Jeudi 2 aout 1990, 2 heures du matin : l’Irak de Saddam Hussein envahit le Koweït de l’émir Jaber Al-Ahmad Al-Sabah en vue de placer définitivement sous son joug ce petit état de presque 18 000 km2 autrefois rattaché de façon nominale à l’
Empire Ottoman et on ne peut plus riche en ressources pétrolières, lesquelles étant à l’origine de tensions notables entre les deux pays voisins depuis l’indépendance du Koweit décidée par les Britanniques en 1961. Hussein reproche notamment à l’émir Jaber III de maintenir les cours du pétrole trop bas sous pression économique britannique et donc de priver l’Irak d’une partie de ses revenus, d’autant plus que le Koweït lui bouche géographiquement l’accès à la plus grande partie du Golfe Persique qui lui permettrait d’écouler son pétrole d’une façon on ne peut plus optimale sur les marchés internationaux. Le 6 aout, le président américain Georges
Bush signe l’ordre d’engagement de l’opération «
Desert Shield » qui verra à terme débarquer dans le Golfe une coalition internationale qui comptera jusqu’à 938 545 hommes chargés de régler le conflit en bombardant entre autres écoles et hôpitaux. C’est dans ce contexte géopolitique particulièrement sensible que patriote reconnu et symbole working class de l’american dream à l’instar de Bruce Springsteen ou de
Bon Jovi ; le groupe de hair metal
Poison participe à sa manière au conflit du Golfe en envoyant par cartons entiers des copies de son troisième opus on ne peut plus bien nommé «
Flesh & Blood » aux marines se battant avec honneur et fierté pour Dieu et la Liberté.
Formé en 1983 sous le nom de
Paris sous le grisaille industrielle de Mechanicsburg en Pennsylvanie par le chanteur diabétique Bret Michaels, le bassiste Bobby Dall et le batteur Rikki Rockett ;
Poison part tenter sa chance sous le soleil et les palmiers de Sunset
Boulevard à bord d'une ambulance d'occasion achetée 700 $ par Michaels en vue de concurrencer les Mötley Crüe et autres
Ratt tant dans les Billboards 200 et Hot 100 que dans les orifices intimes de groupies à peine majeures n’ayant d’autres aspirations dans la vie que de prendre « Nothin’ But a Good Time » et d’avoir l’indescriptible plaisir de changer une pince à linge sur le nez les Pampers nauséabondes de fils ou filles de rock stars. Largement parvenu à son but grâce aux très bons et successful «
Look What the Cat Dragged in » et «
Open Up and Say… Ahh ! », le gang glam de Bret Michaels remet le couvert le 21 juin 1990 en sortant l’album «
Flesh & Blood » sur Capitol/
Enigma Records.
Alors que
Poison nous avait habitué avec ses deux précédents opus à un hard/glam metal direct voir quelques fois un peu trop brut par rapport à celui pratiqué par ses contemporains, ce troisième disque semble traduire une maturité certaine dans son approche musicale et une réelle volonté d’évolution à mesure que raisonne une introduction quelque peu alambiquée intitulée « Strange Days of Uncle
Jack ». Loin d’être dispensable, cette mise en bouche relativement inattendue conditionne l’auditeur et lui fait implicitement savoir que ce «
Flesh & Blood » élèvera le combo le plus haïs de la scène hair metal hollywoodienne à un niveau supérieur. Effectivement et pour le plus grand plaisir de qui pouvait douter des capacités de progression et de renouvellement de ce véritable
Poison avec lequel Nikki Sixx et l’équipe bariolée ont toujours refusé de tourner de façon catégorique jusqu’à cet été 2011, « Valley of
Lost Souls » met en lumière un hard rock glam puissant, inspiré et on ne peut plus efficace à travers lequel Michaels, DeVille, Dall et Rocket semblent s’éclater au plus haut point et se rire allègrement de tous ces motherfucking bastards ayant toujours dénigré et rabaissé le groupe au rang d’un vulgaire boys band stupide et stérile tout juste bon à provoquer les premiers orgasmes onaniques de jeunes pucelles à peine remises de leur
Bat Mitsva. Sans conteste, l’indéniable progrès technique des musiciens depuis les deux précédents albums, allié qui plus est à la production sans faille aucune du légendaire Bruce Fairbairn (
Bon Jovi,
Aerosmith, AC/DC,
Scorpions,
Van Halen entre autres s’il vous plait) parviennent enfin à donner aux hymnes de
Poison une puissance sonique leur permettant enfin de révéler leur potentiel d’une façon on ne peut plus optimale. Même si aujourd’hui ce genre de démarche pue le fric et traduit la cupidité d’un music business rongé par les financiers et les cercles occultes régissant ce monde (humour), qui n’a jamais éprouvé le désir de voir
Poison réenregistrer les mythiques «
Look What the Cat Dragged in » et «
Open Up and Say… Ahh ! » avec les moyens d’aujourd’hui ? Alors que la personnalité de l’album semblerait plutôt être relative à une bonne humeur générale et catchy comme l’illustrent les très bons « (
Flesh & Blood)
Sacrifice », «
Unskinny Bop » et autres «
Ride the Wind », l’heure s’avère être également à des sentiments moins terre à terre avec notamment une ribambelle de titres qui sous entendent des personnalités peut être fragilisées par ces dernières années de rock star life et de tous les excès et remises en question qui peuvent en découler.
Ainsi, les mélancoliques et non moins réussis «
Life Goes on », « Don’t Give Up a Inch
Girl », «
Something to Believe in » conspuant les télévangélistes amassant honteusement à coups de mensonges et de fausses promesses des millions de dollars sur le dos de personnes crédules, sans parler de la sublime «
Life Loves a
Tragedy » ; véritable perle de nacre inqualifiablement belle de l’opus prouvent encore une fois que
Poison est toujours animé par ces sujets et questions de société que l’on ne peut nier lorsque l’on est originaire de l’environnement industriel et sans futur semble-t-il de la côte est. En d’autres termes, cet album présente une double identité particulièrement intéressante faisant de
Poison un groupe unique : d’un côté les hymnes rasant les pâquerettes et glorifiant les hobbies préférés des jeunes âmes exubérantes et perdues du soleil torride de Californie, et de l’autre des thèmes sérieux et constructifs qui aideront sans doute une jeunesse de la côte est désabusée par la désindustrialisation, la hard working life et par tous les soucis quotidiens qui en découlent. Quelque soit le parti pris, ce «
Flesh & Blood » plus pertinent qu’il n’y parait au premier abord possède cette trop rare capacité à se muter en miroir de la vie de qui prend la peine d’y associer sa propre existence et de s’y reconnaitre. En cela, «
Flesh & Blood » possède une âme et peut être considéré comme un album beaucoup plus introspectif et spirituel que ses très bons prédécesseurs. La pochette du disque représentant le tatouage que porte le batteur Rikki Rocket sur l’épaule droite scelle définitivement le caractère personnel et intimiste de ce troisième effort s’avérant être le dernier du line-up originel de
Poison avant le départ du guitariste CC
Deville remplacé par le traitre
Richie Kotzen qui prendra son rôle de nouveau membre du combo un peu trop à cœur jusqu’à oser piquer impunément la fiancée de Rocket. A ce dernier, à tous ceux que vous n’aimez pas mais qui s’occupent de vous et pensent faire partie de votre vie alors que vous ne pensez quasiment jamais à eux, à tous ceux qui vous ont mis des bâtons dans les roues en ignorant que leur bêtise n’a fait qu’accroître votre détermination et votre rage de vaincre, l’excellentissime et jouissif « Come
Hell or High Water » s’avérera être un moment très sympa d’écoute au cours duquel vous remarquerez et penserez à très juste titre que la vie a en règle générale un bien joli sens de l’humour…
Efficace, inspiré, énergique, empli de sens, personnel et racé ; les adjectifs qui sont le plus à même de qualifier ce troisième effort du mythique
Poison ne semblent en apparence pas correspondre à l’image que le commun des mortels est en droit d’attendre d’un groupe ayant embrassé avec on ne peut plus de vigueur tous les stéréotypes du style sleaze rock/hair metal jusqu’à paraître comme un pathétique groupe parodique accusé de nuire à la réputation de la scène auquel il fut rattaché. Inexplicablement et ce pour le plus grand plaisir des amateurs de démarches musicales originales et uniques ; «
Flesh & Blood » s’avère être un disque possédant une âme. L’âme de quatre kids du Nouveau Monde étant parvenus ensemble à réaliser leurs rêves et à contribuer à forger ceux de millions d’autres.
Merci pour la découverte Adrien.
Il a tourné dans mon discman pendant une bonne partie de mes années lycée. Je me l'étais même fait piquer dans une soirée et je l'ai retrouvé quelques semaines plus tard chez Joseph Gibert !?
Bref.
Le meilleur album du groupe selon moi, plus mature que les précedents et plus maitrisé que les suivants.
Superbe chronique. Bravo.
Ce mois-là, je découvre la chronique élogieuse de Flesh & Blood dans Hard Rock Mag et je suis irrésistiblement attiré par cette magnifique pochette. Fort de bons résultats scolaires lors des examens de juin, ma merveilleuse maman m'offre ce nouveau CD de Poison en guise de récompense...et c'est la claque! Pendant 2 ans, assurément le CD que j'ai le plus écouté (après Appetite For Destruction, mon 1er CD acheté et Empire de Queensryche). Souvenirs aussi de vacances en Corse où j'écoutais tout le temps cet album qui tournait pendant mon...dépucelage lol!
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