Cet album, entièrement produit par Alexander Krull et écrit par
Liv Kristine (à l'exception du dernier titre :"The Man With a Child In His
Eyes", dont l'auteur est Kate
Bush), ne se veut pas être une pure production de Métal Gothique, en ce qu'elle ne répond pas forcément aux codes bien identifiables du genre. Il s'agit plutôt d'un savant dosage de pop-rock finement "métallisé" et d'influences électro, rock progressif, voire folk rock. Aucun rapport donc avec l'univers MS du groupe "
Leaves' Eyes" ou officient également et depuis déjà une décennie ces deux valeureux cofondateurs.
Ce qui frappe avant tout, c'est une atmosphère satinée et tamisée marquée par la discrète mais perceptible empreinte d'une certaine Kate
Bush. C'est sur ses traces que marche et évolue ici en filigrane la "Marilyn scandinave" de la planète MS. C'est dire que l'interprétation s'opère en douceur, en souplesse, tout en nuances, le plus souvent en voix de tête plutôt qu'en puissance et en voix de gorge. Nous avons donc à l'écoute un album plein de sensibilité vocale, de subtilités instrumentales et de délicates harmonies d'ensemble.
Cependant, les 11 titres proposés ne sont pas tous de qualité comparable. On observe d'ailleurs davantage d'inspiration dans la deuxième moitié d'album que dans la première. On peut même y voir là une certaine progressivité de l'intérêt que ces titres peuvent susciter.
Pour ma part, cinq titres phares se détachent de l'ensemble de cet opus. Tout d'abord, les deux titres de rock progressif : "
Silence" et "Meet Me In The
Red Sky" Le premier, pourtant sobre dans son interprétation capte l'attention notamment grâce aux fines variations vocales et au doux vibrato bien amené par la soprano. L'introduction au piano invite à suivre cette voix qui, au fil du morceau, évolue et appelle de ses vœux un violon, venant répondre en écho à ce clavier d'ouverture. Ce n'est qu'aux trois-quarts du morceau qu'une rythmique satinée se met en place, avant la chute finale. Là, la symbiose opère avec efficacité et on accroche vraiment! Même remarque pour le second titre où l'introduction se fait ici également au piano, à la façon d'un Mike Scott (songwriter du groupe The Waterboys) au sommet de son art. La progressivité du morceau est assurée par une orchestration "s'élevant" au fur et à mesure sur fond de chant feutré et bien nuancé. La structure instrumentale est solide et joue sur les contrastes, oscillant entre passages puissants et cassures de rythme, tout en assurant une progressivité à l'ensemble. Exercice ici aussi très réussi.
Dans un même mouvement, toutefois sur un registre plus pop que rock, on relève encore :"Wait For
Rain". Ce titre typiquement pop est soft, agréable tout le long, servi par une mélodie riche en harmonies.
Pas de surprises cette fois, mais un travail vocal des plus remarquables. La voix de Liv se fait cristalline, voire angélique, se fondant à merveille dans le superbe paysage instrumental, lui-même ayant contribué à la mettre en valeur.
Enfin, deux titres plus doux encore complètent la série des réussites de cet opus. Il s'agit de : "Love Crime" et surtout "The Man With a Child In His
Eyes". Le premier rappelle "
Silence", avec son ouverture au piano et l'effet d'écho avec le violon à mi-titre. Il s'en démarque tout de même par une ambiance encore plus tamisée, une mélodie non moins catchy, à l'image d'une composition fort subtile ayant privilégié une extrême finesse des harmonies. Les arrangements y sont résolument soignés. Autant dire que l'émotion est touchée en finalité. Le plaisir auditif est non moins au rendez-vous avec le second titre. Il ne s'agit pas là d'un vulgaire plagiat du morceau emprunté à Kate
Bush, mais d'une performance vocale magistrale. Sur fond de quelques notes de piano bien distillées, on peut observer à la fois les grandes modulations, les délicates vibes ainsi que le grain de voix bien identifiable de l'interprète. Ce titre sonne alors comme un très bel hommage à son auteure, sublimé de dorures vocales propres à son interprète, et ce, de bout en bout. Emotions garanties sur cette prestation!
Une seconde série de trois titres convainc encore, surtout de par l'atmosphère enjouée qu'ils contiennent. Pour ma part, ils sont un poil en-dessous du niveau de composition des cinq titres ci-dessus. Dans un registre pop-rock, on y trouve "Solve Me" et "
Paris Paris". Le premier titre à la rythmique bien assise et aux refrains plutôt bien travaillés. L'ambiance reste colorée mais s'avère moins nuancée qu'un "Wait For
Rain", à la fois plus aérien et harmonieux. C'est pourquoi, ce titre au demeurant relativement mélodieux, reste agréable sans pour autant être extasiant. Il en va de même pour "
Paris Paris" où, si l'atmosphère un tantinet acidulée reste bien inspirée, l'accroche rythmique qu'il contient ne parvient pas à retenir totalement l'attention. L'originalité des paroles bilingues (anglais/français) ne compense pas toujours le ton sempiternellement monocorde imprimé par la chanteuse sur tout le morceau. Quand la "Marilyn scandinave" revisite
Paris!... Enfin, "
Libertine", titre éponyme de l'album, relèverait davantage de l'électro-pop que du rock. A la différence des deux autres titres, celui-ci se calle à la fois sur une rythmique entraînante et des refrains efficaces. On y perçoit même un certain relief acoustique, dû aux contrastes entre de progressives montées en force de l'orchestration, et de soudaines cassures, nous plongeant alors illico dans le vide absolu. Mélodiquement, par contre, à l'exception des refrains, il ne relève pas le niveau de ce trio, car lui aussi manquant d'emphase! C'est dire que, sans décevoir réellement, ces morceaux ne resteront peut-être pas non plus dans les annales!
La dernière série, comportant elle aussi trois titres, ne parvient pas vraiment à se hisser au niveau des huit titres ci-dessus analysés. A commencer par "Interlude", premier titre de l'opus. Ce morceau, à la saveur soft rock progressif, reste vocalement monocorde de part en part. Si le travail instrumental n'est pas dénué d'intérêt, la partie vocale, s'exprimant invariablement en fond de voix, demeure transparente à défaut d'être déconcertante. De son côté, "
Panic", titre éminemment pop, empreint d'une certaine souplesse d'un point de vue instrumental, demeure trop linéaire pour retenir vraiment l'auditeur. Si la maîtrise vocale de Liv ne peut être prise en défaut, la pâleur de l'interprétation, desservie par des carences de modularité évidentes, envahit la piste et finit par tempérer nos ardeurs! Enfin, "Vanilla
Skin Delight", à la rythmique feutrée mais bien présente, ne convainc pas davantage. Le duo avec Tobias Regner n'est pas désagréable mais demeure trop fade pour nous retenir. Cet état de fait tient à la fois dans la linéarité de la structure instrumentale et dans la relative pauvreté des harmonies.
Au final, on trouve une
Liv Kristine éclectique, chassant délibérément sur un large champ musical avec plusieurs cordes stylistiques à son arc vocal de diamant. Souvent, elle parvient à toucher sa cible, grâce à la qualité de la production d'ensemble, de ses compositions et surtout à celle de ses interprétations. La belle a toujours de quoi séduire et elle nous le prouve avec cet album soigné et intéressant par bien des aspects.
Malgré ces qualités, on aurait souhaité plus de brio et de mélodicité encore sur certains titres, davantage de présence vocale sur d'autres. Par ailleurs, quelques solos de guitare bien placés auraient pu être intégrés dans de nombreux passages, contribuant ainsi à donner plus de teneur à des titres parfois un peu trop concis pour susciter l'adhésion. Enfin, deux ou trois titres supplémentaires n'auraient pas non plus été superflus sur un album tout de même un peu court (moins de 40 minutes seulement).
S'il n'est peut-être pas à classer parmi les incontournables d'une collection de CD, cet album saura tout de même combler les attentes des plus exigeants et bien sûr ravir celles des nombreux fans de l'artiste.
Nul doute que, dans la partie solo de sa carrière, la belle saura encore nous enchanter de par le charisme de sa présence vocale autant que par la belle inspiration qu'elle a bien souvent su insuffler à ses textes.
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