Liste des groupes Power Symphonique As Night Falls My Secret Place

Dans le carcan du Power Symphonique à chant féminin, les formations en devenir se bousculent, toutes étant en quête légitime d'une reconnaissance qui, pourtant, ne leur est octroyée qu'aux fins d'un travail inspiré, acharné et minutieux. Aussi, le rêve d'une première production envahit les esprits chez nombre d'entre elles, sans toujours en mesurer les enjeux et les implications d'une telle prise de décision. Toutefois, ce pari osé a été relevé par un jeune quintet polonais, tout droit venu de Katowice, en Silésie.

As Night Falls est un jeune groupe de power symphonique cofondé en 2010 par le guitariste Pawel Dylewski et la chanteuse Anna Achtelik. Se sont adjoints au groupe : le bassiste Lukasz Hatlas, le claviériste Lukasz Siwy et le batteur Darek Markiewicz. Fort de ses musiciens au potentiel artistique affirmé et techniquement plutôt adroits et d'une partie vocale aux belles inflexions, le combo s'élance alors avec détermination mais sans arrogance sur les terres fertiles de cet espace metal si convoité.

le projet artistique des initiateurs consistait à créer un groupe de metal symphonique à l'aune de grandes formations officiant dans ce registre particulier du metal, à l'instar de Magica, tout en conservant leur propre son et en développant leur empreinte stylistique. Au final, on observe une orchestration qui n'est pas sans rappeler le groupe de power symphonique finlandais Villieläin. De leur côté, les riffs acides et roulants et autres envolées synthétiques peuvent faire penser à ceux du groupe de power britannique Aonia. Sur le plan vocal, la voix claire, puissante et calée dans les médiums de l'interprète s'inscrit dans la même veine que celle de Marjan Welman (Autumn).

Pour tenter de nous convaincre, le groupe nous offre ce premier EP auto-produit de quatre titres d'environ vingt-quatre minutes, à partir duquel il a réalisé un clip sur le titre "My Memory". Cependant, même si la longueur des morceaux permet une expression non négligeable de leur argumentation orchestrale, on aurait souhaité un prolongement de l'oeuvre par deux ou trois titres supplémentaires pour en apprécier plus pleinement encore toute la teneur de leur propos musical.

Un premier constat s'impose : La densité instrumentale d'ensemble témoigne d'un travail en studio conséquent et d'une profusion d'arrangements distillés sur chacune des pistes de l'opus. Dans cette mouture, l'architecture rythmique ne déroge pas aux codes du genre power symphonique, usant d'une double-caisse massive, de tappings sémillants et de breaks opportuns autorisant un emballement de l'outil de frappe.

l'album joue sur deux plans qui se complètent, l'un appelant de ses voeux nos émotions grâce à de subtiles harmonies s'égrainant le long des pistes concernées, l'autre axant davantage ses efforts sur la technicité vocale mais surtout sur celle de l'instrumentation.

Dans la première salve, on décèle l'entraînante entame "My Memory" qui, sachant harmoniser riffs frétillants et rythmique massive à la façon de Villieläin, nous convie à des refrains mélodiquement nuancés. Le timbre chatoyant d'Anna vient progressivement à la rencontre de riffs devenant tantôt rugueux, tantôt roulants, avant de stopper net devant un break synthétisé, lui même faisant place à une belle reprise aux claviers. Enfin, comme pour parachever ce tableau haut en couleurs, un vif solo de guitare finit par convaincre de l'efficacité technique de ce titre. L'émotion nous gagne alors tout comme pour le douillet "Confession". Un piano bien inspiré accompagne tout le long les impulsions vocales en demie-teinte de la jeune interprète qui, par moments, sait angéliser son timbre. Pourtant sans rythme, cette ballade en piano/voix témoigne d'arpèges feutrées et d'un chemin mélodique cohérent à défaut de s'avérer totalement imparable. On est donc séduit, voire touché, par la grâce de ce titre authentique sans que celui-ci pousse à l'addiction pour autant.

D'autre part, que ce soit sur le mode d'une rythmique plombante, comme sur "In This Life", ou selon une dynamique plus affirmée, à l'image de "My Secret Place", la technicité instrumentale rejaillit davantage que sur les titres sus-cités. Le premier joue sur une diversification du champ acoustique par l'usage d'une rythmique modulée. La plupart du temps massive, celle-ci sait se faire syncopée, voire mitraillante, à l'instar d'un inaltérable et secouant tapping, à l'image de Magica. Sur fond de nappes synthétiques, des riffs fougueux s'installent pour laisser place à une agréable empreinte vocale calée dans les médiums. Au fil du titre, un joli break au piano vient à peine masquer une bondissante reprise en duo entre une guitare enjouée et un fouettant synthé. Dommage cependant que l'on y perde un peu en impact mélodique à force d'user de technicité instrumentale. Même observation pour "My Secret Place" qui, malgré une motivante rythmique et des riffs accrocheurs et un poil acides, à la manière de Aonia, n'envoûte pas réellement sur ses refrains. Pleine de bonne volonté grâce à son organe haut perché et puissant, Anna peine à nous convaincre de la teneur mélodique de son propos, au demeurant finement écrit. Ceci dit, la qualité des soli de guitare ainsi qu'une somptueuse mise en écho entre cordes et claviers sont aptes à nous faire éviter cet écueil, du moins partiellement.

On ressort de l'écoute de cet EP avec le sentiment d'avoir un premier aperçu de compétences techniques instrumentales solides et une partie vocale intéressante, qui aurait pu montrer davantage de modularités encore. Quant aux finitions, elles devront être passées en revue afin de gommer quelques irrégularités, notamment en fin de piste, qu'on quitte parfois avec un brin de brutalité. Par ailleurs, les lignes mélodiques se sont avérées nuancées, mais à quelques bémols près, elles auraient encore eu un impact plus évident auprès d'un public qu'il s'agit encore d'acquérir à leur cause. Enfin, manque à l'appel une certaine épaisseur artistique pour tenter de rivaliser un jour avec les références du power symphonique.

On conseillera cette première oeuvre aux amateurs de power symphonique, pour une mise en éveil de leurs sens. Il en faudra sûrement davantage pour convaincre un public averti dans ce registre spécifique du metal. Mais, en guise de préambule, cet EP saura s'inscrire dans le paysage sonore d'un auditorat non limitatif à la seule empreinte metal. Sans faire partie des travaux majeurs du genre, cet opus n'en demeure pas moins pertinent sur le plan technique que ce soit au niveau instrumental ou concernant la partie vocale.