En 2017,
Wolves in the Throne Room sortait
Thrice Woven et rassurait les amateurs d’un black atmosphérique et sylvain de qualité trois ans après un
Celestite entièrement acoustique qui avait pour le moins déstabilisé les amateurs du groupe. Le trio composé des frères Weaver et du guitariste Kody Keyworth revient désormais pour son septième album longue durée,
Primordial Arcana, le premier entièrement autoproduit dans le
Owl Lodge Studios du groupe paumé au fond des bois, et qui confirme le retour au son unique qui a fait sa notoriété et écrit la première page du Cascadian Black
Metal.
On reconnaît tout de suite l’expression musicale des Américains, proposant toujours ce black metal si unique à la fois terriblement organique et impalpable, tourbillonnant et immuable, se plaisant autant à nous égarer dans les firmaments célestes que les entrailles de la terre, un art très personnel et donc difficile à décrire puisqu’il semble être l’expression brute de la Nature telle que la ressentent ses trois hérauts de chair et d’os.
Moutain Magick ouvre dans un registre très atmosphérique qui, après une montée en puissance sombre et menaçante nous retenant dans les entrailles de cet immense monstre rocheux, semble monter à l’assaut du ciel à la recherche d’une magie et d’une spiritualité dispersées depuis des millénaires. Le riff central, lumineux et céleste, donne l’impression de vouloir accrocher les étoiles et malgré les blasts et le chant black arraché de Nathan, le morceau se fait plus onirique que réellement agressif.
Spirit of
Lightning poursuit sur cette lancée, avec une musique lente et solennelle à la beauté désolée dont la mélodie principale, intemporelle et dégageant une aura presque shamanique, renforcée par un subtil jeu de cordes et de percussions orientalisant, nous engourdit tout en douceur et en langueur. On reconnaît bien le propos musical du groupe, avec cette âme animiste et forestière qui guide la musique d’un bout à l’autre de ces 44 minutes, jusqu’à la conclusion Eostre, courte pièce purement ambiant de trois minutes où les nappes brumeuses du clavier épousent des notes plus claires et printanières qu’on pourrait rencontrer chez
Empyrium en une symbiose apaisante qui nous enveloppe et nous ressource comme l’énergie primale de Gaïa.
Comme d’habitude, le travail sur les atmosphères force le respect, entre samples de nature, jeu de clavier renforcé, subtiles ajouts de cordes et passages acoustiques (le break central de Masters of
Rain and Storm) et chœurs païens et vaporeux (la fin de
Through Eternal Fields); l’immersion est d’autant plus totale qu’elle est renforcée par une production faite maison admirable, à la fois organique, dense et profonde, laissant idéalement chaque instrument s’exprimer et chaque passage plus calme étirer ses respirations atmosphériques (la fin de
Spirit of
Lightning superbement mélancolique, la superbe intro d’Underworld
Aurora, morceau par ailleurs en deçà des autres, avec ce riff doomy qui ressemble trop à celui de
Spirit of
Lightning en moins accrocheur).
La musique du trio se fait une fois encore riche et subtile, presque progressive malgré des titres moins longs qu’à l’accoutumée, évoluant tout en contrastes et en paradoxes et ballotant l’auditeur dans des contrées inexplorées où l’émotion règne en maître, quelque part entre sentiment de grandeur et angoisse, béatitude et terreur, apaisement méditatif et courts accès de fureur, évoquant des combos aussi différents que
Ruins of Beverast,
Bathory,
Drudkh ou
Alba pour n’en citer que quelques uns.
Au rayon des nouveautés, on pourra souligner une utilisation accrue des claviers, les Américains reconnaissant s’inspirer directement du son des groupes de black symphoniques des années 90, ainsi que quelques passages plus lourds qu’à l’accoutumée, flirtant volontiers avec le doom (un
Primal Chasm aux passages rampants, dont l’entame glaciale et noire peut évoquer l’ombre carnassière de
Hate Forest, mais sans l’explosion de blasts tant attendue derrière ce roulement de batterie moribond à 39 secondes ; Underworld
Aurora) ou le death (
Master of
Rain and Storm, avec ses vocaux caverneux et ses guitares grondantes qui proposent quelques riffs bien lourds et saccadés typiques du metal de la mort).
Pour conclure, après l’écart qu’était
Celestite,
Wolves in the Throne Room revient à ses premières amours et nous propose encore un très bel album, peut-être encore plus diversifié que les précédents, s’éloignant toujours plus du pur black pour un mélange metallico atmosphérique unique et viscéralement spirituel très réussi. Pénétrez au cœur de la forêt, asseyez-vous sur un tapis de feuilles mortes, fermez les yeux, respirez profondément, faites le vide dans votre esprit et tentez de vous débarrasser de vos turpitudes humaines et matérielles, puis laissez-vous happer par la musique, véritable âme de la nature qui vous entoure. C’est sans doute la meilleure formule pour s’initier au mieux à ce nouvel arcane primordial...
Thrice Woven m'avait passablement emmerdé, mais le peu d'extraits que j'ai pu écouter de celui-là me bottent bien, surtout quand je vois cité du Hate Forest qui traîne en légère influ... Qu'est-ce qu'il vaut par rapport à Celestial Lineage? Two Hunters je demande même pas, je ne pense pas qu'il arriveront à le dépasser...
Wolves in the Throne Room possèdent cette faculté rare à produire des albums qui parviennent quasiment à chaque fois à me séduire dès la première écoute, et celui-ci ne fait pas exception. Le groupe reste certes dans des sentiers qu'il a lui-même défrichés et désormais battus à maintes reprises, mais la promenade est toujours une belle expérience, vivifiante comme un souffle d'air glacé venu des cimes. J'ai pour ma part perçu une assez forte influence Burzum au détour des sonorités de cet opus, je suis d'ailleurs surpris que personne ne l'ai mentionnée jusqu'ici.
Par contre, un peu les boules d'acheter le digipak en édition limitée et de devoir claquer 1,50$ additionnels pour récupérer le titre bonus sur leur bandcamp… Une décision débile du label, j'imagine, mais rien que pour le principe, j'ai les babines qui se retroussent sur les crocs.
Merci pour la… heu… croc ! :)
Pas du tout accroché avec cet album. Two Hunters reste le meilleur album pour ma part.
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