Ça fait longtemps que j'attends de Dez Fafara qu'il montre enfin ce que
Devildriver a dans le ventre, littéralement. Si son ancien groupe
Coal Chamber suivait
Korn de trop près, il était n'en était pas moins attachant, avec son côté "
Loco" et borderline. Après le Split de
Coal Chamber, Dez était reparti de zéro, avec des musiciens recrutés lors de diverses occasions menant à des séances de Jam.
Devildriver a enchainé les albums et les tournées avec régularité, si ce n'est un qu'un hiatus a coupé la carrière du groupe entre 2014 et 2015, qui a repris depuis avec un album studio, "
Trust No One" en 2016, et un album de reprises de classiques du blues (!), "Outlaws 'Til the
End Vol.1" en 2018.
Si Dez Fafara clame que
Devildriver est "outside the box", à mon sens, il a justement toujours peiné à s'extraire d'un moule de groove métal générique, et à montrer une vraie personnalité. Même en live, où
Devildriver donne l'impression de livrer des shows de manière très pro avec juste ce qui est attendu d'énergie pour un groupe de son calibre. Avec un projet aussi ambitieux qu'un diptyque d'albums, tiré d'une mine de près quarante huit morceaux composés, le but avoué était de créer une pièce maîtresse dans la carrière du groupe.
Plutôt qu'un véritable double album, ce sont deux albums qui avaient été prévus pour sortir à un an d'intervalle. Contrairement à son habitude, le groupe est passé par une phase de préproduction avec Steve Evetts (
Sepultura,
Suicide Silence, Dillinger
Escape Plan,
Prong,…) pour travailler sur le son de chaque titre, avec notamment des amplis différents. Tous les morceaux retenus pour figurer sur les deux volumes "Dealing With Demons" ont été finalisés, enregistrés et mixés par Steve Evetts à la même période, et bouclés dès le printemps 2019.
Malgré la survenue de la Pandémie, "Dealing With Demons Vol.1" est tout de même paru en 2020, alors que beaucoup d'autres avaient fait le choix de reporter leurs releases. Pour tout dire, j'avais été passablement déçu ; au lieu d'un missile, on a eu un pétard mouillé qui a fait pfuitt, une enfilade de morceaux assez génériques aux structures paresseuses, avec des tics de
Machine Head,
Lamb Of God ou
Gojira. Ça manquait trop d'énergie, de surprises et de hooks pour donner envie d'y retourner. Le plus frustrant étant qu'il y avait des bonnes idées, mais ni approfondies, ni mises en valeur...
Le Covid a joué un bien mauvais tour à Dez, qui l'a contracté de manière très sévère en 2021, avec un pronostic vital engagé. De longs mois de convalescence ont retardé la sortie du volume 2, le temps que tous les voyants soient au vert pour supporter le nouveau disque en tournée. Aussi, il y a eu pas mal d'hésitations autour du choix et de l'ordre des morceaux, et Dez est revenu plusieurs fois demander un nouveau mastering final pour quelques changements de dernière minute successifs.
Ce nouvel album est leur dixième, toujours chez
Napalm Records (auquel ils restent fidèles, après dix ans passés chez Roadrunner), et vu le contenu du premier volet, j'espérais que le deuxième n'allait pas ressembler à une compil de morceaux bonus. En effet, il se place dans la continuité directe du volume 1, avec toujours un artwork de Johnny Jones, qui reprend quasiment les éléments du premier, en changeant la composition et le dosage : plus de démons à l'image, on pouvait s'en douter !
Le premier titre "I Have No Pity" est à l'image de ceux du premier volume, si ce n'est que tous les curseurs sont montés : plus puissant, plus varié, et plus inspiré aussi. C'est efficace et rentre-dedans, avec des riffs de guitares massives ; l'aspect rythmique est toujours aussi prépondérant sur ce disque, avec une batterie qui impose sa loi. Coté production, le deuxième volume étant extrait des mêmes sessions que le premier, pas de surprises, il a rigoureusement le même son. Il est plus sombre et violent que le premier volume, avec comme extrême un "
Through the
Depths" qui lorgne vers le black, judicieusement choisi comme premier single, ou "
Bloodbath" rempli de jouissifs trémolo pickings death. Contrairement au premier volume qui était plutôt linéaire, il y a pas mal de cassures, de changements inopinés, et il n'y a pas de hasard, les poils se dressent. Voilà ce que j'attends de
Devildriver, qu'il me bouscule et me désarçonne ! Le dernier titre "This Relationship, Broken", avec son riff de refrain très accrocheur, finit de belle manière cet opus dense et rythmé.
Le tableau n'est pas parfait, car
Devildriver retombe dans le travers de laisser ses mélodies parfois sous là ligne de flottaison, au point qu'il faille tendre l'oreille pour les déceler sous le gros chug des palm mutes. C'est assez criant sur "
Nothing lasts Forever" où toutes les guitares à effets sont carrément sous mixées, et des plans comme cette descente d'harmoniques, où cette guitare à l'unisson avec les choeurs qui tombent à plat alors qu'ils devraient illuminer la composition. Si c'est un parti pris de mixage, il est plutôt malencontreux. D'ailleurs, dès qu'un élément mélodique est mieux mis en évidence, comme sur les intros, très soignées, et sur des titres comme "
Summoning" avec ses notes faites de bends vicieux, on sent tout de suite la différence !
Ce "Dealing With Demons Vol. 2", bien plus convaincant et consistant que la partie 1, soulève quelques questions. Pourquoi avoir sorti un premier volet aussi faible, ou ne pas avoir sorti un seul disque -un vrai double album- avec uniquement la substantifique moelle de leur moisson pléthorique ? Peut-être qu'en décidant de laisser le robinet des idées grand ouvert d'abord, et de mettre au propre autant de titres ensuite,
Devildriver s'est retrouvé à faire ses morceaux à la chaîne pour ne pas être submergé par le nombre… mais cette théorie n'engage que moi…
Cet album est un peu un regard vers le passé, il y a plus de quatre ans ; une des chansons phares de ce disque, "This Relationship, Broken" a été écrite par Neal Tiemann, qui n'est plus dans le groupe depuis. En effet, on a appris en 2022 les départs successifs du batteur Austin D'Amond, du bassiste Diego Ibarra, et du guitariste rythmique Neil Tiemann, remplacés respectivement par Davier Pérez
Ortega (The
Mirage Theory), Jon Miller (ex-
Devildriver), et Alex Lee (ex-
Holy Grail).
En tout cas, Dez a récupéré suffisamment pour repartir en tournée aux USA avec Cradle Or
Filth (il a rechoppé le virus à cette occasion, mais sans conséquence), a renoué avec
Coal Chamber pour quelques concerts, il continue à manager des groupes, et travaille sur son autobiographie. De nouveaux morceaux sont déjà écrits, avec ses compères de longue date Mike Spreitzer et Jon Miller, et ils prévoient de commencer à enregistrer en 2024. Un nouveau départ, en somme.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire