Qui ne connait pas aujourd'hui
Baroness ?
Ce groupe issu de la fameuse scène de Savannah/Atlanta (qui a vu naître notamment
Baroness,
Kylesa et
Mastodon pour ne citer que les piliers) s'est hissé progressivement au rang d'incontournable du genre metal, au même titre que les deux autres groupes sus-cités. Si tous partagent des origines communes à la frontière entre le hardcore, le sludge et le
Stoner, il est intéressant de noter qu'ils ont chacun pris une voie différente en intégrant des éléments extérieurs qui leur sont propres avec les années. Une même base pour trois résultats différents. Progressive en insufflant des influences heavy pour
Mastodon, vague rétro a forte connotation
Stoner pour
Kylesa, et enfin un abandon du progressif et des sonorités pop (voir folk) de plus en plus prégnantes chez
Baroness.
Alors comment s'en sort ce nouvel album, comme toujours, nommé et composé en fonction d'une couleur maîtresse, ici le violet ? Le violet est une couleur ambiguë, complexe, tantôt élégante et douce, tantôt inquiétante et sombre.
Cet aspect obscur est rendu par un choix de production original qui pourra déplaire mais qui ne manque pas de créativité, avec une saturation très présente, au niveau des guitares certes, mais aussi de la batterie (et notamment de la caisse claire). Le résultat est parfois imprécis (et donc obscur) au niveau du son, loin des standards très propres et standardisés que l'on retrouve dans les dernières productions d'un
Mastodon.
Cette production apporte une puissance instrumentale évidente, notamment sur les riffs où les influences sludge se font encore sentir, ainsi qu'une rondeur et une chaleur enveloppante qui collent particulièrement à la "couleur mère" du disque. Néanmoins, on peut comprendre les diverses critiques faites au sujet de ce choix artistique, pour le moins déconcertant aux premières écoutes, notamment sur les parties mélodiques, qui gagneraient peut-être à avoir un son plus lisible. Pour ma part, la démarche me plaît et j'adhère finalement au rendu total.
D'un point de vue musical désormais : la première chose qui marque est la fin du virage amorcé par l'album Yellow and Green.
Exit les longs développements, les structures alambiquées et l'aspect progressif, les titres se veulent ici concis et efficaces, l'aspect pop et mélodique avancé dans Yellow and Green se confirme ici, mais là où le résultat était parfois maladroit, ici tous les titres sont taillés pour une efficacité maximale, les mélodies font mouche et tous les refrains vous resteront en tête. C'est là une des grandes forces de l'album, certes court, mais sans fioritures. Les lignes vocales sont d'une grande beauté et les choeurs très bien emmenés (de gros progrès ont été faits d'un point de vue vocal, avec un John Baizley sachant manier le chant clair et saturé à la perfection). Cette concision, cette efficacité et cette force mélodique sont les grandes forces de l'album.
Que du bon, me diras-tu jusque-là. Hmmmm oui et non. Si la structure très classique et épurée des morceaux sert cet aspect pop et le côté mémorable de chaque titre, il en ressort aussi une impression de "pas fini", d'incomplétude. Là où le
Blue Record ou le
Red Album étaient de véritables invitations au voyage et prenaient le temps de développer des univers riches et évocateurs, on perd évidemment grandement en profondeur.
L'éternelle question revient alors : ont-ils vendu leur âme au diable du commercial ? Le seul diable que craint l'aficionado des musiques extrêmes.
A mon sens non. Certes la musique se veut plus pop (dans son sens premier, populaire), certes la violence est moins présente, certes la structure des morceaux et l'efficacité des refrains et des mélodies rendent l'ensemble plus accessible à la population lambda.
Mais (et c'est un grand mais), le résultat reste malgré tout d'une grande originalité, et le fait d'avoir réussi à fusionner une base sludge avec une évolution plus pop-rock, mêler des lignes vocales, choeurs et mélodies d'une grande finesse avec une production si lourde et saturée, et réussir à rendre l'ensemble cohérent relève à mon sens du petit exploit. Quant à l'originalité, on la réalise en se posant une question toute simple : qui aujourd'hui joue du
Baroness ? Qui évolue dans ce style bien précis ? Si les influences et structures sont classiques, la recette et le résultat, eux, ne le sont nullement.
Alors le résultat ? Je pense qu'il s'agit là d'un album de très bonne facture, original, prenant, efficace. Ce genre d'album qui déplait au départ de par son aspect atypique mais dont on ne peut s'empêcher de revenir réécouter quelques morceaux régulièrement, puis l'ensemble. Et puis le goût se fait et l'on finit par aimer de plus en plus et par y trouver une richesse et une profondeur inaccessible aux premières écoutes.
Je regrette néanmoins la structure simpliste de la plupart des morceaux, ce "déjà ?!" que l'on ne peut s'empêcher de se dire par moments, comme si le morceau écouté n'était qu'un extrait d'une pièce plus alambiquée que l'on aimerait découvrir (bien que cela souligne l'aspect évocateur des morceaux).
Ainsi, malgré les réussites évidentes de l'album, cette frustration ressentie, ce sentiment d'incomplétude développé plus en haut, me font mettre la note (déjà très honorable) de 15.
Alors pourquoi lis-tu 16 ? Parce que "Chlorine and Wine", la pièce maîtresse de l'album. Progressive, intense, planante, enveloppante, entêtante, puissante, mélodique, riche. Tout simplement superbe, c'est l'écoute de cette chanson avant l'écoute de tout l'album qui a participé à ma déception première, car on atteint ici le summum de ce que
Baroness n'a jamais pu faire, une véritable bouffée d'énergie positive, un cri de vie.
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