Un peu plus de deux ans après
Ligfaerd, et suite à quelques délais, l’Infâme
Nortt nous revient pour hanter nos esprits masochistes. Troisième longue durée donc pour
Nortt, qui a du coup signé chez Avantgarde Music. Que sonne le glas, car l’annonce d’une telle sortie a un arrière goût de fin du monde. Ni espoir, ni devenir, comme le disait Fucked up
Mad Max, telle semble être le leitmotiv de
Nortt.
L’artwork est explicite : un homme encapuchonné s’avance au milieu d’une forêt, tenant dans ses mains une corde avec un nœud coulant (
Galgenfrist signifie quelque chose comme "L’appel de la potence"). Il est intéressant de noter l’évolution des artworks.
Gudsforladt présentait une pochette assez abstraite, un lointain paysage nocturne et orageux, puis sur
Ligfaerd apparaissait une étrange figure au milieu d’un cimetière, le tout sur un ton très épuré, sans détails. Ici, c’est une photo en noir et blanc. Je serais presque déçu de cet artwork, non représentatif de l’idée que je me fais de la musique de
Nortt. Certes, on conserve le caractère sombre et morbide, mais le travail est trop explicite, trop direct. J’eusse préféré une approche plus insidieuse, plus abstraite.
Musicalement, on retrouve la formule
Nortt, à savoir un funeral doom très lent. Il y a toujours ces guitares plus incisives que pachydermiques en fond sonore, qui sonne comme l’éclair qui déchire le ciel. Le son n’est pas ultra lourd comme on peut le trouver dans le doom habituellement, ce qui constitue un infime lien au black metal. On retrouve également clairsemé le long de l’album la voix fantomatique et grondante de l’âme pensante du combo, dans un registre plutôt black metal également. On s’arrête là pour les influences black, le reste n’a rien à voir avec ce genre musical. La batterie fait figure de tambour du jugement dernier, jouée à un tempo si lent qu’il n’est même plus possible de parler de tempo. Greffé à cela, on retrouve des nappes d’ambient, comme auparavant ; mais, et c’est là une nouveauté, le côté ambient est largement plus présent dans cet album. Il risquerait même d’en dérouter certains. Pourtant, il ne m’étonne guère de voir
Nortt coupler autant de parties atmosphériques, déjà pourtant bien présentes précédemment, à son funeral doom. On retrouve également le piano, avec des mélodies simples, très simples, pour ne pas dire simplistes, et pourtant ces mélodies sont d’une profondeur et d’une gravité bleuffante. Un son nouveau fait également son apparition, une sorte de larsen de gratte, un son très aigu et continu, qui vient renforcer le côté apocalyptique de la musique (d’un point de vue doom bien sûr...). Ce son se rapproche des mélodies jouées à la guitare sur Ligfaered, mélodie extrêmement lente. Ce n’est pas tout à fait le même son ici, il fait clairement plus penser à un son bruitiste. Cependant, l’utilisation de ce son n’est pas toujours totalement réussie, et il semble un peu à part du reste de la musique, comparé à tous ses éléments très graves, comme entourés d’une aura sombre. Mais c’est là une critique légère. La musique reste toujours extrêmement noire, s’enfonçant inlassablement dans les abysses de la terre et de l’esprit. Un voyage funéraire dont le but n’est autre que la
Mort.
La
Mort est en effet vue selon le géniteur comme une libération, comme la seule possibilité de salut. Si la
Mort tient un rôle si important dans l’univers de
Nortt, ce n’est pas pour rien. Le salut ne peut venir que d’elle, car il n’y a rien à attendre de la vie. Voilà donc la vérité que nous assène la musique de
Nortt : la vie est un non sens. Et nous, pauvres mortels, cherchons vainement à combler ce vide, toujours à espérer, sans savoir quoi au juste. Si la musique de
Nortt est si grave, c’est parce que cette vérité n’est pas simple à admettre. Le vice de l’espoir finit par ressurgir, et espérer c’est prendre le risque de se confronter au désespoir.
Nortt m’a toujours semblé au-delà de la dépression et du désespoir. Il n’y a pas vraiment de tristesse chez
Nortt, au sens où la tristesse résulte d’un besoin affectif.
Nortt est bien au-delà, c’est une étape où les concepts d’espoir et de vie n’existent plus. Il s’agit de la résignation la plus complète, il n’y a plus que l’atroce Vérité, insupportable et douloureuse, il n’y a plus d’envie ni même de besoin. L’étape finale avant la corde. La bande son du deuil de votre vie. Car c’est bien là le but de
Nortt : répandre le non sens de la vie afin que chacun se rende compte de sa médiocrité et finisse par accepter ce qui aux yeux de certains paraît impensable : nous ne sommes nés que pour mourir. Il n’y a rien d’autre, il n’y a même peut-être rien.
Galgenfrist est donc une nouvelle piqûre de rappel pour ceux qui se seraient lâchement remis à espérer et à donner un sens à leur vie. Je ne qualifierais pas cet album de perle ni même d’exception. Plusieurs raisons à cela : d’une part, un artwork qui ne colle pas complètement à la musique proposée, puis deux trois éléments musicaux qui ne permettent pas de parler de perfection. Et puis, il faut bien être honnête,
Nortt n’a pas renouvelé le genre, ce n’est de toute façon pas ce que j’attendais. Ainsi, si les autres albums ne vous ont pas accrochés plus que ça, pas la peine de vous procurer ce
Galgenfrist. Nul doute que l’écoute de cet album demande un investissement de la part de l’auditeur ; il faut être prêt à renoncer à ses certitudes et laisser la musique pénétrer vos pensées. Sans cela, la musique de
Nortt ne vous paraîtra qu’ennuyeuse et sans intérêt. En revanche, les inconditionnels du genre peuvent foncer, c’est une valeur sûre.
Nortt fait selon moi partit de ces groupes capables de complètement faire oublier la musique pour nous transporter dans leur univers, et ce troisième album ne déroge pas à la règle. Un excellent album.
J'ai acheté l'album hier et c'est très spécial c'est vrai mais j'apprécie beaucoup.... rien que par curiosité ça vaut le coup d'écouter...
D'ailleurs ça m'fait pas mal penser à Tyranny et Wormphlegm...
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