C'est en 1990, à Athènes, que naît Septic
Flesh, dans la nébuleuse de la scène extrême grecque - l'un des plus vivaces foyers européens de black metal (
Rotting Christ,
Necromantia,
Varathron...). Formé par les frères Antoniou (Christos et Spiros) et par Sotiris Vayenas, le jeune groupe emprunte très tôt une voie différente de ses grands frères. Sa première démo,
Forgotten Path (ressortie en 99), montre un death metal assez obscur mais encore incertain, mêlant des éléments thrash/death primitifs et des inspirations plus heavy metal, avec quelques touches cérémonielles pouvant évoquant par moments du vieux
Paradise Lost. Suivant ce premier brouillon, un EP nommé
Temple of the Lost Race permet d'esquisser plus précisément la personnalité artistique du groupe, en rajoutant les premiers éléments symphoniques qui vont faire de Septic
Flesh l'un des précurseurs d'une nouvelle approche du death metal, où les claviers et orchestrations ont leur place. Tandis qu'au nord de l'
Europe, on se focalise sur le doom-death britannique ou sur l'étonnant
Tiamat qui rompt avec les standards de ses confrères suédois, c'est dans le sillage d'un compatriote de cette même veine musicale,
Nightfall (première signature du jeune label français Holy Records), que Septic
Flesh va grandir. A son tour signé par l'écurie française, qui ne démentira jamais son goût pour le metal grec, le trio, accompagné du batteur de
Nightfall justement, enregistre son premier album (produit par le leader de
Necromantia),
Mystic Places of Dawn, qui sort en
1994.
Dès le titre éponyme, force est de constater que le groupe a déjà acquis une maturité musicale absolument bluffante. De son death metal originel, on retrouve le growl sépulcral de Spiros, la lourdeur et la puissance des fondations rythmiques, la maîtrise du tempo oscillant méthodiquement entre structure plombée, accélération enlevée et du blast nerveux utilisé à bon escient (même si le jeu du batteur de session n'a pas la même finesse que celle des autres musiciens). Cette structure granitique à la croupe puissante est le premier étage du monument, déjà fondamentalement différent du death mélodique scandinave. Ce qui frappe ensuite, c'est la finesse d'écriture et l'implacable justesse de la construction mélodique. A la fois très complexe dans les enchaînements de ses construction à tiroirs, et très cohérent, le morceau reste centré autour d'une ligne mélodique superbe, emprunte de majesté, lourde en émotion et en atmosphère mystique. Riffs furieux et emballants, breaks aériens et émouvants, envolées lyriques, blasts surmontés de claviers symphoniques: Septic
Flesh réussit l'étonnant tour de force de construire un univers immersif chargé d'émotion, en six minutes étonnamment homogènes, sans tomber dans la moindre linéarité. Son death metal, symphonique donc, progressif d'une certaine façon, néo-classique dans sa structure implacable qui ne laisse rien au hasard, évoque un univers antique, l'odeur des vieilles civilisations méditerranéennes, avec la magie de leurs mythologies.
Le tour de force en est vraiment un, puisque les 55 minutes du disque sont du même acabit...la superbe nostalgie de
Pale Beauty of The
Past, sa justesse mélodique et sa profusion émotionnelle; la furie brutale des
Return to
Carthage ou Behind The
Iron Mask, magnifiée par des claviers au souffle épique; la magie de
Crescent Moon, sa longue montée paroxystique qui s'amuse à jouer entre passages initimistes (où le superbe jeu de basse de Spiros fait merveille) et les élans monumentaux où riffs de fer et claviers magnifiques donnent le sentiment de parcourir des mondes mythologiques antédiluviens; le jeu clair obscur très gothico-progressif de The Undervater
Garden...malgré sa durée, le disque s'avale assez facilement, sans véritable creux, preuve d'un talent incontestable et éclatant.
Jamais alambiquée, l'approche musicale des Grecs étonne par son ambition. Le jeu des guitares, s'appuyant la plupart du temps sur des mélodies assez simples, prend un relief étonnant dans la manière de se compléter, soit en contraste avec d'un côté un jeu puissant et basique complétant un lead lyrique aux inspirations heavy, soit dans un jeu entremêlé plus mélodique (avec souvent beaucoup de reverb, ce qui ajoute une note singulière, alors que pour les riffs plus massifs, la production un peu sourde peut gêner). L'ajout d'orchestrations (claviers, percussions), sans jamais donner dans le kitsch ou l'exubérant, vient parfaire cette construction parfaitement équilibrée, et lui donner une profondeur étonnante, qui contribue au rendu monumental du disque. Monumental, l'adjectif qui lui convient le mieux. Parce que son atmosphère antique est tellement prégnante qu'elle est une invitation dans un voyage dans le passé, dans cette civilisation aux parfums helléniques et orientaux sublimes. Et comme pour confirmer le caractère hautement symphonique du disque, celui-ci se clôture sur presque neuf minutes d'instrumentale, où les élans classiques au goût de mythologie grecque achèvent de convaincre du talent de composition du trio. Bien entendu, la débauche d'enchaînements peut dérouter les amateurs de compositions plus classiques, tant Septic
Flesh va loin dans cette profusion. Ceux-là pourront se rassurer en sachant que les Grecs parviendront à simplifier leur écriture et à gagner en efficacité sans que l'ambiance en subisse le préjudice, sur les albums suivants...pour ma part je resterai éternellement sous le charme de ces envolées lyriques démonstratives aux contours un peu rêches, ce mélange d'art primitif et de baroque...
Avec sa lumière, son souffle épique, son mysticisme parfois poignant,
Mystic Places of Dawn reçoit un accueil enthousiaste de la part de bon nombre d'amateurs de metal extrême. Son approche symphonique se démarque non seulement du death metal traditionnel, mais également du doom-death ou des premiers balbutiements du metal gothique, par son côté monumental et cérémonieux très ambitieux. Une preuve avant l'heure que le black metal n'est pas le seul à pouvoir cumuler approche extrême et élans symphoniques.
L'album reste à ce jour l'un des plus grands disques de la scène grecque, et une référence incontestable du metal symphonique. Et accessoirement, l'acte de naissance d'un des rejetons les plus doués de la scène extrême.
Quant à la magnifique pochette de Mystic Places of Dawn, gracieuse, elle reste de loin la plus réussie de Septic Flesh. Il faudra un jour qu’Holy Records et Set’h m’expliquent le pourquoi de la pochette hideuse accompagnant la réédition. Ses possesseurs sont bien à plaindre -choisis ton smiley-.
Ah oui, sur la superbe version d’origine, la seule, l’unique, Kostas est mentionné en tant que batteur, bien qu’il soit absent de la photo du line-up. Il est d’ailleurs remercié dans la thanklist. Il est aussi précisé sur le titre Dreamlord (celui enregistré en mai 1993, avant les sessions de janvier-février 1994) que les parties de batterie ont été assurées par Nick Adams sur ce morceau. A l’avenir, au lieu de chipoter entre vous, adressez vous directement au maître, c’est tellement plus simple –choisis ton smiley-.
Enfin, un dernier mot sur l’album successeur Esoptron. J’aime ce disque, bien que je ne puisse m’empêcher de lui trouver un côté soporifique au fil de l’écoute. Quant à Ophidian, inutile de préciser combien les sopranos de dame Rassoulis me 'ras'saoulent, c’est viscéral.
Fabien.
Amateurs de Death épique (et il n'y a pas tant de groupes que ça qui en font!), ce disque est pour vous!
Que ceux qui savent débrouiller ce binz le fassent, moi j'y comprends que dalle...
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