C'est ridicule, mais j'ai toujours pensé que
Billy Corgan était un personnage historique ayant vécu à l'époque du far-west ou un bandit de grand chemin qui pouvait avoir, ne serait-ce qu'une once de parenté avec le semeur de troubles Jesse James. Mais enfin, comme Lucky Luke,
Billy Corgan, c'est un peu le meneur du troupeau, le loup solitaire qui se suffit à lui-même et s'auto-satisfait pleinement de son ego démesuré, et Rantanplan, c'est Jimmy Chamberlin, souvent considéré comme le "second" des
Smashing Pumpkins à entrer et à sortir du line-up plus vite que son ombre, mais en vérité, jamais bien loin de son maître qu'il suit même jusque dans les projets annexes (Zwan, album solo de Corgan « TheFutureEmbrace »), et ce, bien qu'il ne fasse plus partie de l'aventure depuis déjà cinq ans. De toute manière, DJ
Ivory Tower peut se lancer autant de fleurs qu'il le souhaite, il n'a jamais été un grand vocaliste comparé aux autres Layne Staley, Chris Cornell ou Eddie Vedder, à défaut d'avoir été, c'est vrai, l'un des meilleurs compositeurs de rock durant la période à succès du groupe, 1991-1998, avec des œuvres de génie telles que «
Siamese Dream » ou le double-album «
Mellon Collie and the Infinite Sadness ». Pour se rafraîchir la mémoire, remémorons-nous donc son annonce faite pour nous vendre la sortie du premier volet de la trilogie qui suivra, à commencer par le très agréable et homogène «
Oceania », en toute modestie ; "le meilleur album depuis 1995" et ça ne vient pas d'un critique ou d'un journaliste mais bien du leader de la bande lui-même... comme quoi.
Il va sans dire que ce « Teargarden by Kaleidyscope » est un projet relativement ambitieux, comme on pouvait d'ailleurs s'y attendre de la part de
Billy Corgan qui s'était mis la pression tout seul, car on se souvient tous, bien sûr, du double-album «
Mellon Collie and the Infinite Sadness » et de ses vingt-huit titres mais aussi de la suite d'albums sortie en 2000 avec « Machina/The Machines of
God » et « Machina II/The Friends & Enemies of Modern Music » dont la répercussion eut été bien moindre au final. Mais en fait, ce nouveau volet d'albums s'étendant de 2009 à 2015 s'appuie sur un concept tout autre de quarante-quatre morceaux inspirés par le
Tarot autour duquel une véritable dimension artistique et mystérieuse se crée (film, documentaire, making-of, compte à rebours qui n'en finit plus de tourner, bref, tout y passe). Du coup, si la démarche est aussi sérieuse que cela, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et proposer soixante-dix-huit titres comme en compte le jeu de cartes voire être l'investigateur d'un nouveau genre à succès, le ta'rock ? Cette fois-ci,
Billy Corgan devra mettre son ego de côté afin d'accueillir dans ses rangs un troisième membre derrière les grosses caisses,
Tommy Lee, spécialement connu pour ses travaux au sein de Mötley Crüe ou de
Methods Of Mayhem entre autres substances. Enfin, on restera volontairement sur cette dernière entrée dans la formation ; les changements de line-up étant devenus très récurrents depuis 2006 à la seule exception du gratteux Jeff Schroeder qui persiste encore.
Bon, dans l'entreprise
Smashing Pumpkins, vous avez donc compris qui commande, c'est toujours tonton Corgan, le patron, le boss, celui qui veut tout gérer seul sans jamais rien déléguer. Et pour le coup, on ne va pas lui dire le contraire, ce nouvel album raté, c'est bel et bien signé de sa patte, ce synthpop/shoegaze hyper léché qui ressemble d'ailleurs bien plus à un sous-
Swan qu'à autre chose... Du coup, ils ont également enterré l'époque pas si lointaine de l'assez subtile et encourageant «
Oceania » publié en
2012 pour emprunter la direction musicale fade et opportuniste des U2 ou Coldplay, à savoir, une musique toujours plus pop, pseudo-mature et ne contenant que quelques rares traces du rock puissant, inspiré et mélodique d'autrefois. Tout compte fait, l'auditeur ne devrait pas avoir tant de mal que ça à tenir le cap des deux premiers morceaux qui sont eux, très bien composés et inventifs mais ceci étant, c'est la fatigue et l'essoufflement qui prendra le dessus sur les 3/4 de ce «
Monuments to an Elegy ». En attendant, le titre d'ouverture « Tiberius » ferait parfaitement la paire avec le « Drum + Fife », accrocheur, efficace, généralement dans une veine folk-rock associée à des mélodies tantôt celtiques ou Irlandaises, en mid-tempo s'il-vous-plaît et nous livrant de belles performances artistiquement irréprochables de ce côté-là. Pour le coup, c'est un album déjà très court (d'à peine trente minutes) et bâclé à la base, mais qui en plus, ne fonctionne pas, c'est dire. De plus, pour peu que le timbre léger et nasillard de Billy vous soit assez désagréable, il faut bien se dire que l'album tout entier repose sur sa seule voix et sur cette tonne de claviers qui semble, d'une manière assez médiocre, remplacer les guitares à quelques moments. Bien sûr, pour les fans, il y aura toujours de quoi se satisfaire (très modestement cependant), en témoigne le tube « Being Beige » qui est un ticket offert vers le paradis et le rêve, seul produit réellement sincère et honnête réalisé par la bande, donc il faut en profiter. « The world's on fire, so... »
Alors, on se pose la question, les
Smashing Pumpkins ont-ils fait la démonstration de tout ce qu'ils savaient faire ? Quitte à nous proposer un opus de cette envergure, autant la déclarer tout de suite la séparation officielle. Mais allez que je t'enfile une espèce de pop-rock foireuse se servant de la popularité et des ambiances rêveuses d'un «
Siamese Dream » pour avancer, sous couverture Jean Michel Jarre (« Run 2 Me »), Mika (« Anaise! ») ou encore d'un Indochine à l'Américaine (« Dorian »). Autant dire que ce ne sont pas les meilleures références ni les plus appropriées et la face plus directe de cette oeuvre n'est pas une excuse, on parle bien des Smashing, une formation à plus de vingt-cinq ans d'expérience et capable de réaliser de longues plages immersives, des pièces d'une rare beauté. Mais poursuivons, ce premier titre que nous évoquions n'est, par exemple, qu'une succession de ratages immémoriaux au clavier qui se disent à la fois old-school, renvoyant à un vieux truc dance tout pourri des années '80 avec quelques percussions inutiles, le tout accompagné d'un chant mielleux, lover et fatigué au possible. Passe pour la figuration dans une scène sentimentale, et encore, cela ne produit strictement aucun effet sur le public que nous sommes. Faute de quoi, même avec une production de qualité et soignée, la musique, dans le genre ultra-soft et accessible est avant tout recentrée sur l'aspect calme, mélodique, tandis que le rock est d'une telle blancheur, pâleur et légèreté qu'il en devient presque atmosphérique, si ce n'est qu'il contient parfois deux-trois nuances de blues. En bref, on retombe souvent dans une sorte de lassitude telle qu'on en oublierait presque les bonnes choses glissées dans ce neuvième full-length. Ah oui, et ne venez pas tarir d'éloges ce « One and All » dans la mesure où c'est le seul morceau rock et tranchant de ces neuf titres ; c'est devenu d'un mou, d'une linéarité et d'une banalité à s'en arracher les cheveux.
«
Monuments to an Elegy » se termine sur un titre au nom hautement symbolique («
Anti-Hero »).
Billy Corgan a choisi de rayer définitivement tout ce qui a pu faire la renommée des
Smashing Pumpkins mais aujourd'hui, on le remercie car, morale de l'histoire, le
Tarot, c'est chiant. Pire qu'un velouté fruix, cet album, c'est un menu surgelé qu'on a décidé de nous refiler en dernier recours. I'm a poor lonesome cowboy...
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