Victor Smolski fait partie de ces inépuisables compositeurs. Dans une recherche perpétuelle d'étancher sa soif de création, il multiplie les albums et les projets année par année. Les quelques rares pauses qu'on lui connaît sont par ailleurs toujours annonciatrices d'un tournant décisif dans sa carrière. Ainsi, même lorsque le guitariste semble absent, il revient avec quelque chose d'encore plus grand. Ce fut le cas lorsque
Rage, après un LMO, projet symphonique très réussi, laissa place à trois ans de silence, avant que le guitariste ne décide d'abandonner son titan du
Power pour s'adonner à un projet ô combien plus symphonique. En effet, probablement séduit par la coopération avec un orchestre et l'intégration à ses compositions de cette nouvelle source de richesse sonore,
Victor Smolski décida de se consacrer à sa nouvelle formation :
Almanac.
Dès le premier album, sobrement nommé «
Tsar », il apparaît que la patte de
Victor Smolski est reconnaissable entre mille. En plus de présenter une flagrante ressemblance au niveau de l'ambiance et des atmosphères avec LMO, ses riffs incisifs et assassins se marient parfaitement aux offensives de l'orchestre, en phase totale avec le style de Victor. Il en résulta un album d'excellente facture qui, s'il ne faisait pas évoluer l'oeuvre de Victor ou ne chamboulait pas le milieu
Power en général, restait une pièce d'orfèvre comme on en fait rarement dans le milieu.
Seulement une année après,
Almanac revient avec le bien-nommé
Kingslayer, muni de ce sublime artwork typiquement dans l'esthétique de la formation, qui ainsi tend à se créer une imagerie propre. Les couleurs foncées et l'évocation de cette pochette nous laissent présager un album plus sombre et agressif, peut-être dans la veine de « 21 », plus riche en riffs débridés et en parties de batteries headbangantes. Victor s'est alors entouré du même trio au chant que pour
Tsar, à savoir :
David Readman, Andy B.Franck et Jeanette Marchewka. Quand on voit l'efficacité avec laquelle les vocalistes ont insufflé de la vie et de la fougue au premier opus, on ne peut qu'approuver le choix du compositeur de conserver cette fine équipe. Cependant, en dépit de ces signes de bon augure, annonciateurs d'une énième tuerie,
Kingslayer se présente comme une minuscule baisse de régime dans le génial cerveau du guitariste. Minime, mais notable!
L'album ne parvient que trop rarement à se démarquer de son prédécesseur. Que ce soit au niveau des riffs, des mélodies, des refrains ou des orchestrations, tout se veut bien exécuté, dynamique, inspiré et fortement évocateur de la patte de Victor, mais ne propose jamais la moindre nouveauté, le moindre moment de bravoure, la moindre mesure qui pourrait à minima inscrire cette œuvre comme autre chose qu'un simple apéritif. Certes, il y a bien ce «
Hail to the
King » aux choeurs solennels et au riff orchestral oscillant entre le malsain et l'impérial, qui se démarque comme restituant fidèlement l'atmosphère promise par l'artwork. Mais encore une fois, les mélodies, les soli, la rythmique et les ponts restent dans la droite lignée de ce que le compositeur peut nous pondre par lots de douze.
Certes, il peut paraître contre-productif et capricieux de se montrer fine-bouche sur un album de cette qualité, mais celui-ci demeure bien loin des œuvres de Victor dans ses périodes créatives les plus fertiles. En effet, malgré ces mélodies d'une grande beauté, teintées d'une légère mélancolie («
Regicide », « Guilty as Charge »), ces orchestrations placées de manière judicieuse et équilibrée («
Kingdom of the Blind »), ou encore ces riffs et passages vocaux débridés (« Guilty as Charge » encore ou «
Red Flag »), les titres ne parviennent pas, non seulement à présenter leur propre identité, mais aussi à donner un authentique souffle et une ambiance définie à l'album.
Tout s'enchaîne ici sans réel fil conducteur, nous présentant une synthèse globale et enthousiasmante des capacités de chacun des intervenants, sans jamais les transcender ou les placer en symbiose parfaite pour obtenir un résultat vraiment démentiel, à la hauteur de l'opus précédent. « Loosing my Mind » en est un bel exemple. Introduit par une légère montée en puissance qui présage l'arrivée de quelque chose de colossal, un riff très mélodique, presque folk et d'une précision extrême, précède un couplet laissant la place libre aux trois vocalistes. Le pré-refrain tend vers une agressivité qui nous renverra au génialissime «
Scapegoat » de l'album LMO, avant de nous balancer un refrain très mélodique, presque hymnique, qui fera à coup sûr un carton en live. Mais voilà, l'enchaînement des idées, les gimmicks, les soli et la patte du compositeur bien démarquée sur le refrain ne parviennent pas à nous faire décoller tant tout ceci, bien qu'académiquement parfait, se contente de ronronner suivant une recette aujourd'hui bien connue du guitariste.
Et que dire d'un « Headstrong » ou d'un « Last
Farewell » qui ne font que réciter (à merveille bien sûr) les ingrédients qui ont fait la qualité d'un
Tsar, mais l'exotisme et surtout, la spontanéité en moins? Le premier opte pour un tempo rapide supporté par une guitare incisive (qui semble d'ailleurs n'avoir que des riffs du même style à nous proposer pour cet album). Les cassures rythmiques et le relief vocal sont bien sûr présents, mais peinent à rattraper un refrain trop semblable à «
No More Shadow » de l'album précédent. Pour le second cité, c'est la douceur qui sera de mise, portée par une mélodie d'un calme inouï, mais bien trop répétitive, et surtout, manquant de relief et de variations pour réellement captiver l'auditeur. «
Children of the Sacred
Path » fait pire encore, allant même jusqu'à répéter des mélodies des œuvres passées («
Hunter and
Prey » de
Rage pour ne citer qu'elle), pour constituer son couplet, tandis que son refrain manque cruellement d'accroche, car dans la droite lignée d'un
Power tout ce qu'il y a de plus banal.
Restera un « Guilty As Charge » de toute beauté, à la rythmique virevoltante et aux exquis changements de ton ; un «
Regicide » qui remplit à merveille son rôle de titre d'ouverture, notamment par ce riff punchy et renversant d'efficacité, qui rentre sans hésitation dans le lard après une introduction des plus malsaines, ou encore un «
Kingdom of the Blind » nettement plus
Power et qui fait la part belle aux orchestrations et aux superbes parties de batterie, sans compter ses lignes de chant d'une grande inventivité.
Kingslayer ne sera donc pas la mandale à laquelle semblait nous habituer un
Victor Smolski démentiellement productif. Jamais le compositeur ne nous aura autant paru à court d'idées, en retard sur sa création, ou en-deçà de ses œuvres précédentes. Cela ne signifie pas que ce
Kingslayer est de mauvaise facture, il atteint même une qualité bien plus enviable que la majorité de ce qui nous est proposé dans le genre Symphonique ou même
Power en général. Mais tenue dans les géniales mains du leader de
Rage, une telle offrande ne peut que décevoir le consommateur capricieux que ses œuvres ont fait de nous. Cependant,
Kingslayer ne peut faire naître l'inquiétude, car il n'est qu'un minuscule ralentissement au cours d'une course que nous avons toujours connue effrénée. Laissons-le reprendre son souffle, et attendons patiemment la suite qui arrivera bien assez vite pour apaiser nos doutes.
Exactement ! Ca reste Victor quoi ;-)
tout à fait l'ami un génie ca n'a pas de prix.
Bizarre ça...mes com' s'affichent en double quand je les écrit x)
vaut mieux deux fois qu'une!
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