ahab malgré l'artwork assez moderne pour ce que fit le groupe par le passé (d'un autre coté, Géricault n'était pas disponible...). On notera par ailleurs que c'est la première fois que le nom du livre est directement utilisé en tant que nom de l'album. Le groupe s'est par ailleurs fendu d'un premier clip pour le titre «
Red Foam (the great storm) » qui étonnamment va plutôt à l'encontre de l'esprit du groupe sans aucune référence nautique.
Ce qu'il y a de bien avec cet album, c'est que l'auditeur assidu du groupe ne risque pas de se retrouver dépaysé, tant l'univers décrit est parfaitement cohérent avec ce qui fit la force du groupe, en l’occurrence ce doom « nautique » aux accents particuliers, ces passages atmosphériques très personnels marqué par la voix claire de Daniel Droste conjuguées à des séquences bien plus heavy d'une lourdeur bélouguesque et d'une profondeur dramatique.
L'aspect plus ambiant développé sur «
The Giant » est loin d'avoir disparu à l'image du début de « The Isle » mais se retrouve désormais garni d'un certain nombre de tentatives de proposer quelque chose de nouveau, à l'image d'un «
Red Foam (the Great Storm) » sur lequel ils feront souffler la tempête, plus rapide et sludge que ce que le groupe a su proposer jusque là, se rapprochant quelque peu d'un
Yob par moment, une nouvelle dimension à ajouter à l'oeuvre du groupe et qui apporte. Pour contrebalancer, le groupe tente aussi de garder un vrai esprit doom sur le très lent « The Weedmen » par exemple, dont l'aspect solennel méritoire ne permettra pas sur la longueur d'effacer tout à fait un coté malheureusement un peu poussif... Le groupe essaiera par ailleurs de découvrir de nouveaux horizons avec un morceau entièrement en voix claire « The Light in the Weed (Mary
Madison) », voix claire qui se retrouve présente de manière de plus en plus prégnante, et même si cela ne va pas de paire avec une diminution de l'intensité, on ne peut que considérer que c'est un peu dommage, dans la mesure où la voix claire n'est pas la grande force du vocaliste et qu'elle demeure parfois un peu approximative.
Après le groupe propose tout de même des instants de grâce pure, à l'image de l'excellent « The Things that Made
Search » en deux temps un calme et un furieux, parfaite synthèse de ce qu'est la musique d'
Ahab depuis le début, un véritable maelström furieux venant sublimer le calme initial, quelques aspects progressifs également à l'image du jeu de la rythmique Cornelius Althammer-Stephan Wandernoth, désormais totalement rodée et qui fait des merveilles... Il fait partie des titres que l'on verrait tout à fait investir leur setlist accompagne d'un « To
Mourn Job » qui passé les premières minutes plus dispensables, a tout d'un tube du groupe : la rage, la puissance, la furie...
Avec cet album en guise de suite des intentions du premier, les allemands s'installent encore plus dans une nouvelle catégorie, celle des groupes que l'on juge désormais comme des références... Ainsi on n'en est que plus sévère et le constat qui peut être fait sur cet album est qu'il est probablement un peu moins bon que les précédents.
Ahab ne fait pour autant pas naufrage, il submerge largement au dessus de l'écume grouillante des groupes s’adonnant à ce style, n'est plus un frêle esquif et se donne néanmoins les moyens de défendre son statut de fier galion de tête du style, mais en prenant tout de même un rythme de sénateur moins véloce que par le passé.
Pas de quoi les passer à la planche, il faudra néanmoins prendre garde à ne pas naviguer à vue sous peine de voir en cas de franche dégradation, leurs prochaines productions ne finir dans la soute...
tres belle chronique et bien décrit, mais j'écoute toujours plus le premier album qui est est meilleur selon moi
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