Il y a des groupes dont on aurait envie de devenir fan, rien que pour leurs pochettes. Ça faisait longtemps que je salivais sur celles de
Baroness, plus magnifiques les unes que les autres, que l'on doit à l'artiste John Dyers Baizley, qui fait entre autres des artworks pour
Kvelertak,
Torche, ou
Pig Destroyer. Or il se trouve que
Baroness est le groupe créé par le dit John en 2003, avec au départ quatre potes de Lexington, Virginie, USA : John Baizley, Summer Welch, Tim Loose, et Allen Brickel. Du line up d'origine, il ne reste que John, les autres membres actuels étant Nick Jost (basse, claviers, depuis 2013), le batteur
Sebastian Thomson (depuis 2013), et enfin la guitariste Gina Gleason. Arrivée en 2017, avec un curriculum plutôt atypique (Le Cirque du Soleil, Misstallica, concerts avec
Smashing Pumpkins et Santana,...), elle a eu la lourde tâche de remplacer Peter Adams. Elle a vite trouvé une nouvelle alchimie avec John aux guitares et aux vocaux, et son énergie en live est débordante.
John Baizley était arrivé au terme de sa série des couleurs, avec leur dernier album sorti en 2019, "
Gold & Grey" qui avait divisé par son aspect expérimental, à force de multiplier les pistes ; certains l'ont adoré, et d'autres, comme moi, ne sont pas arrivés à rentrer dans cet Alice In
Wonderland musical...
Le destin a voulu que la préparation de la composition de son successeur arrive au moment du premier confinement. C'était la première fois que la même formation était reconduite sur deux albums, et plein de confiance, le groupe a choisi de se servir de cette contrainte pour enregistrer eux-mêmes ce nouveau disque. En conséquence, tant qu'à être confinés, ils ont loué un appartement où ils ont ramené tout leur matos : ce lieu a été leur salle de répète, puis d'enregistrement pendant plusieurs semaines. Avec le but de s'éloigner de la grandiloquence de mise sur "Gold and
Grey", et d'aller vers plus de simplicité, les musiciens ont pu laisser l'inspiration infuser leur créativité, d'où qu'elle vienne : des cris d'oiseaux par une fenêtre ouverte, une improvisation laissée telle quelle sur le disque, un morceau écrit à quatre mains...
Les quatre membres du groupe ont enregistré, mixé et produit "
Stone", et l'ingénieur du son Joe Barresi (
Tool, Slipknot,
Kyuss,...) et John Baizley sont ensuite allés à
Los Angeles ajouter la touche finale au disque. Cependant, avec la reprise de tournées en 2021 et 2022, sa parution a été retardée , jusqu'au 15 septembre 2023, chez Abraxan Hymns.
Si on s'en tient à son titre, "
Stone" rompt avec la série des couleurs, "
The Red Album", "
Blue Record", "Yellow and Green", "
Purple", et "
Gold & Grey". Est-ce que cela se confirme dans le son ?
Pas vraiment, car il poursuit la veine de l'album précédent, en étant plus concis, resserré, avec des chansons qui partent moins dans tous les sens. Les éléments sludge, prog, rock psychédélique s'enchaînent harmonieusement, comme un rêve suavement hallucinatoire.
Sur une première moitié de l'opus,
Baroness choisit le contre-pied entre riffs lourds, sales et méchants, et une musique s'élevant dans une certaine forme de lyrisme. Sur "Last Word " qui déboule après une courte intro intimiste, tous les instruments volent tour à tour vers les sommets, même la basse qui sort du bois à son tour sur la fin du titre. Imaginez un At The
Drive In assagi, qui se mue d'une minute à l'autre en
Mastodon cradingue.
La lourdeur des guitares rythmiques et la clarté illuminée du chant de John se juxtaposent sur "Anodyne", dans un clair obscur du plus bel effet. Sa voix est le plus souvent claire ou simplement criée , et il est souvent accompagné de Gina, comme sur le
Stoner planant de "Shine" ou les voix se rejoignent sur un final désespéré, ou encore "Bloom" qui est quasi un duo vocal. Les screams sont plutôt cantonnés dans la première moitié du disque, clairement plus rentre dedans, et dans certaines montées rageuses. Le son de batterie est saisissant et laisse beaucoup d'espace autour de lui, repousse les murs de la pièce sous la réverbération de ses coups ("Under the
Wheel" et plus encore "Choir").
Même lorsqu'il se cantonne à un sludge thrashy, il reste imprévisible, capable de partir dans une toute autre direction.
Baroness a toujours eu une grosse influence
Mastodon, et ce cru ne fait pas exception à la règle, sur "Last Word" ou "
Magnolia ".
Plus étonnant, j'ai trouvé des relents de
Slayer avec des guitares harmonisées par le Malin sur le début de "Anodyne", ou sur les couplets lourds saccadés et menaçants de "
Beneath the
Rose", dont l'apparente simplicité est troublée par une basse serpentine."
Beneath the
Rose", "Choir" et "The
Dirge" forment un triptyque de morceaux, qui ont été composés ensemble ; c'est la pièce principale du disque, qui après recollage fait presque onze minutes.
Les idées les plus simples sont parfois les plus transcendantes, comme les trois harmoniques limpides qui initient "
Magnolia"... le groupe fait mine de construire son morceau dessus, avant de partir sur des riffs plus énervés, mais sur un faux rythme. Dommage que certaines bonnes idées ne soient pas approfondies, alors que d'autres plus quelconques sont délayées sur de longues minutes.
Ça finit même en folk et petites fleurs sur "Bloom", une berceuse doucereuse, plutôt dispensable à mon goût, qui achève la courbe descendante que suit cet album, garantissant un atterrissage sur édredon tout à fait confortable.
"
Stone", contrairement à ce que son nom laisse supposer, est un album exploratoire, qui digresse, chancelant d'ivresse, les pieds dans la fange et la tête en l'air. En revanche, je trouve qu'en avançant, le disque perd en consistance et en percussion, s'endort dans son dernier tiers en volutes d'oisiveté créative. Dommage de ne pas avoir gardé l'intensité tout du long, et de ne pas avoir pris plus de risques sur les idées fortes de chaque chanson. De quoi devenir fan ?
Pas encore totalement, mais
Baroness a assurément de quoi envouter à l'avenir.
Merci pour la chronique.J'adore cet album. Plus je l'écoute, plus je le réécoute :D
Les 2 voix font mouche chez moi sur cette galette, Magnolia a retenu mon attention dès la première écoute!
Une chronique qui éveille ma curiosité et qui m'a fait basculé sur l'achat d'une Deluxe Edition au contenu soigné. Merci !
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