Deux ans après un «
Sunbather » somptueux en tous points, débarquant de nulle part et prenant tout le microcosme métallique par surprise,
Deafheaven se voit extirpé de son anonymat et propulsé sur le devant de la scène extrême, provoquant par la même occasion la colère et les quolibets des « trve » black-métalleux pour qui la formation ne peut être affiliée à la mouvance du metal noir.
En effet,
Deafheaven a décidé de briser les codes, se présentant sans corpsepaint, cheveux courts, plutôt souriant, dotant «
Sunbather » d’un artwork rose, aux antipodes du style. De plus, la musique développée par les Californiens ne se cantonne pas à un black-metal pur et dur. Ils vont également puiser leur essence dans le post-rock ou l’indie-rock ajoutant à leurs compositions des plages aériennes et lumineuses, prouvant que ce maelstrom musical n’est pas antinomique au style auquel le groupe appartient.
C’est avec une fébrilité non feinte que votre serviteur débute la découverte intégrale de «
New Bermuda », nouveau méfait de
Deafheaven, la barre qualitative ayant été mise tellement haute avec son prédécesseur qu’il sera très difficile pour le petit dernier de soutenir la comparaison. « Brought To The Water » est introduit par des carillons inquiétants avant qu’un blast hystérique ne vienne nous replacer en terrain connu, la personnalité musicale du groupe est immédiatement identifiable, le combo reprenant la recette qui fit le succès de «
Sunbather », les rythmiques frénétiques côtoient toujours les parties lourdes ou planantes.
N’en déplaise aux puristes, l’affiliation black ne peut être reniée. Les nombreux passages blastés inhérents au style sont bien présents comme sur «
Luna », « Come Back » ou « Brought To The Water », amenant un côté sauvage et obscur à la musique de
Deafheaven et une violence, renvoyant à une pléiade de groupes se revendiquant de ce genre.
Mais les Américains refusent le formatage répondant à un étiquetage qui les enfermerait dans un carcan dans lequel ils finiraient par tourner en rond. Des passages aériens, faisant office de respiration salvatrice et donnant beaucoup de relief à «
New Bermuda », sont incorporés à l’ensemble. Ceux-ci sont à la fois lumineux (« Come Back »), tristes et mélancoliques (« Brought To The Water), apaisants («
Luna ») ou majestueux comme sur le final grandiose de « Baby blue ». L’ajout de mélodies n’est pas non plus étranger à ce côté « rayon de soleil » qui émane du « post-black » des Californiens. « Brought To The Water », « Come Back » ou
Luna » en sont des preuves flagrantes.
Deafheaven fait tomber toutes les barrières et prouve qu’il ne se pliera à aucun dogme avec « Gifts For The
Earth » qui, pour le coup, est bien plus proche de l’indie-rock que du black-metal. Seuls les vocaux éructés par George Clarke servent de passerelle. L’intelligence d’écriture du duo fait que ce morceau est doué d’une grande élégance et ne versera jamais dans un côté racoleur répugnant, lui amenant même (tout comme le reste de l’opus) une addictivité certaine.
La production est plus massive que sur «
Sunbather », où les guitares sont plus incisives et ne se contentent plus à n’être qu’un simple mur sonore (pour preuve, le solo de toute beauté sur « Baby Blue »). Elle place aussi l’organe vocal de George Clarke au premier plan et, le bougre vocifère, toutes tripailles dehors, à en faire pâlir une bonne frange des hurleurs du style. En plus des blasts beats, il « blackise » indéniablement l’ensemble.
Le seul reproche que votre serviteur pourrait adresser à l’encontre de «
New Bermuda » est le titre « Gifts For The
Earth », bien trop indie-rock. J’espère juste que ce morceau ne représentera pas la future orientation de la formation, qui l’éloignerait inévitablement de notre metal tant aimé.
Deafheaven propose, avec «
New Bermuda », une nouvelle œuvre exigeante, à la hauteur de son illustre prédécesseur, qui demandera une ouverture d’esprit prononcée pour en apprécier les multiples subtilités. Les Américains viennent une nouvelle fois de frapper nos cortex de façon durable, même si, de prime abord, ce dernier enregistrement semble moins riche que «
Sunbather », mais la multiplicité des écoutes vous prouvera le contraire.
Deafheaven, ce n’est pas de la musique, c’est de l’art !!
Quand à Gifts for the Earth, peut-être aurai-je besoin d'écoute supplémentaires, mais je ne l'ai pas trouvé particulièrement moins Metal que les autres titres. Certes, les passages calmes sont plus présents qu'ailleurs, mais ça fait entièrement partie de la personnalité du groupe, après tout.
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