Liste des groupes Heavy Metal Crystal Eyes Killer

Les glorieux aînés du heavy metal peuvent dormir sereins, l'influence qu'ils exercent sur leur monde n'est pas près de s'éteindre, grâce à tout un lot de formations plus ou moins récentes qui s'évertuent à composer dans le même esprit qu'autrefois. Appelez ça Heavy Revival, Metal Old School ou comme il vous plaira, reste que cette nouvelle vague, malgré une efficacité souvent présente, subit le défaut inhérent au genre, à savoir un manque flagrant d'originalité. Ajoutez à cela l'absence totale de finesse ou de subtilité et vous obtenez un heavy metal réduit à sa plus simple expression.
Tomber sur un album appartenant à ce genre ne réserve donc que peu de surprises. Les éléments qui permettent de juger de la qualité d'un tel album sont ainsi peu nombreux. Il faudra alors noter si le groupe réussit à prendre ses distances par rapport à ses influences, de même que la diversité des influences. Mesurer l'efficacité et l'intensité des morceaux peut être un bon indicateur ; noter la qualité de la production en revanche s'avère assez inutile, puisque les sonorités sont très similaires d'un groupe à un autre. Le constat est le même quant au niveau des musiciens et des capacités du vocaliste, tant il est rare de tomber sur des interprètes particulièrement incapables. On est en revanche certains d'avoir droit à la dose habituelle de soli et de montées dans les aiguës de la part du chanteur.

Et qu'en est-il de Crystal Eyes alors ? Tout d'abord, remarquons que les suédois sont dans le circuit depuis déjà un certain temps, leur premier effort full-lenght datant de 1999, sorti après une série de démos. Les albums se sont ensuite succédés à un rythme soutenu jusqu'en 2008, après un Chained d'un niveau correct mais n'apportant rien de nouveau. Le style joué à l'époque oscillait entre heavy classique et power à l'allemande, inspiré par Accept, Grave Digger, mais aussi Hammerfall et Primal Fear. Les suédois ont alors connu quelques difficultés dans le line-up, les contraignant à l'inactivité jusqu'en 2012, année de retour de deux des plus vieux membres et du frontman au rôle de chanteur. Le retour du groupe se fait donc en 2014, avec une signature chez la grosse écurie Massacre Records. Le label nous annonce d'ailleurs ce Killer comme un album dans la veine des chefs d'œuvres du heavy des années 1980.

Premier titre (éponyme pour faire simple) et on se reçoit dans les oreilles tous les préjugés que l'on a sur ce disque. Crystal Eyes nous offre là du pur heavy en ne négligeant aucun détail. Tout y est. Les guitares incisives, la basse galopante, la batterie trépidante, les lignes vocales mémorisables en un instant ... Une seule écoute et on se souvient déjà de tout, du pré-refrain agressif (Killer ! Prowler ! Hunter ! ), du solo hyper-classique (mais hyper-efficace), et de la montée vers des aigus frissonnants. Bref, exactement tout ce à quoi on s'attendait. Ce morceau est un peu la base heavy de laquelle part le groupe pour proposer ses autres titres.

Notons d'abord que deux parmi les meilleures compositions de cette offrande se situent bien loin de ce heavy traditionnel qui est visiblement la marque de fabrique du combo suédois. Forgotten Realms et Dreamers on Trial pourraient à leurs débuts faire penser à des ballades, mais ce n'est le cas bien évidemment ; ce sont juste des morceaux qui "respirent" plus. La première des deux se démarque par une alternance assez bien jouée entre passages rock et ceux plus lourds, le tout ponctué de chœurs fort sympathiques et accrocheurs. La seconde joue sur une atmosphère plus sombre, légèrement mélancolique, plus lente aussi, et qui dévoile un refrain ainsi qu'un solo de guitare tout en élégance.

Bien que cantonné au heavy old school prescrit par Massacre Records, Crystal Eyes essaye aussi d'élargir le cercle de ses capacités, incorporant à ses compositions des touches Thrash (Dogs on Holy Ground) ou Power (Warrior). Certains titres se voient comporter des refrains guerriers, dans un registre légèrement épique (Solar Mariner, The Lord of Chaos), tandis que d'autres s'essayent à un heavy typé américain (Hail the Fallen) où Mikael Dahl use et abuse de sa capacité à tenir des aigus improbables.
Ces initiatives de varier la musique du combo suédois sont à remarquer, dans un genre où la recherche d'originalité est presque un miracle. Malheureusement ces initiatives ne resteront que des tentatives vaines car bien trop timides ou approximatives. Soit les compositions gardent une influence heavy classique beaucoup trop forte et ne parviennent à s'extraire des carcans du genre (Spotlight Rebel, The Lord of Chaos), soit le décalage créé est trop inégal et la musique souffre d'incohérence (Hail the Fallen).

Finalement, le seul moyen d'écouter ce Killer sans risquer la déception est de ne pas se prendre la tête, ne pas réfléchir, ne pas penser aux ténors du genre qui ont déjà joué les mêmes morceaux des années auparavant ... Se laisser emporter par le heavy simple, efficace et entraînant que nous propose Crystal Eyes pendant ces trente-huit minutes ... Car oui, en plus d'une originalité souvent absente des compositions, le groupe s'est restreint à un disque de très faible longueur, dans le but probable de ne pas risquer de perdre en intensité. Dommage, puisque s'il y a bien une chose que l'on peut vanter à propos de cet album, c'est que l'on ne s'ennuie pas une seconde. Les morceaux s'enchaînent de manière fluide, et même s'ils restent empêtrés dans le conformisme on les distingue aisément les uns des autres. Quelques minutes supplémentaires auraient alors été agréables.
Ce Killer s'en sort ainsi pas si mal, et la variété des compositions jouent en sa faveur. Cependant, avec une interprétation aussi classique on imagine mal comment Crystal Eyes pourrait faire mieux ...