Loin de la vague metal symphonique sur laquelle se plaisent à surfer nombre de formations à chant féminin de tous poils, ce jeune groupe américain originaire de Milwaukee (dans le Wisconsin) a conféré à son projet une coloration électro metal accolée à une double empreinte metal gothique et grunge, le faisant osciller entre des vibes aussi éclectiques que celles de
The Birthday Massacre,
The Flaw,
Bif Naked, Paramore et surtout
Live. Sources d'influences qui n'ont été sans effets ni sur l'originalité, ni sur la dynamique d'ensemble transpirant de ce corpulent et bien-nommé «
Shadows ». Cette première auto-production de longue durée, comptant 10 pistes égrainées sur un ruban auditif plus de 46 minutes, est le fruit juteux d'une étroite collaboration, initialisée en 2004, par Anna Bohn (chant et claviers) ;
Jason Rabus (guitare) ; Nick Mitchell (guitare) ;
Joshua Morrison (basse) ; Samuel Morrison (batterie). Sorti 3 ans après la création du combo, et intégrant 3 titres remastérisés d'une première démo, cet opus octroie une série de compositions minutieusement élaborées, techniquement efficientes, aux harmoniques rigoureuses, et laissant entrevoir une logistique de production d'assez bon aloi, à commencer par l'enregistrement, d'une qualité quasi professionnelle. Quelques indices révélateurs nous intimant d'aller y voir de plus près ce que recèle ce méfait...
Lorsqu'il nous mène sur des charbons ardents et qu'il intensifie ses frappes, le combo américain parvient à nous retenir plus que de raison. D'une part, sur des nappes synthétiques tournoyantes évolue une massive et énergisante section rythmique sur « Sustenance », offensif morceau dans la veine conjointe de
Live et Paramore. Un duo en voix mixtes estampé rock, sur une tonalité graveleuse eu égard à l'empreinte masculine, s'invite à la danse. Evoluant sur une sente mélodique apparemment accessible, cette offrande se veut aussi directe qu'authentique. D'autre part, le frondeur et rocailleux «
Out of Mind » dissémine ses riffs corrosifs arc-boutés sur une rythmique enfiévrée et une couverture organique en substance. Dans l'ombre de
Live, cette piste étrangement grunge aspire le tympan, l'assénant de ses frappes sèches et sans concessions, sans que l'on ait le temps de reprendre son souffle.
Quand il ralentit le tempo, le collectif étasunien remporterait plus immédiatement les suffrages. Ainsi, dans une atmosphère éthérée, le rêche et ample mid tempo «
Sovereign Moment » nous embarque pour une traversée en eaux troubles, sous couvert de riffs acérés et grésillants, et mené de main de maître par nos deux vocalistes qui, ici notamment, unifient leurs empreintes vocales. A cheval entre
The Birthday Massacre et
Live, cette piste offre une fine et captatrice lumière mélodique au-delà du champ de pression que l'on traverse. Dans cette mouvance, « Inevitable », mid tempo percutant et énigmatique dans le sillage de
Live, laisse évoluer un ondulant et magnétique filet de voix masculine, parallèlement aux déambulations des graciles patines de sa comparse, sur une pénétrante et suave ligne mélodique. Un enivrant et vibrant instant que l'on ne quittera qu'à regrets. Enfin, mid tempo aux harmoniques effilées et à la douce lumière mélodique, « Unanswered », titre déjà présent sur la démo (2005), octroie une heureuse combinaison entre immersifs couplets et hypnotiques refrains. L'ensemble s'enorgueillit de la juxtaposition de lignes de chant mixtes que l'on ne lâchera pas d'une semelle.
Là où la sarabande se montre la plus inspirée encore concerne les passages plus tamisés, où les mots bleus finement sculptés prennent tout leur sens. Ainsi, de soyeux arpèges au piano nous sont destinés sur l'originale, insoupçonnée et pulsionnelle ballade « These Tears ». Sur une ligne mélodique sécurisée, à l'image de
The Flaw, le couple évolue en parfaite osmose, même si la partie masculine serait en proie à quelques faussetés altérant d'autant sa portée. Sans mièvrerie aucune, loin s'en faut, couplets et refrains ne dévoilent leurs charmes et leur majesté qu'au fil d'écoutes circonstanciées.
Plus encore, un fondant sweeping corrobore « Turning Gray », délicate ballade intégrée à l'introductive demo, servie avec les honneurs par nos deux vocalistes investis en parfaite harmonie. Difficile de ne pas succomber aux radieux accords disséminés le long de cet océan de félicité, comme
The Gathering aurait pu nous en octroyer. La fibre émotionnelle aura donc peu de chances de ne pas être touchée, notamment sur un refrain d'une confondante limpidité.
Curieusement, un souriant mais opportun instrumental interrompt pendant un temps l'avancée des deux vocalistes. Un joli picking à la guitare acoustique entame « ****-**** », mystérieux et captateur instrumental progressif où flamboient d'aériennes nappes synthétiques. Evoluant en osmose, guitares et claviers se font rejoindre par une imposante rythmique et un appel d'air de la double-caisse. Agréable moment s'il en est, même s'il tendrait à la répétibilité de ses gammes et de ses arpèges.
Dans cette salve de plages à l'inspiration féconde, certains passages connaissent cependant un dénouement moins heureux. Lancinant et tortueux, « The Stage » déploie ses riffs corrosifs au fil des valeureuses pérégrinations de nos deux tourtereaux. Toutefois, suivant des chemins de traverse peu sécurisants, à la pâle lueur mélodique, le brûlot aura quelques difficultés à impacter l'auditeur sur la durée. Pour sa part, l'irascible mid tempo « Rewind » (extrait de la démo) déverse son fiel au gré des attaques de riffs en profondeur. Peu ragoûtant, répétitif et aux finitions lacunaires, ce titre se place, lui aussi, en-deçà de ses voisins de pistes.
Pour un premier essai, nos acolytes s'en sortent avec les honneurs, à l'instar d'une galette énergisante, parfois romantique, ayant évité les poncifs du genre et réservant quelques délectables instants. Bien que l'on n'ait pas encore affaire à un foudre de guerre, la rondelle témoigne d'une atmosphère aussi mystérieuse qu'infiltrante, avec un poil d'originalité eu égard aux séries d'accords combinées. Pour les amateurs d'électro metal et de grunge à chant mixte, ils y trouveront déjà de quoi se sustenter, même si quelques finitions manquent encore à l'appel. A l'aune de cette encourageante offrande, votre humble serviteur subodore que le groupe n'en restera pas à ce coup d'essai, celui-ci ambitionnant de faire partie intégrante des valeurs montantes de son registre metal d'affiliation. Affaire à suivre, donc...
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