Le constat devient sans appel. Après de longues années de disette créative, de reconnaissances absentes, de vide et de labeur ; la scène métallique française s’est forgée l’une des plus fortes personnalités européennes actuelles.
Sous le joug de groupes extrêmement novateurs allant de
Gojira à
Kalisia, en passant par
Dagoba,
Hacride ou
Scarve, cette scène n’a cessé d’expérimenter encore et encore pour atteindre une dimension inédite et aujourd’hui extatique.
Débarrassée de ses complexes, la France voit donc émergé de plus en plus de groupes, plus ou moins intéressant, plus ou moins novateurs, plus ou moins inspirés…ce qui est le cas de
Psygnosis, dont le premier ep se voudra l’égal d’une énorme claque en travers de la fourmilière du conformisme et de la passivité d’écriture.
Derrière ce projet se cache un unique homme, une identité à part, anticonformiste et indépendantiste, répondant au nom aussi étrange que mystérieux de M.Kekchoz.
Un patronyme anonyme qui laisse parler l’artiste avant l’individu, la musique avant l’homme, une preuve et une volonté de mettre en avant l’art avant tout, à l’instar d’
Hegemon par exemple.
Cet ep, prenant la forme d’un véritable album dans sa durée (plus de 40 minutes), se compose d’une introduction et de quatre longues plages sonores, d’identifiant par des «
Phrases » numérotées de 1 à 4, symbolisant un concept global. Le couperet tombe dès la première écoute : le résultat est impressionnant.
S’écartant de nombres de sentiers déjà explorés pour en tracer un réellement nouveau.
Psygnosis dérive dans les méandres d’un métal atmosphérique et expérimental, souvent lent et narratif, où surgissent des déchainements de haine et de furie souvent succins mais indispensable à la cohérence globale.
Une alchimie conférant une ambiance presque cinématographique plane sur "
Phrases", notamment sur "Phrase 02 - Chute inexorable vers un paradis de souffrance et de pleurs", où la voix narrative évoque celle de Samuel L.Jackson, à la fois sentencieuse, solennel et imposante.
Musicalement, l’intro est une symbiose de riffs syncopés et d’une ambiance planante, ayant pour ouverture le discours de Neo dans Matrix (celui fermant le premier volet), conférant un aspect mystique et philosophique à la portée du concept.
Souvent rythmée par des lignes de basse ou de guitares très mélancoliques, les compositions semblent s’étirer indéfiniment dans le temps, hypnotisant l’auditeur dans une spirale sans fin. "phrase 01 - Comme si le rêve prenait soudainement le contrôle de l'existence et de la raison" possède une première partie très lente, rampante, héritière d’une portée doom, sur laquelle se pose quelques souffles, d’infimes murmures caressant nos sens. Puis l’explosion, très grasse, thrash dans l’esprit, dévoilant une production des plus puissantes et claires, impressionnante au vue du peu de moyens mis en œuvre.
Le chant death de M.Kekchoz est brut, sans fioritures, vomissant une haine d’un monde aveugle, avant de s’étrangler dans une boucle industrielle tournoyante.
Si
Psygnosis se veut plus souvent lent et maladif, la véhémence trouvera son apogée sur "phrase 03 - Alors que la colère et la haine atteignent l'apogée de leur éclat", envoyant l’auditeur dans une spirale de violence synthétique et effroyablement aliénante, sans issue de secours. Ce sentiment d’isolement, d’enfermement, de se retrouver dans l’esprit tourmenté d’un aliéné mental se manifeste par une boite à rythme répétitive et suffocante, dans la veine d’un
Lex Talionis. Mais également, il y a ces vocaux, brutaux, schizophréniques comme l’étaient ceux d’un
Devin Townsend au commencement de sa carrière ("Heavy as a Really Heavy Thing"), emplie de démence et saturés à outrance.
L’on retrouve une mélodie guide, un fil rouge et conducteur tout le long de ces différentes
Phrases. Une empreinte faite de chair et de sang, symbiose de souffrance et de rédemption, qui sert de toile de fond au concept que les parties narratives développent, particulièrement sur la religion, la gnose, l’aveuglement et le mensonge. Des narrations, féminines ou masculines, souvent familières, qui instaurent une vision contemplative, d’autant plus malsaines qui plus est, comme l’a déjà réalisé
Elend pour "A World in Theirs Screams".
Finalement, que dire si ce n’est que
Psygnosis provoque le tour de force dont personne n’aurait songé l’existence. En mélant l’humanité des émotions à la mécanicité musicale, symbolique d’une mécanisation, d’une automatisation de la pensée dictée par la religion et un gouvernement asservissant les masses, ce one man band est parvenu, dès un premier essai à peindre un véritable monde.
Alors, non sans certains minimes défauts introducteurs, ce premier ep laisse éclater la catharsis d’un homme ordinaire ayant osé penser différemment, afin de suivre un chemin initiateur qui lui est propre, celui de l’indépendance.
Vraiment bon et différent.
Un grand bravo a Mr.Keckchoz!
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire