Message a été reçu par le combo nord-américain du souhait de le voir revenir dans les rangs avec un album full length sous le bras... Aussi, porté par un introductif et prometteur EP, «
Through Stone », mû par une dévorante envie d'en découdre mais sans pour autant avoir pressé le pas, ce dernier réapparaît-il quelque deux années plus tard. Le temps pour nos acolytes de peaufiner leur ingénierie du son tout comme leurs compositions, de fluidifier d'un cran leurs mélodies et surtout d'affiner le trait de leur plume. Une inaliénable motivation cristallisée par une luxuriante galette répondant au nom de «
Extinction Six » ; auto-production généreuse de ses 63 minutes où s'enchaînent sereinement onze pistes, dont trois issues de sa pimpante aînée. Cette nouvelle livraison serait-elle de nature à générer quelques frayeurs auprès de la concurrence, voire de propulser le collectif étasunien parmi les valeurs montantes du metal symphonique à chant féminin ?
Dans ce dessein, le line-up s'est étoffé au fil du temps, le trio cofondé en 2015 à Danbury (dans le Connecticut) par la frontwoman et parolière Krista Sion et le guitariste, programmeur et compositeur Alasdair Wallace Mackie, alors rapidement rejoints par le batteur Cullen Mitchell (Iblissian), se muant en un quintet au sein duquel s'agrègent désormais le claviériste Charles Woodruff (Screams Of Hockomock) et le bassiste Mark
Grey (ex-Myopia). De cette fraîche collaboration naît une œuvre power mélodico-symphonique et cinématique à la fois frondeuse, enjouée, charismatique et romantique, qui, tout comme sa devancière, évolue dans le sillage de
Nightwish, quant à ses arrangements instrumentaux ;
Delain, eu égard à ses lignes mélodiques ;
Ancient Bards, au regard de sa coloration percussive, et
Leaves' Eyes, concernant ses cheminements atmosphériques. Quant aux thématiques relatées, touchant essentiellement aux ravages écologiques auxquels l'homme se trouve aujourd'hui confronté, elles auraient de quoi interpeller plus d'une âme non encore sensibilisée à la question...
A nouveau produit par Alasdair Wallace Mackie, l'opus a été co-enregistré par
Randy Pasquarella (aux Pasquarella Recordings (Wappingers Falls,
New York), pour la partie voix et guitare acoustique) et Dave Kaminsky, guitariste/bassiste/vocaliste du groupe black progressif américain
Stone Healer (au Studio Wormwood (Mansfield, Connecticut), pour la partie batterie). Quant aux arrangements instrumentaux, réalisés aux Midas Productions, ils sont l'oeuvre de l'expérimenté claviériste Francesco Ferrini (Atemno,
Fleshgod Apocalypse). Pour compléter le tableau, le mastering comme le mixage ont été laissés aux petits soins d'un certain Jacob Hansen, prolixe ingénieur du son danois, connu pour avoir oeuvré pour
Avantasia,
Bare Infinity,
Delain,
Doro,
Epica,
Evergrey,
Imperia,
Kamelot,
Pretty Maids,
Pythia,
Sirenia, entre autres. Il en ressort une galette témoignant de bien peu de notes résiduelles, d'un équilibre quasi optimal entre lignes de chant et orchestration, et d'un souci permanent porté aux finitions. Histoire de mettre les petits plats dans les grands, l'artwork de la cover d'inspiration fantastique relève de la palette étoffée de la graphiste polonaise Marta Sokołowska, et le design comme le livret, de celle de Kathryn Johnson. Il semblerait que l'on soit dores et déjà entré dans une autre dimension...
Pour ne pas déroger à la règle inhérente à ce registre, le bal s'ouvre sur une brève et cinématique entame instrumentale aux arrangements ''nightwishiens''. Ce faisant, sous les assauts répétés de son tambour martial et du saisissant épaississement de ses nappes synthétiques, « Emergence (Intro) » recèle déjà une forte charge émotionnelle. Laissant entrevoir une soufflante profondeur de champ acoustique, c'est avec les honneurs et sous couvert d'un subtil fondu enchaîné qu'elle nous ouvre les portes du vaisseau amiral...
A l'instar de son prédécesseur, l'opus nous fait entrer dans un vaste champ de contrastes entre une corrosive et dévorante orchestration, une basse lipidique, des attaques guitaristiques en règle et les délicates volutes de la belle. Les pulsionnels et ''delainien'' « The Sound of Your
Voice » et «
Libra » en sont deux premières illustrations. Sur un registre non lyrique, la sirène évolue alors au beau milieu d'une foisonnante instrumentation samplée doublée d'une batterie au rythme le plus souvent soutenu. Bref, deux hits en puissance d'une redoutable efficacité, aisément et durablement inscriptibles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Dans cette énergie, s'inscrivent également « Where
Fire Dwells » et « Quiver of
Deception », deux efforts à la rythmique syncopée, oscillant chacun entre d'incessantes oscillations du tempo, dans le sillage d'un
Ancient Bards estampé «
Soulless Child » (second album du groupe italien). En parallèle, nous assaillent une basse résolument vrombissante ainsi qu'un limpide picking délivré par le guitariste, quel que soit le solo proposé. Et la sauce ne tarde pas à prendre, une fois encore.
Moins directement orientés vers les charts, d'autres pistes n'en demeurent pas moins pourvoyeuses de headbangs bien sentis. D'une part, c'est à un véritable déchaînement des forces en présence auquel nous assistons à l'abord de « Break the Chains », up tempo à la rythmique invariablement sanguine et d'une inaltérable énergie percussive. A mi-chemin entre
Delain,
Edenbridge et
Voices Of Destiny, cette ogive aux riffs crochetés délivre de galvanisants gimmicks guitaristiques et d'insoupçonnés changements de tonalité. D'autre part, n'ayant de cesse de faire hurler ses guitares, claquer sa basse et rougir ses fûts, le fulgurant single «
Catalyst » ne lâchera pas sa proie d'un iota. Se plaisant alors à nous secouer le tympan, le convoi orchestral le plus souvent emprunte des chemins de traverse, avec pour effet de nous intriguer sans jamais nous débouter. Chapeau bas.
Par ailleurs, sans y perdre de sa dynamique, l'escadron a assoupli ses frappes, octroyant dès lors une coloration plus atmosphérique que power à son metal symphonique. Ainsi, d'enveloppantes nappes synthétiques au parfum d'un
Nightwish à l'ère de « Oceanborn » sous-tendent l'entraînant et aérien « In Every Breath ». Au sein de cette enivrante offrande, comme pour pimenter la sauce, les changements de tonalité, au demeurant bien amenés, ne manquent pas à l'appel. D'autre part, si elles rayonnent sur les couplets, les caressantes volutes de la déesse font mouche sur un refrain que n'auraient renié ni
Leaves' Eyes ni
Delain. Ce faisant, la ligne mélodique repose davantage sur de fines variations que sur de mielleuses séries d'accords, parvenant non moins et durablement à faire transpirer une émotion.
Quand s'apaisent les tensions et que s'évanouissent les nébulosités, nos valeureux gladiateurs se muent alors en d'intarissables bourreaux des cœurs. Aussi, ne pourra-t-on que malaisément contenir la petite larme au coin de l'oeil sous le joug de «
The River Runs
Dry », ballade progressive d'une confondante luminosité mélodique et dotée d'un cheminement d'harmoniques certes classique mais des plus infiltrants. Au carrefour entre
Leaves' Eyes et
Delain, enjolivée par les pénétrantes impulsions de la maîtresse de cérémonie, la tendre et émouvante aubade n'en recèle pas moins un texte axé sur les dramatiques conséquences du réchauffement climatique, dont l'inexorable assèchement des fleuves. Le chaland ne sera guère moins troublé par les vibes enchanteresses exhalant de la ''xandrienne'' ballade atmosphérique progressive « The
Wraith ». Au cœur de cet océan de félicité, on appréciera tant la féline gradation du corps orchestral et le judicieux placement des ponts technicistes que l'élégant picking à la guitare acoustique et les enchaînements d'accords, au demeurant, du plus bel effet.
Mais le spectacle n'est pas tout à fait terminé. Le combo nous aurait-il gardé le meilleur pour la fin, et ce, à l'aune du titre éponyme de l'album, «
Extinction Six » ? Déroulant fièrement ses quelque 17:33 minutes d'un voyage aux multiples rebondissements et reposant sur des arrangements d'excellente facture, cette orgiaque fresque symphonico-progressive un tantinet cinématique nous immerge dans un vaste champ de turbulence. A la jonction entre
Nightwish,
Edenbridge et
Voices Of Destiny, la plantureuse et chevaleresque proposition abonde en variations atmosphériques et rythmiques tout en ne concédant pas un bémol quant à sa production d'ensemble. Si l'on appréciera tant les gracieux arpèges au piano que le dégradé de l'intensité sonore, entamé à trois minutes de la clôture du chapitre, quelques ponts technicistes auraient gagné à se voir raccourcis et, bien souvent, le sillon mélodique emprunté nous égare. Mais, pour un premier jet, et ce, dans un exercice de style ô combien périlleux, le combo n'a pas démérité, réussissant même à équilibrer les forces en présence et à nous retenir jusqu'à la note ultime de la pièce en actes.
Quatre années suite à sa sortie de terre, le collectif nord-américain affiche désormais un réel potentiel technique et une inspiration mélodique et scripturale que moult de ses homologues pourraient lui envier. Varié sur les plans atmosphérique et rythmique, l'opus l'est, en revanche, bien moins quant à ses lignes de chant, la belle n'ayant à aucun moment daigné concéder le micro. Par ailleurs, nos compères devront se distancier encore de l'emprise de leurs maîtres inspirateurs, du moins, suffisamment, pour conférer davantage d'épaisseur artistique à leur message musical. On aurait également souhaité voir l'une ou l'autre prise de risque inscrite au cahier des charges. Toutefois, la qualité de la production d'ensemble et l'heureuse juxtaposition stylistique aidant, le mal n'est pas grave. la troupe ayant encore bien le temps de rectifier le tir. Néanmoins, à la lumière de cette dantesque et poignante livraison, cette dernière serait-elle susceptible d'accéder au rang de valeur montante du metal symphonique à chant féminin. Il se pourrait même que l'on ne soit qu'aux prémices d'une palpitante et longue aventure...
Note : 15,5/20
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