Myrath, c’est avant tout l’histoire-type de n’importe quel jeune groupe de
Metal : un commencement sur des reprises (
Symphony X, dans leur cas), une recherche d’un parti pris solide (le folk oriental), et une évolution de la maturité au fil des albums.
Desert Call, deuxième opus du groupe, était marqué par l’arrivée du vocaliste Zaher Zorgati, sublime voix tunisienne ayant propulsé
Myrath au summum de sa proposition orientale. Tales of the
Sand continua logiquement sur une série de titres plus courts, plus catchy, mais sans renier cette sève orientale qui prenait, avec cet album, une tournure plus forte encore.
Puis vint le virage ; incarné par
Legacy et
Shehili : des albums moins folks, plus conventionnels, ayant totalement abandonnés l’exigence d’écoute propre au Prog’ qui semblait pourtant définir le groupe depuis
Hope (leur penchant pour
Symphony X en étant pour beaucoup). Les réactions de l’audience ? En demi-teinte, une partie de la fan-base déçue de la perte de l’exotisme et de l’underground de la formation, une autre conquise par ce
Metal Progressif légèrement épicé… expliquant de ce fait l’essor du groupe dans les metrics de nos plateformes d’écoute, tant ce gain en accessibilité leur a permis d’élargir leur auditoire.
Mais quelle est alors la place de
Karma, dernière sortie du groupe franco-tunisien ?
Karma est né du COVID (à l’instar de Alphelion de
Leprous, le duet
Escape of The
Phoenix – A
Heartless Portrait de
Evergrey…), et comme beaucoup de ces albums, sa caractéristique différenciant est : son processus de création. Bloqués dans la maison du français Kevin Codfert (compositeur et claviériste de la formation), les musiciens prirent la décision de composer ensemble, là où Kevin, sur les sorties précédentes, envoyait ses idées par mail. La création sur partition ou sur logiciel de composition s’effaça pour laisser place à des idées plus spontanées : nées de l’expérimentation commune plutôt qu’à un processus de création individuel. Deuxième différence marquante : l’arrivée de Jacob Hansen à la production, que l’on ne présente plus. Homme de tous les albums, c’est l’influence de Jacob qui a permis à Kevin d’épurer considérablement son propos.
Into the Light en est certainement l’une des plus belles preuves. S’appuyant sur une ligne mélodique orchestrale très simple, la production est dévastatrice. Les arrangements respirent, les harmonies entre violons et cuivres se distinguent par la mise en valeur de leurs timbres respectifs, la guitare y trouve sa place pour déployer un riffing épuré mais diablement efficace, la basse en totale osmose avec la grosse caisse, arrondie le son et donne une sacrée puissance aux impacts. Zaher, au chant, prouve une nouvelle fois toute sa maîtrise, ses envolées épiques en fin de morceau achevant de transformer le titre en redoutable tube.
Karma, c’est ça : une série de titres ultra-catchy titillant la facilité d’écoute d’un
Powerwolf ou d’un
Sabaton sans jamais tomber dans la redon
Dance. Les morceaux sont variés, les idées fusent, la cohérence est inouïe et les musiciens sont de vraies fines gâchettes.
Il suffit d’écouter la proposition d’une grande fraîcheur qu’est
Candles Cry : un riff rock, des claquements de doigts pour appuyer les percussions, un refrain quasi-narré, et toujours ces orchestrations orientales superbement bien produites. A mettre en totale opposition avec The
Empire dont le propos épique s’accentue autour de ses arrangements, ses chœurs, et ses modulations complexes sur le pré-refrain. Un refrain Hollywoodien, d’un kitch total mais diablement jouissif, achève d’accomplir ce sentiment d’écouter un blockbuster auditif.
Myrath, avec
Karma, cherche à équilibrer tous ses flux. La maîtrise totale des musiciens n’échappe pas à la règle, le jeu de batterie est bluffant d’inventivité (ces descentes de tomes sur
Carry On), les cassures rythmiques sont plus rares, mais à leur place, permettant aux titres de respirer tout en nous livrant ces quelques instants « Whaou ! » qui donnent juste ce qu’il faut de relief pour divertir nos oreilles.
The
Wheel Of Time et son rythme de basse d’une élémentarité enfantine, reste sur un Mid-tempo magnifiquement bien construit où batterie, orchestrations, et guitares agissent comme des couperets rythmiques. Les arrangements y sont, encore une fois, sublimes, tandis que le titre nous ballade sur de multiples cultures et mélodies du monde.
Temple Walls, se rapprochera davantage de ce que
Myrath nous a le plus souvent livré lors de ses précédentes sorties ; et si nous pourrions être tentés de déplorer ces orchestrations qui n’ont plus d’orientales que leurs gammes, le titre bluffe par sa fluidité, ses multiples changements de rythmes et son refrain ultra ludique, le tout en 3 minutes 30.
To the Stars, titre d’ouverture, bien plus
Power dans son approche, se repose sur un riff à la
Symphony X, le tout sur un ternaire survitaminé. Quelques idées fraîches : l’ajout de castagnettes, les chœurs sur une lead mélodique lors du pont, une intro qui brouille les repères rythmiques, bref : sans réinventer la poudre,
Myrath sait faire détoner son arsenal.
Les fans des premiers opus n’y trouveront rien à leur goût. Il y a même à parier qu’une grande partie des auditeurs s’attristeront de ce
Metal Progressif Folk qui n’est plus tellement progressif, plus tellement folk, comme s’il n’y avait plus rien à tirer du groupe sans les épices de l’orient. Et si, pourtant, c’était
Karma le vrai
Myrath ? De l’aveu de Kevin lui-même,
Karma est le reflet de ce qui arrive lorsque le groupe compose ensemble. Et jamais un album de
Myrath n’a sonné si équilibré, si fluide, si évident en somme.
Même les titres plus « Pop » que peuvent être
Let It Go, Words Are Failing ou
Heroes apportent leurs lots d’idées et de qualité. Peut-être alors que l’époque
Desert Call et Tales of The
Sand doit être perpétrée par Ophaned
Land, tandis que
Myrath, avec
Karma, trace une route plus prévisible, plus « mainstrem », sans pour autant renier sa musicalité, sa générosité et cette sensation d’écouter de grands musiciens.
Karma est une réussite sous tous les angles, à écouter sans modération.
Merci pour cette chronique, dont je partage l'avis global. Cet album est à mes oreilles une véritable réussite, là où le précédent m'avait vraiment laissé de marbre. Même si c'est beaucoup plus "mainstream", qu'est-ce que c'est bien fichu ! Peut-être finalement l'album que j'écoute le plus de leur discographie. Et en concert les morceaux passent vraiment bien entre leurs précédentes offrandes.
bonne chronique mais justement, là où le groupe m' avait enchanté jusqu' à Tales of the sand , depuis ce dernier les offrandes suivantes m ont laissé quelque peu de marbre ( shehili j ai dû l' écouter deux fois à tout casser , et il me laisse pantois). Je ne retrouve pas l identité Myrath qui m avait conquis à l' époque. Là , on a du métal bien foutu c est vrai, mais qui se noie assez vite dans la masse.
Trop mielleux pour moi depuis Legacy malheureusement. "Hope" est un OVNI clairement en hommage à Symphony X mais quel régal cet album ! Les deux suivants sont efficaces, bien catchy cependant moins prog. Après, c'est devenu un florilège de clips sirupeux pour ados malgré quelques bons titres. Dommage... Je conseille d'écouter ACYL dans le style métal "oriental".
NB : faut arrêter avec "Carry On" à chaque titre !!! Il doit bien exister d'autres verbes ! :-D
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire