Un nom bien méchant comme
Sargeist, (le cercueil de l’esprit), un titre d’album d’une originalité et d’une finesse à toute épreuve comme
Satanic Black Devotion (est-il seulement besoin de traduire?) et une pochette en noir et blanc stéréotypée au possible arborant inévitablement un affreux peinturluré à l’air pas content du tout faisant la causette à son pote la tête de mort…
Y’a pas à dire, à première vue, ça part mal pour les Finlandais, qui parviennent semble-t-il à réunir tous les clichés les plus ridicules inhérents à un style à la recherche d’un second - disons plutôt troisième… - souffle pour ne pas étouffer dans son propre marasme créatif, victime de ses règles élitistes et castratrices.
Dans ces conditions, comment aurait-on pu s’attendre à l’impact, glacial et impitoyable, du souffle démoniaque qui va glacer notre être tout entier à l’écoute de ce petit bijou de l’Art Noir? Pourtant, le nom de Shatraug en tant que guitariste, leader de la célèbre formation
Horna, aurait dû nous mettre sur la piste. Car
Satanic Black Devotion ne se limite pas à une suite de gimmicks clownesques et convenus, au contraire: les Finlandais vivent pour leur musique, l’habitent et lui insufflent une âme. Noire et définitivement vouée au Mal.
Tout commence par une petite intro lugubre, des choeurs désincarnés épousant les bêlements graves et résignés d‘une horde de boucs, un tambour de mort qui pulse un battement catatonique et sourd et des plaintes et hurlements de souffrance se mêlant en un lancinant magma à un semblant de mélodie lointaine.
Pas de doutes, nous sommes bien aux portes de l’Enfer.
« Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir » écrit
Dante dans La Divine Comédie. Voilà une phrase simple et percutante qui pourrait résumer à merveille l’offrande maudite des Finlandais; car c’est bien directement dans les abysses que nous propulse l’œuvre noire de
Sargeist, et dès le deuxième titre éponyme, furieux et d’une majesté glaciale et entêtante, la descente dans les fonds de l’abîme commence: ce riff d’outre tombe, froid, obsédant et brumeux, mais d’une pureté à couper le souffle, déboule furieusement et s‘empare sans attendre de notre âme décharnée, appuyé par la furie implacable de la batterie qui déroule, inhumaine, ses pulsations aliénantes à un tempo infernal. Et sur ce chaos sonore au magnétisme insoutenable vient se greffer cette voix morte et pourrie, émanation sèche et putride d’un au-delà où l’air vicié étouffe toute forme de vie et d’espoir. Le son est caverneux, poisseux, prend à la gorge, l‘accordage des guitares est très bas, et le grain épais, tout pour étourdir les sens de l‘auditeur et le transformer en une poupée de chair lymphatique et soumise. Là, au milieu d’âcres relents de souffre et d‘exhalaisons méphitiques, la vie nous quitte, nos émotions s’envolent, nous laissant seuls avec nos angoisses dans le vide des Ténèbres. Et quand, à 3min14, jaillit ce riff magnifique et poignant, nos yeux englués ne peuvent même plus verser de larmes car notre cœur est irrémédiablement flétri. Et c’est dans cette vulnérabilité totale que la musique, tour à tour hystérique et rampante, directe et insidieuse, s’insinue par tous les pores de notre être vidé de toute humanité.
Satanic Black Devotion n’est qu’une litanie morbide et infernale, une sorte de messe noire dont les riffs liturgiques roulent sans fin et se répercutent dans nos veines taries à chaque battement de notre cœur à l’agonie. On ne distingue plus les chansons, cet enchevêtrement de riffs démoniaques, cette batterie sourde et implacable, les hurlements glaçants de cette entité moribonde, mais, paradoxalement, on ne vit, ne respire, n’entend plus que par la musique, Sa musique. Car, et on peut le dire sans risques, jamais un album n’aura aussi bien porté son nom que cette offrande au Grand Bouc: violente, rapide, malsaine, mais également séduisante et hypnotique, la musique de
Sargeist est une incarnation parfaite du Malin.
C’est d’ailleurs dans les rares moments où le tempo ralentit un peu que les riffs se font plus lumineux et d’autant plus torturants, dévoilant une beauté mélancolique proprement irrésistible, et laissant l’espace d’un instant l’auditeur assommé reprendre son souffle, rouvrir les yeux et chercher, égaré et confus, l’air pur de la surface (ce somptueux riff à 1min 39 de
Sargeist ou cette décélération moribonde à la mélancolie poisseuse à 2min03 de la bien nommée Retrun to
Misery and Comfort qui clôt magistralement l’album). Mais si
Sargeist se plaît par moments à ressusciter vos espoirs, ce n’est que pour mieux les anéantir par la suite, froid, cruel et inhumain. Alors, il ne vous reste qu’à vous incliner, courber l’échine, et obéir. Vos pas se greffent sur ces percussions belliqueuses qui reprennent de plus belle et raisonnent dans votre boîte crânienne vide, vos oreilles bourdonnent du feu lancinant des guitares, et votre carcasse possédée par l’esprit du Mal se met mécaniquement en route dans le froid des Ténèbres pour venir grossir Ses cohortes.
Certes, musicalement,
Satanic Black Devotion n’innove pas beaucoup, et on ne peut pas dire que la musique des Finlandais soit foncièrement originale. Beaucoup n’y verront peut être même qu’un simple groupe de true black très influencé par le
Darkthrone première époque, mais en ce qui me concerne, là où les Norvégiens se contentent de vomir, implacables, une musique froide, haineuse et misanthrope, la propagande de
Sargeist est plus envoûtante, hypnotique et, n’ayons pas peur des mots, maladivement belle. L’ambiance funèbre qui se dégage de cette galette prend littéralement à la gorge et l’auditeur ne peut que se perdre dans les relents opaques qui émanent de cette offrande.
Vous l’aurez certainement compris, ce
Satanic Black Devotion est pour moi un pur chef-d’œuvre de black metal, une page indélébile et immarcescible écrite en lettres de feu et de sang dans le Grand
Grimoire de l’Art Noir. Et si cette conclusion vous donnait envie de vous plonger dans les méandres obscurs de la Bête, sachez simplement que le voyage que vous offre
Sargeist pourrait bien être sans retour...
La trinité finlandaise est unique je trouve, y'a pas mieux en raw à mon avis en ce moment.
J'assume cependant mes propos, donc je les laisse tels quels, je précise simplement que j'étais pas forcément dans des conditions favorables à un débat constructifs, donc pas la peine d'épiloguer, cet album n'étant pas foncièrement mauvais, je n'y ai juste pas trouvé ce que j'y cherchais.
Ne le vend pas, car un jour tu vas le réécouter, et tu va adorer cet album !
C'est l'Album avec un grand A du black finnish selon moi, même si on a à côté de ça CSM de Satanic Warmaster ou EESE de Horna, ce Sargeist est au dessus des autres.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire