Un craquement, un son lointain de claviers funéraires, puis la guitare qui fait son entrée accompagnée d'une batterie se traînant comme un animal à l'agonie, et
Evoken accomplit le chef d'oeuvre.
A savoir, pour moi, l'album ultime de
Doom Death du moment. Depuis leur démo, les cinq musiciens du New Jersey ont progressé de manière exponentielle. Ils disposent enfin du son parfait pour leur style, très profond, très large, très clair, gavé de delay et d'écho. Un son parfait pour lire le
Chateau des Carpathes de Verne.
Leur formule est elle aussi parfaitement au point, et on se plait à penser à l'écoute de
Quietus que jamais album de
Doom Death n'a sonné... si
Doom Death. Tout au plus perçoit-on une certaine originalité dans l'utilisation des claviers, très présents sur cet album, détachés du reste de la musique et fonctionnant comme une sorte d'orgue funéraire qui laisserait tomber les notes unes à unes, créant une sorte de boucle de sons descendants, une spirale qui entraîne vers le fond pendant que le reste du groupe joue à qui traînera le plus, sans pourtant rappeller l'omniprésence des orgues de Stormcrowfleet de
Skepticism.
Les breaks toujours magistralement placés, la batterie abyssale et le chant de John Paradiso font le reste et une magie malsaine se dégage de la musique qu'
Evoken nous propose ici. Pour tout dire, si l'ambiance est sans le moindre doute possible macabre et étouffante, le tout n'est pas dénué d'un lyrisme sombre qui touche presque au romantisme sur certains passages (fin d'In
Pestilence Burning,). A d'autres moments, la musique se fait grandiloquente, presque symphonique, et il suffit de fermer les yeux pour véritablement vibrer à l'unisson (intro de
Withering Indignation).
Pris entre de lourdes (et lentes) cavalcades de guitare (Tending the Dire
Hatred) et de longs passages parsemés de notes diffuses ou d'arpèges à la guitare accoustique (Where
Ghost Fall Silent), l'auditeur ne peut qu'être saisi d'un effroi, d'un frisson qui lui parcourt l'échine, chose tout à fait délicieuse pour tout amoureux de
Doom. Cette alchimie entre les passages lourds et ceux plus atmosphériques, déjà présente sur la démo, montre qu'
Evoken a réussi à assimiler et à s'approprier le code génétique inventé par
Disembowelment, en le développant jusqu'à son summum. Tout sauf un mince exploit tant l'exercice est difficile, et
Evoken s'en tire avec un brio jamais vu jusqu'alors.
Ma référence au
Chateau des Carpathes n'était pas gratuite, car outre le lien musical entre les deux oeuvres (puisque l'oeuvre de Verne tourne autour d'une chanteuse d'opéra et de la malédiction qui la condamne à toujours répéter le même spectacle), il y a une similitude d'ambiance qui peut visuellement se matérialiser sous la forme de murailles humides, de caveaux obscurs, de couloirs infinis, par la folie omniprésente et le désespoir sans fond.
A vrai dire, et malgré des années d'écoute assidue et énamourée de ce chef d'oeuvre, la seule chose qui m'empêche de mettre la note maximale à
Quietus, c'est la suite. Car sur les deux albums à venir,
Evoken va réussir l'exploit, impossible à imaginer à l'époque de
Quietus, de se dépasser...
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