Désormais figure forte du blackened deathcore aux côtés de
Lorna Shore,
Mental Cruelty ou encore Disembodied
Tyrant, les Américains de Worm
Shepherd possèdent pourtant ce petit grain de folie qui leur permettent d’être immédiatement identifiable. Si la fougue jeunesse de son frontman Devin Duarte y est sans doute pour beaucoup, la formation conquiert au moyen d’un brio presque insolent les genres et sous-genres du death entre slam, symphonique et downtempo. Cet incroyable talent vaut pour le moment au quatuor de tenir une discographie irréprochable qui lui permet malgré une faible ancienneté d’avoir pu collaborer en compagnie de grands noms de la scène « core » comme Alex Koehler (ex-
Chelsea Grin), David Simonich (
Signs Of The Swarm) ou Adam Mercer (
A Wake In Providence).
Après la parution de son premier opus In
The Wake Ov Sò͘l, le label Unique Leader Records spécialisé dans la musique extrême a rapidement détecté l’immense potentiel des musiciens afin de signer ensemble leur deuxième disque
Ritual Hymns. Malgré une production quelque peu purifiée et adoucie, le groupe a témoigné une nouvelle fois d’une maîtrise, d’une maturité et d’une technicité à toute épreuve qui l’a placé parmi les meilleures parutions de l’année 2022. C’est donc avec une pleine confiance que notre collectif revient avec une troisième parution du nom d’
Hunger. L’artwork est signé Caelan Stokkermans à qui l’on doit les magnifiques illustrations des derniers opus de The
Acacia Strains ou de
Crown Magnetar.
A la première écoute de cette nouvelle œuvre, nous sommes assez vite déboussolés par un contenu qui s’avère généreux et luxuriant. Notre combo s’aventure un peu plus dans l’expérimentation et dans des inspirations plutôt étonnantes. C’est le cas dès le morceau d’ouverture
The Anguished Throne où quelques timides jets au chant clair sont discernables. On observe également un effort monumental sur l’accomplissement symphonique entre le piano émotionnel et l’orchestration assez oppressante. Les curiosités ne s’arrêtent pas là puisque le breakdown laisse entrevoir l’étoffement de la palette vocale de Devin Duarte sur un procédé que certains tendent à appeler une « phonation ingressive ».
C’est dans une direction complètement inattendue que le quatuor nous emmène dans son titre éponyme avec du deathcore djent. Le riffing de l’intro et de l’outro ainsi que les percussions possèdent de surprenantes similitudes avec un certain
Bleed de
Meshuggah, une atmosphère froide et inhospitalière. Le tempo de la mélodie change subitement pour basculer dans un death plus traditionnel chargé de blastbeats et de riffs furtifs. La panne est tout aussi orthodoxe et sans s’embourber dans le languissement et la massiveté progressive, elle est d’une intensité redoutable. Le chant entretient cette rusticité à l’aide d’un growl tout à fait ordinaire, loin des habituelles voix écorchées du black metal, sans pour autant être ennuyant.
Passé ces deux premières chansons, nos Américains nous renvoient dans des prédispositions routinières, dans un sillage direct avec
Lorna Shore. Sur les chœurs de
He Who Breathes Fire ou de l’intro de The Whistles In The
Cold, il est impossible de passer à côté de cette tournure dramatique et intimidante. Il en sera de même pour les breakdowns qui reprennent une recette bien huilée de pesanteur et d’animosité. Pourtant, les artistes parviennent toujours à éviter la copie conforme par des ressources qui semblent inépuisables, des passages davantage conformistes ou des éclats vocaux renversants.
Notre formation peut également compter sur des compositions authentiques qui lui valent un avantage certain et un intérêt grandissant. Il en est pleinement question sur le saisissant
Illuminate Oblivion, morceau le plus accessible de l’album par une instrumentalisation majoritairement acoustique et un chant clair presque hanté. Le titre très progressif finit sur des notes agressives, des riffs graves et un guttural malveillant, le tout sous un rythme engourdi. Quant au final
And At
The End Of Fear,
Silentium, c’est par un registre davantage tourné vers l’émotivité et la mélancolie que le quatuor s’illustre. L’écriture est dantesque, au même titre que la prestation vocale qui touche à la fois au chant clair, au screaming, au growling et aux cris éraillés.
Hunger transcende un peu plus les frontières du blackened deathcore et s’impose comme un disque majeur et incontournable pour tout amateur de musique extrême. En mêlant une créativité foisonnante à une technicité irréprochable, Worm
Shepherd nous offre une œuvre aussi déroutante que captivante où chaque écoute révèle de nouvelles subtilités. Loin de se contenter des codes éprouvés du genre, le quatuor américain explore des territoires inédits et oscille entre une brutalité implacable, des ambiances neurasthéniques et des élans symphoniques d’une rare brillance. Ce troisième opus est donc une nouvelle confirmation du savoir-faire de la formation qui ne cesse de se surpasser et d’impressionner.
(Il s’agira cependant des dernières esquisses sous la tutelle de Devin Duarte, expulsé du groupe juste après la publication du disque suite à des accusations d’abus sexuels de la part d’une ex-compagne.)
Merci de nous tenir ainsi au courant de l'actualité de ces bons groupes de Blackened Deathcore. Le titre que tu as mis en écoute donne vraiment envie de se passer le reste de l'album.
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