Qui aurait pu prévoir cela ? Je vous le demande. Qui, parmi nous, pauvres humains, avachis derrière nos écrans d'ordinateurs respectifs, aurait pu prévoir qu'un tel météore de noirceur frapperait notre scène musicale de plein fouet ?
Je vous le donne en mille : absolument personne. Personne n'aurait pu prévoir que
Deathspell Omega, avec ce simple album, écraserait, mutilerait, et enterrerait toute concurrence dans le domaine du Black
Metal. Oui. Prenez toutes les espérances que vous aviez mis en ce disque, multipliez-les par cinq, et vous serez encore loin du compte.
C'est un constat simple : depuis que j'ai ce disque (c'est-à-dire hier matin), je n'ai absolument pas arrêté de l'écouter, consacrant l'intégralité de ma journée à la découverte et à l'appréhension de ce "
Paracletus". Je m'enfermais donc dans ma chambre, transformée pour l'occasion en pièce totalement noire : volets fermés, afin que mon ouïe puisse pleinement profiter de ce disque, que nous attendions tous comme le messie.
Dieu, dire que nous "l'attendions" serait un euphémisme. Ce "
Paracletus", ce serpent de mer, qui se dévoila d'abord par le biais de sa tracklist aux titres toujours aussi énigmatiques. Puis qui, enfin, dévoila son visage et son corps : une hideuse masse noire, grouillante et brûlante, sans aucune expression, sans aucune humanité. Le ton était donné. Et cet avant-goût ne fût que confirmé par le morceau "Devouring Famine", dévoilé par Season of
Mist, fiers (et ils ont bien raison) de leur nouveau poulain.
J'ai accumulé les écoutes. Les unes après les autres, j'ai tenté de percer la carapace noirâtre, de discerner l'aura abominable entourant ce "
Paracletus". En vain, j'ai cherché quelques prises pour tenter de me sortir des abîmes de la folie dans lesquelles ce disque m'a plongé. A chaque fois que je crûs en discerner une, ma main eu tôt fait de se poser dessus, pour finir par se rendre compte qu'elle n'était qu'un serpent, mordant violemment la main, injectant son venin sombre, ne rajoutant que fièvre et spasmes à ma crise de démence.
Oui, ce disque m'a mis dans un état impossible. Comme Gris m'avait fait pleurer toutes les larmes de mon corps,
Deathspell Omega m'a mis en état de transe : la nuit blanche que j'ai passée à décortiquer cette offrande au Malin, je l'ai passée à suer, à trembler, à sursauter. J'avais beau tenter de fumer cigarettes sur cigarettes pour essayer de me calmer, rien n'y faisait. Ce n'était pas moi qui écoutait "
Paracletus", c'était "
Paracletus" qui m'hypnotisait, me tentait, me faisait croquer la douce chair de la folie.
Je n'ai pas vu le temps passer. Les heures et les minutes se confondaient. Quand j'ai, pour la première fois, pressé la touche "arrêt" de la télécommande de ma chaîne hi-fi, il était déjà sept heures du matin. Définitvement changé par l'écoute de l'objet. A l'heure ou j'écris ces quelques lignes, j'en suis à ma vingtième écoute de ce monument. Et la première chose qui me frappe, c'est que jamais, durant ces nombreuses écoutes, la Lassitude n'a osé pointer son nez, probablement effrayée par tant de démence contenue dans un unique disque. A chaque nouvelle session, on découvre quelque chose de nouveau. Une nouvelle difformité sur le corps boursoufflé de cette hideuse créature. Et rien que ce tour de force est assez magistral pour mériter d'être souligné.
Musicalement, "
Paracletus" est le juste milieu entre l'assourdissant et brumeux "Si Monvmentvm..." et le dissonant "Fas-Ite..."; ceci se ressent notamment au niveau de la production, moins nette et pointue que sur "Fas...", mais tout de même plus claire que sur "Si Monvmentvm...". Si j'ose dire, la production parfaite, pour un groupe tel que
Deathspell Omega.
Il fallait bien une production de cette trempe pour que l'auditeur puisse pleinement se faire attirer par la pomme de démence. "
Paracletus" le tentateur se révèle être une masse sonore polymorphe, aux structures changeantes et extrêmement complexes. Permettez-moi la comparaison suivante (qui sonnera peut-être comme un blasphème pour les Pvristes, mais je m'en fiche royalement) : "
Paracletus" est au Black
Metal ce que
Meshuggah est au Métyal tout court.
Car musicalement, ce disque en impose. Les compositions sont recherchées, et totalement imprévisibles. En parlant de prévisions, par exemple, qui aurait pu voir venir que le groupe emploierait la langue de Molière sur quelques titres de ce disque ? Oui, en français. Et pour tout les francophones du site, l'usage de notre belle langue ne donne que plus de possibilités au groupe, et l'auditeur ne peut que mieux en ressentir la parole malsaine.
Deathspell Omega prêche, au cours de "Dearth", mais aussi des deux "Epiklesis", d'une voix sentencieuse. Mikko Aspa, tel le prêtre corrompu d'une église irrévérencieuse, déballe son sermon macabre, ternissant l'image divine, et parlant au nom de son maître,
Satan. D'une voix moins vomitive que sur "Si Monvmentvm...", il nous manipule, nous, foule d'auditeurs curieux, attirés par cette bête curieuse, pour mieux nous entraîner dans son culte morbide. Et hurle comme un dément, rappelant parfois les cris de folies du regretté Nattram (
Silencer,
Diagnose:Lebensgefahr).
Et, lorsque vous êtes pendus à ses lèvres, buvant ses mots dégoûtants, la bête attaque. Avec une sauvagerie sans précédent. Vous êtes les proies, eux sont les prédateurs, à l'image du titre "
Wings of Predation", qui charge à grands coups de polirythmies et de structures biscornues. Ou encore sur "Malconfort", qui romp brutalement le deuxième sermon du révérend, "Epiklesis II", vous assénant des blasts à en faire pâlir le plus
Frost******-addict d'entre vous.
Les titres sont tous du même acabit : violents et sans compromis. Le groupe ne connaît aucune forme de douceur, et même les morceaux un peu "reposants" pour nos tympans malmenés ne sont que des cadavres qu'on aurait tenté de maquiller. L'apparence peut-être apaisante, mais l'odeur de putréfaction reste tenace. Tout au long du disque, cette brume sombre sort des enceintes de votre lecteur de disque pour pénétrer au fin fond de votre cerveau, hanter votre âme, et infecter les lobes de vos cerveaux. Mélangeant les connexions entre les nerfs, désactivant les neurones, rendant une sensation de malaise désagréable et présente tout au long des quarante minutes de l'oeuvre.
Mais l'ambiance et la vitesse ne sont pas les seules armes du groupe, non, très loin de là. Piétiné par les charges dévastatrices des morceaux précédents,
Deathspell Omega saura vous achever avec des titres de la trempe de "Have you Beheld the Fevers? ", tout en un mid-tempo écrasant. Ballotés et tourmentés au gré des riffs tranchants et décousus, le crâne fracassé par le martèlement incessant de la batterie, les pensées hantées par les hurlements inhumains du chanteur, vous n'en pourrez plus. Vous vous effondrerez, trop éprouvés pour continuer.
Triste spectacle : Vous gisez à terre, dans votre sang souillé par le venin occulte de "
Paracletus".
Et "Apokatastasis Pantôn", dernier titre de l'album, et de loin le meilleur, résonnera pour vos funérailles. Titre progressif, se consumant à petit feu, dont la cadence est marqué par une batterie rythmant la marche funèbre, le tout sublimé par ces guitares, ces guitares incroyablement puissantes, qui jouent des riffs déchirants, mélancoliques et étonnamment lumineux; Comme le calme après la tempête. Le trio infernal contemplera votre cerceuil, jusqu'à sa mise en tombe, satisfait d'avoir fait goûter la pomme interdite à un pauvre mortel. Et le disque se termine.
Absolument tout est dit dans ma note. Ce disque est parfait de bout en bout. La seule chose qui l'empêche d'avoir un 20 est sa durée, bien trop court à mon goût. Mais ne prenons pas le risque de vexer le monstre, sa durée de vie est de loin acceptable. Dépêchez-vous d'aller écouter sa divine parole, buvez, ceci est son sang, mangez, ceci est sa chair. Ma chronique est longue, certes, mais résumer ce disque à la va-vite, ou encore omettre de raconter l'expérience de l'écoute aurait été une insulte au groupe. Un disque dont on ne ressort pas indemne. Je tire mon chapeau à LA sortie de cette année 2010, et retourne de ce pas l'écouter, me saouler de leur abominables pensées et croyances. Tout est dit.
[ Lisant des ciritiques qui ont eu lieu il y a une décennie je ne comprends pas... Avez-vous seulement déjà lu des critiques auparavant (peu importe l'art interrogé?) ? Plus elles sont proches de la sortie, plus elles sont passionnées ou au contraire, venimeuses (pour ne pas dire hautaines), le but étant de préférer ou non un artiste/une oeuvre... C'est là l'art de la critique ... Et Enthwane en rend une copie parfaite, passionnée et commentée (seul la notion de note peut-être criticable en ce point). Mais que voulez-vous de plus ? Une contre-critique ? Le site/Internet est fait pour ça non ? ]
Concernant le Cd en lui-même, c'est une oeuvre, elle plaît ou elle déplaît.
On peut aussi être de mon côté et trouver que ce n'est pas là l'essence du Black comme Enthwane la ressent et l'imagine. C'est pourtant un album comme l'on en écoute peu sinon jamais dans une vie. Complexe (surtout),complet, doté d'une production parfaite, de compositions inconnues jusqu'à alors, profondes et d'une inspiration géniale.
Il n'en reste pas moins qu'une telle pièce se devait d'avoir une chronique écrite avec les nerfs écorchés. (N'en déplaise au délaissés de la poste de l'époque.) Rappelons que la chronique est un art littéraire (les premiers paragraphes étant justement là pour juger de la subjectivité du chroniqueur). Ajoutons qu'Enthwane n'a que transposer de la prodonfondeur à une chronique numérique. Merci à lui.
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