Au pays du ski alpin, de la raclette, du chocolat et des Ricola, il y a encore et toujours une petite bande d’irréductibles chevelus qui résistent bravement à l’envahisseur mainstream qui menace les oreilles du monde entier de sa mélasse radiophonique fade et aseptisée.
Celtic Frost,
Samael, ou plus récemment
Darkspace ou
Sybreed pour n’en citer que quelques-uns, se sont brillamment illustrés dans les différents sous genres du metal extrême, confirmant ainsi la bonne santé de la scène suisse en la matière.
Le groupe qui nous intéresse aujourd’hui s’appelle
Stortregn et voit le jour en 2005 à Genève. Après deux bons albums en 2011 et 2013, le combo suisse se voit logiquement qualifier de
Dissection’s worship, poussant la ressemblance à faire appel à Necrolord pour la pochette d’
Evocation of Light, faisant irrémédiablement penser à Storm of the Light’s
Bane tant dans le titre que dans les fameux tons bleutés chers à l’illustrateur.
Qu’en est-il donc en 2016 pour ce troisième full length intitulé
Singularity ? Le constat est sans appel : les Suisses ne changent pas leur fusil d’épaule, se contentant de peaufiner le style dans lequel ils excellent, et une fois n’est pas coutume, on ne risque pas de s’en plaindre tant le résultat fait plaisir à entendre.
L’album s’ouvre sur un superbe arpège tout en sensibilité rappelant beaucoup
Dissection, et Enlighten
Salvation nous immerge immédiatement dans un univers épique et glacial. Les plaintes mélodiques de la guitare ainsi que les toms de la batterie font doucement monter le titre en puissance, avant qu’un excellent riff death mélo vienne nous terrasser sans crier gare.
Les Suisses lâchent dix titres très professionnels et parfaitement exécutés renforcés par un son limpide qui laisse chaque instrument s’exprimer idéalement : leads mélodiques entêtantes, alternance entre voix death et black très réussie, tempo variés, rapides et entraînants qui ne tombent pas dans le piège du blast à outrance,
Stortregn est actuellement avec
Thulcandra ce qui se fait de mieux en matière de black death mélodique à la suédoise, rendant un hommage plus qu’évident aux formations cultes que sont
Dissection,
Unanimated,
Dawn ou
Sacramentum.
Tout est déjà dit, mais ajoutons quelques lignes afin d’achever de convaincre le lecteur de se procurer cette petite bombe : les titres s’enchaînent sans temps mort, mêlant idéalement le souffle épique et glacé du black à l’efficacité du death, et possédant tous leur riff qui tue (Enlighten
Salvation, les riffs d'
Omega Rising, headbangants à mort), leur mélodie irrésistible (le break central de
Omega Rising,
Aurora) leur petit passage acoustique poignant (la fin de
Vertigo, tout en sensibilité, Black
Moon Silhouette, le break central de
Nightshade of
Eden) ou leur rythmique brise-nuque et imparable (le début bien death de Crimson
Depths, Neverending
Singularity).
La musique repose principalement sur les guitares (la myriade de notes flamboyantes démarrant Acosmic Ascendant en est la plus fluide et virtuose des démonstrations, la fin de Nightshide
Eden, magnifique), mais les riffs sont toujours variés et accrocheurs, et le travail rythmique est aussi admirable : blasts, montées en puissance irrésistibles, mid tempo mélancoliques, cassures acoustiques virtuoses, malgré une durée assez courte, les compositions de
Stortregn ont un relief et une consistance admirables et s‘apprécient toujours autant après plusieurs écoutes tant ils regorgent de richesse musicale.
Il n’y a rien à jeter sur ces 43 minutes, et le quatuor parvient à enchaîner des titres très cohérents mais se distinguant suffisamment les uns des autres afin que chacun ait sa propre identité. Le talent de composition des gaillards est évident, et la seule chose que l’on pourra finalement reprocher à ce
Singularity, c’est justement son manque de singularité, les Genevois se contentant d’appliquer à la lettre une recette déjà connue depuis plus de vingt ans sans réelle prise de risque.
A part ça, rien à dire, et si vous aimez le black death très mélodique, rapide et épique, foncez, ce
Singularity est incontournable. En définitive, dix ans après sa mort, l’héritage de Jon Nödtveidt est toujours intact, et on peut dire merci à Strotregn de perpétuer avec autant de passion, de sincérité, de classe et de talent la flamme sacrée…
Sinon pour moi ça sera un achat quasi certain, c'est vrai que dans le style ils font quand même parti des meilleurs. Et encore merci pour la chronique, très bonne comme à ton habitude ! ;)
Dro'
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