S'il est des formations n'ayant nullement cherché à brûler les étapes pour tenter d'essaimer leurs riffs et faire entendre leur voix, ce combo vénézuélien créé en
2012 par l'auteur-compositeur et pluri-instrumentiste Sting Weiss (The
Wizard,
Dragon Blanco, Sulgogar), avec le concours de la batteuse Ana Alvarez, serait assurément du nombre. Après des débuts tâtonnants, à l'instar de leur introductif EP «
Origo » (2014), suivi trois ans plus tard d'un second et discret effort de même acabit, «
Beyond Evolution », le collectif sud-américain a ralenti encore d'un cran la cadence de ses réalisations, s'étant alors laissé le temps nécessaire à la maturité de ses compositions et au peaufinage de sa production d'ensemble...
Aussi, pas moins de cinq années se seront envolées avant de les voir accoucher de leur troisième et présent EP, «
Helena de Troya », auto-production modeste de ses 26 minutes où se succèdent 6 pistes, toutes inspirées par Hélène de Troie, figure emblématique de la mythologie grecque, fille de
Zeus et de Léda, et son destin tragique après avoir été kidnappée par
Paris, Prince de Troie. Une inspiration littéraire loin d'être sans effet sur l'atmosphère et le rythme insufflés à leur propos. Bien moins inspiré aujourd'hui par
Epica et
Eluveitie que par
Nightwish,
Sirenia,
Tristania et
Draconian, c'est dire qu'à l'aune de ce propos à la fois offensif, énigmatique, théâtralisant et romanesque, le combo a conservé sa fibre metal symphonique gothique originelle, empreinte d'une touche dark, au détriment d'une coloration folk désormais aux abonnés absents.
Dans ce dessein, le line-up a subi de profonds remaniements, Sting Weiss ayant dès lors sollicité l'empreinte vocale de la soprano Ysis Vivas, le sémillant jeu de guitare de TJ Richardson et la basse vrombissante de José Mendoza. De cette étroite collaboration naît un set de compositions à nouveau calé sur le schéma oratoire devenu classique de la Belle et la Bête, transpirant la féconde inspiration mélodique et fleurant bon la maîtrise technique de ses auteurs. Bénéficiant parallèlement d'une ingénierie du son dorénavant plus aguerrie, à commencer par une qualité d'enregistrement de bonne facture, tous les voyants seraient au vert pour nous inviter à une invitante traversée...
Si le propos se fait globalement pulsionnel, la traversée ne s'effectuera que temporairement sur des charbons ardents, l'araignée trouvant alors quelques subterfuges pour nous attirer dans sa toile. Ainsi, si le fougueux et anxiogène « Gorgonas » n'a de cesse de nous mener sur des chemins de traverse, c'est pour mieux nous retenir, in fine. Pourvu de riffs acérés, faisant pleuvoir de virulents coups de boutoir et doublé des growls à la fois caverneux et rocailleux du maître de cérémonie et d'un flamboyant solo de fin. ce tortueux up tempo dark symphonique gothique, ''draconien'' en l'âme, n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. On ne sera guère moins bringuebalé par « El Descenso », ''tristanien'' mid/up tempo metal symphonico-progressif et cinématique abondant en contrastes atmosphériques et rythmiques. En dépit d'une ligne mélodique en proie à de tenaces linéarités, mais se dotant d'arrangements instrumentaux de bon aloi, l'épique et énigmatique méfait ne saurait davantage être éludé.
Plus nombreux sont les passages un tantinet moins incisifs et torturés, ces espaces d'expression n'en recelant pas moins de sémillants arpèges d'accords, qui sont autant de séries de notes aptes à nous retenir plus que de raison. Ce qu'attestent, d'une part, « Andrómeda » et « Esmeralda Bajo las Llamas », mid/up tempi aux riffs crochetés et aux stupéfiantes accélérations du convoi orchestral. Eu égard à leurs enchaînements intra piste des plus sécurisants et à un saisissant duo mixte en voix de contraste, les cristallines inflexions de la belle faisant front aux serpes oratoires de son acolyte de growler, ces deux efforts metal symphonique gothique au carrefour entre
Tristania et
Nightwish ne se quitteront qu'à regret. Dans cette mouvance, on retiendra encore « Fear of
Dying », titre tiré du second EP, « The
Fall of
Lucifer », du groupe de doom death gothique vénézuélien
Bleeding Tears. En outre, conservant son substrat mélodique, atmosphérique, rythmique et vocal originel, l'intrigant mid tempo syncopé ne témoigne que de peu de sonorités propres à nos acolytes. Etat de fait qui ne l'a nullement empêché de se faire à la fois engageant et oppressant, rayonnant et obscur, et de capter l'attention de l'amateur du genre, in fine.
Dans une, plus rare, perspective romanesque, nos acolytes parviennent là encore à aspirer le tympan. Ce qu'illustre le bref et ''nightwishien'' mid/up tempo au martelant tapping «
Helena de Troya », poignante offrande greffée sur d'ondoyantes nappes synthétiques et calée sur une mélodicité toute de fines nuances cousue. A la sirène, au regard de ses angéliques patines, d'achever de nous convaincre de ne pas quitter prématurément la goélette.
En définitive, à l'aune de cette menue mais seyante et troublante livraison, le groupe sud-américain semble désormais bien loin de ses tâtonnants débuts. Tant en ce qui a trait à sa production d'ensemble, la qualité de sa technicité instrumentale et la fluidité de ses sentes mélodiques, une réelle métamorphose s'est opérée. De plus, chaque espace d'expression s'avère judicieusement exploité, l'opus ne concédant dès lors que fort peu de frustrantes longueurs et de bémols susceptibles d'en altérer l'impact. Des enchaînements plus finement esquissés et des lignes de chant plus assurées, même si quelques irrégularités sont encore de la partie, complètent un tableau plus richement orné aujourd'hui qu'hier. Il faudra néanmoins à nos compères penser à diversifier leurs exercices de style, varier leurs phases rythmiques et développer un propos un poil plus personnel qu'il n'apparaît afin de lui conférer davantage d'épaisseur artistique. Etat de fait qui ne saurait nous empêcher d'aller au terme de la palpitante traversée. Décollage amorcé pour le combo vénézuélien...
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