Dans un genre à l’époque déjà bien saturé et souvent critiqué par sa répétitivité, les Anglais d’
Asking Alexandria avaient réussi l’exploit en 2009 de sortir un premier album qui a su tirer son épingle du jeu et au fort succès commercial, faisant apparaître leur nom comme une nouvelle référence du genre. Leur metalcore se distinguait de la masse par le mélange d’éléments de musique électro avec de puissants riffs downtunés oscillant vers le thrash et le hardcore, soutenu par une rythmique explosive avec comme base une batterie dynamique et technique.
Mais il serait cruel d’évoquer le succès d’
Asking Alexandria sans mentionner l’impressionnante performance vocale de Danny Worsnop, aux multiples styles vocaux, allant du scream hardcore, scream aigu aux growls caverneux, sans oublier les somptueuses lignes vocales mélodiques limpides et maîtrisées dans les refrains. Le tout couplé à une production léchée, assurée par Joey Sturgis, "
Stand Up and Scream" était un peu le premier album rêvé pour n’importe quel groupe de la scène. Un tel premier succès a forcément motivé le groupe à aller de l’avant, et a pris complètement au dépourvu leur chanteur, qui ne pensait pas aller plus loin que ça dans l’industrie musicale et continuer vers autre chose, et a suscité l’attention de la scène qui attend de la part du groupe une confirmation quant à son potentiel. C’est dans ce contexte que sort, en 2011, "
Reckless & Relentless", le tant attendu deuxième opus, et autant dire qu’
Asking Alexandria a largement comblé ses attentes avec son meilleur album à ce jour, pour ne pas carrément dire l’un des meilleurs de toute la scène metalcore !
De prime abord, "
Reckless & Relentless" est dans la parfaite continuité de son prédécesseur : sonorités électro couplées avec riffs effrénés, passages brutaux hurlés dans les couplets suivis de refrains mélodiques catchy. Sur les structures des chansons, RAS comme on dit, on est clairement en terrain connu et conquis. Cependant, toute une large série d’éléments caractéristiques donneront à cet album une aura unique transparaissant au fil des écoutes. A commencer par celle que je considère comme la plus importante de toutes : la qualité vocale. Et Danny Worsnop s’est nettement amélioré depuis le précédent opus, dans ce domaine, ce qui peut paraitre une prouesse improbable compte tenu de l’excellente performance du premier album, et pourtant oui. Dans "
Stand Up and Scream", son chant était trop influencé par la scène emo (ceci dit c’était parmi mes chants emo préférés…), alors que là il s’en émancipe et lui donne plus de personnalité, pour notre plus grand bonheur. En résulte des refrains très accrocheurs qui non seulement nous collent à la tête, mais aèrent d’une façon fort agréable les chansons et créent un grand contraste par rapport aux passages très bourrins des plus plaisants. Rien que la première chanson après l’intro, « Dear
Insanity », en est une belle preuve de ces accroches très efficaces avec un refrain qu’on ne peut que chanter avec passion lors de son écoute ; ou encore les monstrueux « The Match » et «
Morte et Dabo », qui nous offrent un refrain d’une beauté saisissante, impossible à faire sortir de la tête, à la suite de vocaux hurlés d’une stupéfiante maîtrise ; on ne peut que revenir vers ces chansons pour revivre cette transition menée avec brio. «
Breathless », « A Lesson
Never Learned » ou «
To the Stage » ne sont encore que quelques exemples parmi tant d’autres qui exploitent cette qualité indéniable du groupe à balancer des refrains foutrement bons après un long passage de chaos et de destruction. «
Someone, Somewhere », quant à lui, nous gratifie de paroles exclusivement chantées sans vocaux hurlés, afin de profiter au mieux de cette voix qui résonne comme jamais et complètement affirmée, en plus d’apporter une touche de positivité à l’album avec des paroles plus lumineuses.
Un autre aspect caractéristique de l’album, cette fois plus improbable, que l’on constate lors de l’écoute, ce sont les éléments hard rock qui y sont disséminés un peu partout. Car oui, le groupe a toujours cité parmi ses références les classiques du hard rock des années 80, plus particulièrement Guns’N’Roses et
Skid Row, considérés comme leurs groupes de référence. Nous pouvons percevoir cette influence sur des chansons comme «
Someone, Somewhere », où dans le pont en plein milieu de l’album le guitariste Ben Bruce nous lance un solo qui transpire les 80’s ; sur «
Breathless » et son refrain à l’approche différente ; ou bien encore «
Reckless and
Relentless » où il adopte une voix plus typée rock lors du refrain, différente du reste des chansons. L’influence hard rock s’étend même bien au-delà de la musique au sein du groupe, puisqu’ils ont adopté des looks plus caractéristiques de cette mouvance, avec lunettes de soleil, vestes noires en cuir et attitude de sex drugs & rock n’roll. Nous pouvons aussi constater cette nouvelle mode dans les paroles de certaines chansons, où les conséquences de cette vie à excès sont décrites, comme dans « Another Bottle
Down » où le chanteur parle de ses gros soucis liés à l’alcool. Car oui, ce nouveau mode de vie a même carrément eu un impact dans leur vie privée, à force de cumuler les soirées fêtardes, les bouteilles de verre et autres méchantes substances, cela a créé des dépendances difficiles à s’en séparer et aux conséquences durables sur la vie des membres du groupe, puisqu’il leur faudra de longues années pour enfin s’en sortir. Cela a même eu un impact sur le groupe, puisque dans nombre de concerts, le public s’est retrouvé face à un Danny Worsnop complétement bourré et à la performance vocale des plus décevantes, allant jusqu’à commencer à nuire à la réputation du groupe. A force d’être fans du mode de vie rock n’roll des années 80, ils en sont arrivés à en adopter tous les excès.
Autre élément caractéristique de l’album, la manière dont les éléments électro sont employés. Dans "
Stand Up and Scream", une forte présence de sonorités électro à caractère dansant imprégnaient les compositions, couplées avec les éléments purement metalcore. Le groupe en a décidé autrement sur "
Reckless and
Relentless", où les sonorités électro ne sont plus dansantes (sauf sur un passage dans « The Match », où l’en entend une partie d’électro hardcore digne des grandes soirées de défonce dans une boîte d’
Amsterdam) mais plus atmosphériques et incluses plus subtilement dans les chansons. Ces dernières ne sont plus construites autour d'éléments électro, ceux-ci se font plus rares et font acte de présence uniquement lorsqu’ils apportent quelque chose à la chanson afin d’en appuyer la musicalité ou l’émotion. Je trouve cette approche inédite bien plus intéressante que celle de son prédécesseur ; des chansons comme «
Closure » et son pont atmosphérique entre le passage aux vocaux hurlés et la fin de la chanson est sublime, ou «
Morte et Dabo » et son effet lors du superbe refrain, ou encore sur le passage final brutal de «
Breathless » (Danny y est vraiment allé à fond sur celui-là !) avec le son atmosphérique sombre en arrière-plan afin d’appuyer la violence du passage ; ces éléments sont un véritable plaisir à écouter. Le groupe va même plus loin en incluant des sonorités d’orchestration sur le début bourrin d’ « A Lesson
Never Learned », ou sur la somptueuse et magnifique fin de «
Morte et Dabo » qui donne à l’album toute ses lettres de noblesse en le clôturant avec une intensité émotionnelle mémorable (à ce jour, parmi mes finals d’albums les plus marquants). Et comment parler du travail sur les orchestrations et l’électro sans citer l’intro « Welcome » qui introduit efficacement l’album avant d’être assiégé par les vocaux destructeurs de Danny ? Plutôt que de faire une redite de leur formule,
Asking Alexandria l’a révisé et amélioré en réattribuant aux sons électroniques une place différente dans les compositions.
Enfin, je dédie ce bref paragraphe à l’immense travail fait en production, qui confère à l’album une puissance à tout casser et une clarté de son exemplaire. Tout s’écoute à la perfection jusqu’au moindre effet sonore électro, et la basse y prend une place prépondérante, ce qui fait que le moindre breakdown, la moindre double pédale résonne comme une colère des Dieux. Joey Sturgis a, encore une fois, réalisé un impressionnant travail de production qui fait honneur au groupe, et contribue immensément à l’appréciation de l’œuvre.
Lors de la sortie de "
Reckless & Relentless", certaines voix critiques l’ont reçu avec moins d’enthousiasme en l'accusant d’avoir perdu la magie du premier album en supprimant les parties dansantes, et devenant de ce fait un « banal » album de metalcore comme les autres. Je pense que, bien au contraire,
Asking Alexandria a affirmé davantage sa personnalité en supprimant les éléments emo qui, d’après l'aveu même du groupe, ont été en partie forcés par les managers (surtout au niveau du look) pour les remplacer par des hommages à un univers hard rock qui leur sont plus chers, et en ne répétant pas une formule qui les aurait amenés à une forme de redite et qui de toute façon ne pouvait s’inclure dans des compos plus inspirées et plus travaillées. Les chansons sont redoutables d’efficacité, les performances vocales de Danny sont impressionnantes, les refrains très accrocheurs, les musiciens ont la maîtrise avec ces riffs féroces et cette batterie survoltée, et le groupe semble mieux affirmer sa personnalité. "
Reckless & Relentless" reste assurément le meilleur album de la carrière du groupe, puisqu’il a permis à
Asking Alexandria de mieux s’affirmer, et pour moi l’un des meilleurs de la scène, tant il est maîtrisé et unique dans son genre.
C'est marrant, parce que justement lors de ma première écoute de cet album, j'avais le même avis que l'auteur de la chronique. Mais au fil des écoutes, c'est tout le contraire qui s'est produit: je suis très vite devenu un fan de cet album, au point de connaître par coeur toutes les chansons et de le considérer tout aussi bon si ce n'est meilleur que le premier. Les refrains sont entêtants au possible et rentrent dans la tête sans jamais en sortir, qui plus est magnifiés par la production impeccable (The Match, Morte Et Dabo et A Lesson Never Learned en tête !). Les parties aggressifs et les breaks sont destructeurs et s'équlibrent parfaitement avec les passages plus mélodiques. Les sons électro toujours aussi dansants et bien agancés, quoique en très faible nombre. Non, Reckless & Relentless est définitivement un bon album, je crois qu'il faut juste lui donner sa chance et l'écouter avec un bon casque.
Et puis, cet album a supprimé les influences emo de Stand Up & Scream, qui pour moi étaient gênantes à la longue. C'est mon album préféré de AA, tellement efficace.
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