Liste des groupes Power Mélodique Borealis (CAN) Purgatory

Appréhender toute forme d’art c’est aussi se laisser inviter au voyage vers des contrées dans lesquelles vous risquez de faire des découvertes émotionnellement intenses. Lorsque vous serez submergés, l’artiste aura ainsi atteint son but : vous faire pénétrer dans son univers, avec une étrange sensation d’avoir redécouvert une sorte de part cachée au plus profond de votre inconscient.

Stratovarius, Pagan’s Mind, ou encore Evergrey, font partie de ces groupes qui possèdent le talent nécessaire pour réinventer sans cesse un style aux jalons posés il y a déjà fort bien longtemps. En plus d'avoir repoussé la limite de la technique, ils ont su apporter une touche personnelle forte capable d'insuffler la vie aux compositions. Lourd héritage à défendre pour les (trop) nombreuses formations de la nouvelle génération. Seuls les plus audacieux pourront rivaliser et s'imposer…

Les Canadiens de Borealis, qui fêteront cette année leur 10 ans d’existence, font partie de ces jeunes espoirs qui ont évolué au contact de pointures telles que Symphony X, Avantasia et plus récemment Evergrey, et ce, depuis la parution de leur premier album « World of Silence » sorti en 2008. Et quand on connait le souci de ces artistes pour trouver des premières parties qui possèdent les qualités suffisantes pour ouvrir les hostilités….

Après le temps de la maîtrise vient le temps de la maturité, l’affirmation d’une personnalité.

« Le Purgatoire surpasse en Poésie le Ciel et l’Enfer en ce qu’il représente un avenir qui manque aux deux premiers »

Dans ce troisième essai, sobrement nommé « Purgatory »…,et de surcroît, superbement illustré, nous sommes sur cette frontière étroite séparant l’Enfer du Paradis, bravant une attente qui s’étend hors du temps et de l’espace, que seule la réminiscence de quelques images de cette vie passée nous permet de surmonter. Mais cette attente est aussi l’opportunité d’évoluer vers des horizons nouveaux.
Et puisque aucun retour n’est possible, laissez la souffrance physique en ce bas monde, osez quitter votre enveloppe charnelle et élevez-vous dans les limbes étourdissantes de beauté sans vous attendre à être bercé dans un linceul de sérénité… La violence sera aussi présente lors de votre départ du monde des vivants.

La musique de Borealis ne s’écoute pas mais elle se vit, à chaque instant, à la fois comme un parcours initiatique né de la rupture de toute connaissance antérieure, offrant un émerveillement à chaque instant, vous faisant évoluer dans une atmosphère empreinte d’une large palette d’émotions. Un voyage qui s’étale sur 12 titres, où tout est amené de manière habile et subtile par notre quintet originaire de l’Ontario.

La première écoute se révèle ainsi passionnante. Il en faudra d’autres pour saisir toute la dimension de cet opus. L’introduction nous entraîne dans ce moment où l’être est suspendu à la mince frontière qui le sépare de l’Inévitable, la mort pouvant même frapper lorsque apparaît la vie. Puis, vient la rupture… et le début d’un voyage accompagné par le martèlement d’une rythmique sans concession avec une détermination qui n’a d’égal que la divine beauté des parties cristallines de synthé. Du Power Metal mélodique de grande classe. Quel sens de la composition!! Quelle assurance dans les riffs!!
« Past The Veil » vient de vous faire pénétrer dans l’univers de Borealis… première minute d’un voyage aussi fantastique qu’époustouflant. Et ce n’est qu’un début… Sean Dowell confirmera sur ce titre, et tout ou long du skeud, qu’il est un batteur qui mérite l’intérêt grandissant qu’on lui porte, efficace sans être trop démonstratif, toujours au service de la mélodie. La section rythmique est ainsi basée sur le duo infaillible qu’il forme avec le bassiste Jamie Smith. Et cette mélodie est apportée par le rythmique Mike Briguglio et le claviériste talentueux et virtuose Sean Warlick, qui se chargeront de vous transporter au-delà des confins de notre vie.

Si cette ouverture vous a coupé le souffle par son dynamisme, sa rigueur, sa fougue et sa créativité, « From The Ashes » vous emmènera encore plus loin dans les limbes. Les lignes vocales restent simples, abruptes, avec un timbre assez proche d’Hansi Kürsh ou encore de Jens Carlsson (Persuader). Notre homme possède un chant, certes, éloigné des standards techniques, mais il offre des lignes suffisamment convaincantes pour nous tenir en haleine et amener la puissance nécessaire pour remplacer les refrains par des hymnes tels « Chosen One ». Un timbre particulier, certes, mais une composition qui ne peut renier l’influence que Russell Allen et Tom Englund ont pu avoir. « Darkest Sin », véritable morceau de bravoure épique se montre, en effet, très proche d’un "The Accolade", avec une dimension encore plus intimiste. "Rest My Child" tire sa force d'une base encore plus dépouillée, possédant néanmoins des arrangements de qualité. Ces titres, seuls exempts de toute énergie brute, montrent la supériorité d'un groupe capable d'orchestrer intelligemment ses compositions et de leur insuffler une profondeur telle qu'ils ne pourront laisser personne de marbre.

Souvent comparée à Evergrey, la musique de Borealis s’avère beaucoup plus lumineuse et beaucoup moins progressive dans sa forme, arborant une musique plus traditionnelle et directe. Un soin particulier a été apporté dans la création de rythmiques massives et alambiquées, que l'on retrouve tout au long de l'album, en particulier dans l’abrupte « Destiny » et l'excellent « My Peace », trésors d’ingéniosité appuyés par un synthé loin d'être superflu.

Côté son, on frise l’excellence dans le style, le mixage est équilibré et la production parfaite, ni sur-produite, et n’anémiant aucun instrument.

Borealis est un sérieux concurrent qui surpasse beaucoup de formations actuelles en termes de mélodie et de puissance et qui pourrait bien s’imposer sur le devant de la scène internationale. Bien qu’il ne révolutionne pas le style, il en propose simplement le meilleur, sachant combiner technicité, énergie et profondeur des orchestrations. La forme y est respectée mais épurée, technique mais ne gardant que l’essentiel, à savoir des mélodies à la fois intelligentes et accessibles. Ajoutez-y des refrains « qui tuent », une personnalité propre et des parties mélodiques inspirées et il est sûr que vous comprendrez que ce "Purgatory" est probablement la claque de cette année catégorie Power Prog.

Nous voilà désormais arrivés au terme du voyage, clôt par « Revelation », dernier hymne, ému et fatigué par ce que nous venons de vivre, avec comme seule issue cette porte vers l’inconnu, qui n'est finalement pas si menaçante. Tout retour est désormais impossible et votre passé s’éloigne de plus en plus en plus... Si la vie est un éternel recommencement le Purgatoire n’est peut être qu’un lien vers un continuum qui prendra sa source lors d'une nouvelle écoute de ce fabuleux opus…